Elections de mi-mandat : la loi sur le climat enterrée ?

Larry Sabato, professeur de sciences politiques à l’université de Virginie, ne donne pas cher de l’avenir de la loi sur le climat, victime jusqu’à aujourd’hui du bon vouloir des sénateurs qui n’avaient pas encore daigné se pencher sur son sort. Selon ce politologue, même si les républicains ne sont pas parvenus à contrôler le Sénat, la législation sur le climat ne risque pas d’aller bien loin. « Les démocrates qui contrôlaient pourtant le Congrès depuis deux ans (en plus de la Maison Blanche, ndlr) n’ont pas été capables de faire passer une loi sur le climat », constate-t-il. « La victoire des républicains le 2 novembre à la Chambre des représentants va entraver la faculté d’Obama de faire adopter les mesures qu’il juge prioritaires. Pour le moment les républicains semblent opposés à toute loi instaurant un système de “cap and trade” (marché carbone, ndlr). Je pense qu’il faudra donc attendre 2012 au plus tôt pour voir les lois cautionnées par les démocrates avoir une chance d’être adoptées », analyse-t-il.

Alors que l’économie va mal, les hommes politiques axent leurs discours sur la nécessité de créer des emplois plutôt que celle de sauver la planète. Le climat politique actuel aux Etats-Unis est caractérisé par la montée du Tea Party, mouvement populiste qui s’oppose à tout interventionnisme d’Etat. Il séduit l’aile droite des électeurs conservateurs et compte parmi ses partisans un bon nombre de climato-sceptiques. Une analyse récemment publiée par Wonk Room, blog du Center for American Progress, constatait également que l’essentiel des candidats républicains au Sénat émettaient des doutes sur l’origine humaine du réchauffement climatique. Une infographie édifiante, publiée par le magazine Mother Jones, rappelait il y a peu – à ceux qui l’auraient oublié – que les élus américains étaient les otages des lobbies qui finançaient leurs campagnes électorales.

Le climat, nouvel ennemi ?

Mais les républicains ne sont pas les seuls « ennemis » de la loi sur le climat. Certains candidats démocrates, qui font campagne dans des Etats où le charbon est roi, s’y opposent aussi. En témoigne le spot publicitaire ci-dessous de Joe Manchin, gouverneur démocrate de Virginie Occidentale, qui vise un siège au Sénat : armé d’une carabine, il tire dans une cible censée symboliser la loi qui ambitionne d’instaurer un système de « cap and trade » sous prétexte que son Etat (pollueur) risquerait d’en pâtir. Son adversaire républicain quant à lui dénonce le « mythe » du réchauffement climatique.

En Californie, Etat pourtant pionnier en matière de défense de l’environnement, les électeurs doivent se prononcer par référendum sur la « proposition 23 » qui cherche à retarder la mise en application de la loi locale sur le climat (votée par l’Etat en 2006), sous prétexte qu’elle serait trop coûteuse pour l’économie régionale. Seule éclaircie dans ce ciel plutôt sombre, les sondages semblent indiquer que les Californiens vont voter contre cette mesure initiée et financée par des géants pétroliers texans.

Yes, we can’t ?

Dans une interview récente au magazine Rolling Stone, Barack Obama avait pourtant affirmé qu’il continuait de considérer l’adoption par l’Amérique d’une loi sur le climat comme une priorité de son administration tout en précisant qu’il serait peut-être plus réaliste de le faire par étapes. Les analystes s’accordent à dire qu’Obama, au lendemain des élections de mi-mandat, en cas de victoire républicaine, aura cependant les mains liées. S’il ne parvient pas à motiver le Congrès, Obama peut abattre son dernier joker et confier la lourde tâche de lutter contre les gaz à effets de serre (GES) à l’EPA, agence pour la protection de l’environnement. Celle-ci a été dotée par la Cour suprême du pouvoir de réguler les émissions de GES au titre de la lutte contre la pollution, considérée – à juste titre – comme un danger pour la santé humaine. Reste qu’à l’approche du sommet de Cancún sur le changement climatique, et alors que les Etats-Unis viennent de refuser de signer l’accord de Nagoya sur la biodiversité, l’Amérique de Barack Obama est loin de briller par son leadership dans la lutte pour la préservation de la planète.