publicité
haut
Accueil du site > Actu > Énergie > Gaz de schiste : les industriels se rebiffent

Gaz de schiste : les industriels se rebiffent

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Gaz de schiste : les industriels se rebiffent
(Image : les logos des principaux industriels impliqués dans l'exploitation des gaz de schiste en Europe. Crédit : Gas Shale in Europe (GASH) )
 
Face à la mobilisation des riverains, des ONG et des politiques contre l'exploration des gaz de schiste, les organisations de l'industrie pétrolière veulent elles aussi faire entendre leur voix, en France comme au Québec.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

Manifestations, propositions de lois, débats à l’Assemblée, pétitions, documentaire, réunions d’informations…les anti-gaz de schiste multiplient depuis quelques mois les actions coups de poing pour faire stopper l’exploration de cette ressource énergétique. Face à eux, l’industrie pétrolière et gazière, qui doit aujourd’hui composer avec la suspension de ses travaux d’exploration décrétée par le gouvernement et peut-être l’annulation des permis déjà attribués, ne cache pas son exaspération. Lors de la présentation des résultats de son groupe en février dernier, le patron de Total déclarait ainsi être « agacé par le bruit qu’on fait autour [des gaz de schiste] ». Quelques semaines plus tard, lors de son audition devant la commission des Affaires économiques de l’Assemblée, le président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP) estimait également que « le risque environnemental qui a été agité est excessif par rapport à la réalité » et que « ce qui est vraiment important aujourd’hui, c’est de pouvoir forer – de façon traditionnelle comme à l’habitude, c’est-à-dire sans faire courir un risque environnemental – pour évaluer ce dont on parle. On se jette à la figure des anathèmes, alors même que nous ignorons si la géologie offre ou non un potentiel. » Aujourd’hui, alors que le gouvernement vient d’annoncer la mise en place d’une procédure d’urgence pour annuler les permis, l’industrie adopte une attitude résignée. « Vu la levée de boucliers politique, les choses semblent relativement pliées pour le moment et l’on ne peut que s’incliner », déclare ainsi Yves Le Goff, le directeur de la communication de l’UFIP. « La présidentielle étant dans un an, il y a énormément de pressions de part et d’autre…Il est donc difficile d’établir un pronostic sur ce qu’il adviendra », estime de son côté Bruno Courme, le directeur de Total Gas Shale Europe. Interrogé par l’agence Bloomberg le 1er avril, le président de Total en concluait qu’il leur fallait maintenant « attendre que cela se calme. Je ne suis pas pressé ».

De son côté l’Amicale des foreurs et métiers du pétrole, elle, ne veut pas baisser les bras. « Je suis ahuri par ce qui se dit et ce que l’on voit aujourd’hui », tonne Jacques Sallibartant, le président de cette association. Créée en 1986, celle-ci se veut « indépendante de tous groupes de pression » et compte quelque 1 700 membres en France et à l’étranger, en grande majorité des cadres et techniciens du secteur. Depuis quelques semaines, elle « mène une campagne » sur son site internet ainsi qu’auprès des administrations et politiques en démontant notamment le documentaire Gasland, dont elle reprend les critiques de l’association américaine Energy in depth [1] et entend bien emmener quelques députés en voyage d’étude aux Etats-Unis. Objectif affiché : lutter contre la « désinformation actuelle sur ces sources d’énergie et sur leur technique d’extraction, dite de "fracturation hydraulique", qui est visiblement totalement méconnue en France », explique Jacques Sallibartant dans une lettre adressée à tous les députés avant le débat du 29 mars à l’Assemblée nationale. « Ils se sentent mal traités, et sans doute à juste titre car si les opérations sont réalisées correctement les risques sont maîtrisables. Ce n’est d’ailleurs pas quelque chose que l’on démontre sur le papier… », abonde Bruno Courme. Des arguments qui auraient trouvé une oreille attentive chez le député François-Michel Gonnot, co-rapporteur de la mission parlementaire sur les gaz de schiste, estiment certains, comme la députée du parti de gauche, Martine Billard, qui a demandé sa démission, après son intervention qu’elle jugeait pro-gaz de schiste lors du débat à l’Assemblée. Mais pour Jacques Sallibartant, il s’agit seulement de rétablir les faits et de défendre une profession « qui est indispensable aujourd’hui » et qui en France « a démontré son professionnalisme, son savoir faire et ses réussites avec pour preuve des milliers de puits forés dans les règles de l’art ». Dès l’annonce de l’examen en urgence de la proposition de loi des 124 députés de l’UMP, l’association s’est donc de nouveau fendue d’une lettre ouverte aux députés où elle « exprime une vive stupéfaction mêlée d’amertume » : « plutôt que d’aboyer avec les loups vous feriez mieux de demander une modification des Règlements d’application du Code Minier visant à une meilleure répartition de la rente minière », écrit l’Amicale avant de demander à être reçue par la mission parlementaire.

