Dur à la tâche

Bing, en sortant, ça tombe. Comparaison idiote mais indiscutable : dans la lignée de Bowling for Columbine, un cinéma engagé dresse ses idées. On se dit, au début, "mais oui, on le sait tout ça finalement. On connaît". On connaît toujours un quelqu’un pris dans cet ordinaire qui plie et brise les reins ou les rêves. Les images défilent, arpentent les entrailles du monde du travail. Les témoignages se suivent, se succèdent, s’entrechoquent. Des visages, des regards, des voix, des tiques, des réactions d’une réalité sans strass ni paillettes. Un Bibs élimé lâche un "quand l’homme est cassé, c’est fini. La machine tu la répares, pas l’homme" en plan fixe, noir et blanc sur fond d’intérieur de pavillon. Silence. Deux secondes de vide.

Une voix, une simple voix avec des images de bus et de zone industrielle au petit matin. Lumière diaphane, silhouettes plus ou moins atones le long des grillages et cette voix derrière, cette voix toujours monocorde. "J’ai mal aux mains. Toujours, tout le temps. J’ai du mal à toucher ma femme ou à changer la gamine. J’ai envie de faire des choses avec mes mains pourtant mais je ne peux plus, j’ai mal. J’ai peur de la chaîne, peur que l’on me mutile davantage. J’ai peur." Ce n’est pas du mélodrame, c’est digne. On le sait, on le sait tous. Là on le voit, on l’entend. On dirait du Zola. Eh bien non, c’est pas du "on dirait du Zola", c’est la vie. Et on en voit d’autres qui triment, on en voit plein pendant 109 minutes.

Vous prendrez bien un petit crédit ?

L’employé modèle de Domino’s Pizza, le vendeur de meubles en porte à porte qui arrête après avoir fourgué un crédit Cofidis sur quinze ans, le chômeur heureux versé dans l’associatif et rejetant la pression sociale exercée par le travail, etc. Pulls rouges sur les épaules, la "France d’en haut" échange et prépare un avenir à l’université d’été du Medef où il faut "remettre la France au travail". Derniers mots du commentaire : "Le travail est un accomplissement personnel", explique une affriolante quadra brune dans sa jolie voiture. C’est vrai aussi. Les seules questions, celles qui traversent tout le film c’est : dans quelles conditions ? En laissant quelle place à l’accomplissement personnel quand le travail broie tout ?

Des reproches ? Oui, bien sûr et heureusement, on peut en faire. Tous ces témoignages vont dans le même sens. Pas de chômeurs dans d’autres branches qu’ils soient ouvriers qualifiés ou cadres moyens en revanche. C’est dommage, leur vision et leur discours sur le travail et leur relation au travail manque. Attention Danger Travail, c’est engagé, c’est dit et c’est signé. On le sait et, finalement, cela fait du bien de taper là où cela fait mal.