Au Québec, les associations d’industriels retravaillent leur communication

De l’autre côté de l’Atlantique, au Québec, où la mobilisation contre les gaz de schiste est également extrêmement forte et où plusieurs rapports très critiques - dont ceux du bureau de l’environnement (BAPE) et du Commissaire au développement durable - ont conduit le gouvernement à décréter une évaluation environnementale mais sans le moratoire demandé par la majorité de la population (l’exploration reste permise mais sans la technique de la fracturation hydraulique qui sera seulement acceptée dans le cadre de l’étude), l’industrie, commence elle aussi à s’organiser pour faire entendre sa voix. On a ainsi vu le président de Questerre Energy, une société d’exploration de pétrole, s’emporter assez vivement contre les médias sur son blog, créé pour défendre l’exploration et financer des réparations d’églises dans des villages concernés par les projets, ce qui n’a pas manqué d’attiser les critiques des opposants pour qui il s’agissait de faire taire la population... « Il faut savoir que cette industrie est nouvelle au Québec et travaille d’ordinaire dans des territoires bien moins peuplés que celui du Saint Laurent, ce qui rend l’acceptabilité sociale beaucoup moins problématique. Elle n’était pas préparée à une telle contestation menée, il faut aussi le rappeler, par des ONG qui sont rompues à cet exercice de mobilisation publique », souligne Bernard Motulsky, professeur de communication publique et sociale à l’UQAM, au Québec. Pourtant, ces derniers mois, l’industrie a refondu ses méthodes de communication. Et selon le journal Le Devoir, quelque 55 lobbyistes de l’industrie pétrolière et gazière seraient à pied d’œuvre pour négocier le régime de redevance (qui leur est très favorable actuellement) et une éventuelle loi sur les hydrocarbures.

En février dernier, l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), qui regroupe principalement les entreprises étrangères opérant sur le territoire québécois, s’est ainsi dotée d’un président de premier choix en la personne de Lucien Bouchard, ancien Premier ministre de la province et ex-ministre de l’environnement. Dans une interview au journal La Presse, celui-ci a expliqué se voir comme « un conciliateur des intérêts privés et des intérêts publics (…) l’heure n’est plus à l’arrogance mais à la médiation. Je ne suis pas seulement le porte-parole de l’industrie ; mon rôle, c’est aussi de leur expliquer des choses à eux. Je leur dis que ça ne peut pas aller aussi vite qu’ils le voudraient, que ça ne peut pas se faire dans la précipitation. Il faut convaincre la population ». Après des gros ratés de communication, l’association parie désormais sur le ton pédagogique concernant les techniques employées tout en mettant en avant les avantages de cette exploitation pour le Québec, études à l’appui.

Depuis fin mars, une autre organisation de défense des intérêts industriels a également fait officiellement son apparition. Le Mouvement d’appui aux gaz de shale (MAGS) officie informellement depuis un an et réunit une trentaine de membres, essentiellement parmi les fournisseurs de cette industrie, ainsi que plus de 200 particuliers qui soutiennent la cause. L’association affirme elle aussi vouloir faire œuvre de transparence et se déclare en faveur des études environnementales qui vont être menées dans les prochains mois. « Nous sommes bien connus des populations riveraines des projets et nous nous attachons à leur montrer les chantiers pour qu’ils comprennent bien de quoi il s’agit et démystifier la technologie employée », explique son porte-parole, Mario Levesque, qui possède une entreprise d’acquisition de droits de passages sur les sites d’explorations gazières. Pour mieux faire accepter ses projets, elle souhaite aussi travailler en partenariat avec les universités comme celle du Québec à Trois rivières, qui réfléchirait notamment à la formation d’étudiants aux métiers du gaz de schiste, selon le magazine du site de recrutement Joobom.

Au Québec comme en France, si l’exploration est pour l’instant ralentie, il semble en tous cas que les gaz de schiste restent une option et que les industries pétrolières et gazières peuvent encore faire valoir leurs arguments. Le 13 avril, le Premier ministre français déclarait en effet aux députés qu’il fallait « remettre tout à plat » et « annuler les permis » mais qu’il avait également décidé de « prolonger une mission de recherche scientifique sur les possibilités d’exploiter ces gisements avec d’autres technologies. (..)Il n’est pas question de sacrifier notre environnement mais il n’est pas question non plus de fermer la porte à des progrès technologiques qui permettraient demain d’accéder à de nouvelles ressources énergétiques ».


Les opposants restent vigilants

La coordination nationale des collectifs contre la prospection et l’exploitation du gaz et de l’huile de schiste appelle à une « journée de mobilisation sur tous les territoires concernés » le 17 avril. « Le gouvernement français a été contraint de reculer par la mobilisation de la grande majorité des habitants et des élus de ces territoires : il a suggéré aux industriels une pause pour tenter de calmer le jeu et confié une mission chargée “d’expertiser” l’impact de cette nouvelle fuite en avant industrielle au Conseil Général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies, dont la composition laisse prévoir qu’il abondera dans le sens des prospecteurs à quelques détails près. Nous ne sommes pas dupes des manœuvres de retardement de ceux qui ont procédé à un véritable coup de force en accordant des permis sans aucune information ni débat. », explique le collectif dans un communiqué.

Cet article de Béatrice Héraud a initialement été publié le 14/04/11 sur le site de Novethic, le média expert du développement durable.

[1] Sur son site l’association se présente comme une organisation de petits producteurs indépendants de gaz et de pétrole mais elle est également liée aux grosses compagnies telles que BP, Halliburton, etc ainsi qu’à l’Independant petroleum association of America et l’American Petroleum Institute. Ses arguments contre le film Gasland ont à leur tour été réfutés par le réalisateur Josh Fox dans un document de 40 pages.

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter
Par
Novethic

Le média expert du développement durable

TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
Soyez le premier à réagir à cet article !
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas