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Diagnostic mitigé pour les génériques

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Les médicaments génériques inondent la planète. Tant mieux pour la santé publique. Ils suscitent aussi la convoitise d'industriels du Sud, pas toujours dénués d'arrière-pensées.
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Le développement récent et galopant des médicaments génériques a changé la donne, au grand dam des géants de l’industrie pharmaceutique. Les « génériques », copies fidèles de molécules dont le brevet tombe dans le domaine public (généralement au bout de vingt ans), sont moins chers que les médicaments princeps ("d’origine"). Pour un malade du VIH-sida, le prix moyen d’une trithérapie a été divisé par 40 en quelques années : il est de 250 dollars par an dans les programmes de Médecins sans frontières (MSF). Le médicament princeps contre la méningite coûte 20 dollars par jour au Kenya ; son équivalent générique est vendu 60 centimes en Thaïlande. En France, l’utilisation de génériques a permis à la Sécu d’économiser 500 millions d’euros en 2003.

Pourquoi le développement des "génériques" ?

Selon IMS Health, il s’est vendu en 2005 pour 55 milliards de dollars de médicaments génériques, sur un total de 600 milliards. Ce chiffre croît d’environ 15% par an. Explication : de nombreuses molécules de médicaments mis sur le marché il y a une vingtaine d’années sont tombées dans le domaine public. Premiers bénéficiaires : les pays du Sud, les plus pauvres, frappés par les maladies infectieuses.

Au Nord, le vieillissement de la population dope la consommation de médicaments. "Ces coûts sont difficilement supportables pour les systèmes de sécurité sociale - privés ou publics - qui accentuent la bataille des prix entre génériqueurs, en les mettant en concurrence lors d’appels d’offres", confie Thierry Hoffmann, directeur général en France de Ranbaxy, principal laboratoire indien de génériques.

Les géants de l’industrie pharmaceutique se précipitent eux aussi sur les génériques. Pourquoi ?

Après les avoir dénigrés, les grands laboratoires - les "Big Pharma" - plantent des banderilles dans le camp de leurs jeunes adversaires "génériqueurs". Dernier exemple : l’annonce par Sanofi-Aventis, en mars dernier, de l’entrée au capital du génériqueur tchèque Zentiva. Première explication : prendre une part d’un gâteau qui enfle à vue d’œil. Winthrop, sa filiale "génériques", a ainsi assuré à Sanofi-Aventis 250 millions d’euros de revenus en 2005. Elle traite "de nombreux produits qui ont plus de 20 ans, susceptibles de donner des génériques un jour ou l’autre - quand ce sera commercialement viable", confie Jean-Marc Poidvin, porte-parole de Sanofi-Aventis.

Seconde explication : la défense. Les gros labos veulent garder la main sur les "blockbusters", ces médicaments qui génèrent plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires. Quand un blockbuster tombe dans le domaine public, "produire des génériques à partir de l’ancien brevet peut empêcher un génériqueur de s’emparer du marché ou de pénétrer certains marchés, dont des pays en développement", souligne Philippe Pignarre, ancien directeur de la communication du laboratoire Synthélabo (Sanofi).

Le développement de l’industrie des génériques a-t-il des conséquences géopolitiques ?

Oui. Cette industrie fait naître des leaders économiques. Et ces "nouveaux gros" viennent des pays en développement comme l’Inde, le Brésil, la Thaïlande, voire la Chine. Au point que les Etats-Unis multiplient les accords bilatéraux - avec le Maroc ou le Chili, par exemple - pour limiter le recours aux génériques dans les pays du Sud. L’industrie générique reste cependant contenue "par les règles de l’OMC [Organisation mondiale du commerce, ndlr], qui s’appliquent désormais dans tous ces pays en développement", estime Annick Hamel, responsable de la campagne "Accès aux médicaments essentiels" chez Médecins sans frontières. Pour intégrer l’OMC, ils se sont engagés à instaurer chez eux des lois sur les brevets. Ce fut le cas pour l’Inde, toute nouvelle à l’OMC, en 2005. Premier effet : près de 5 500 produits - dont des traitements du sida, comme le Tenofovir - sont désormais susceptibles d’être protégés par un brevet, donc de voir leur prix grimper. Et puis, l’effet boomerang : les nombreux laboratoires génériqueurs indiens - mis en difficulté par les lois sur les brevets - doivent chercher de nouveaux marchés à l’étranger. Ranbaxy s’est ainsi implanté en France en rachetant une filiale d’Aventis dès 2004.

Les "génériques" sont-ils au service de la santé publique ?

Pour les pays riches, il s’agit principalement de réduire les dépenses liées au remboursement des médicaments. Au Sud, la politique du Brésil constitue un cas d’école : l’Etat a financé des labos publics et des associations, comme Genericos, pour soigner sa population atteinte du sida. L’Inde, autre patrie de grands génériqueurs, ne s’est pas dotée d’un programme d’accès aux soins digne de ce nom. En fait, son objectif était principalement industriel : donner naissance à des concurrents des laboratoires occidentaux.

Le modèle brésilien est-il transposable ?

Le Brésil a tout axé sur la recherche publique. Il s’est endetté pour doter ses laboratoires publics du matériel nécessaire. Et ses investissements ont été remboursés dès que ceux-ci ont pu produire des génériques. "Ce modèle économique était viable pour le développement des antirétroviraux de première génération. Il l’est moins pour la dernière génération, plus complexe, pour laquelle le Brésil doit acheter les matières premières sur les marchés internationaux ", explique Annick Hamel, de MSF.

Protéger un médicament par un brevet permet-il vraiment de soutenir l’innovation ?

C’est l’antienne que joue inlassablement l’industrie pharmaceutique pour contrer les génériques : un brevet permet de protéger les recherches de la contrefaçon, et d’en tirer des revenus pendant plusieurs années par la vente de licences d’exploitation et de royalties. Ces revenus financent les recherches, donc encouragent l’innovation. Dans les faits, ce raisonnement n’est que partiellement vérifié. En premier lieu, explique Jean-Paul Moatti, professeur d’économie de la santé à l’université de Méditerranée (Marseille), ces brevets, étalés sur vingt ans, créent un monopole, ce qui risque de bloquer l’innovation, et "ce qui permet aux labos de fixer leurs prix". Jean-Paul Moatti suggère un assouplissement des règles de propriété intellectuelle pour les pays du Sud, pour faire baisser les prix.

Les ONG reprochent elles aussi aux laboratoires de se concentrer sur les maladies les plus rentables, comme le diabète, au détriment des maladies infectieuses, comme la tuberculose. "Sanofi a dissout son équipe de recherche sur les antibiotiques et les maladies infectieuses lors de sa fusion avec Aventis", rappelle Philippe Pignarre, au sujet de la fermeture de l’unité de Romainville (Seine-Saint-Denis). La cause ? Ces maladies affectent surtout les pays du Sud : les "marchés" y sont restreints et la population peu solvable. Or les grands labos privilégient la recherche sur les maladies des populations vieillissantes des pays riches, comme "le cancer, qui bénéficie d’investissements publics, les pathologies cardio-vasculaires ou la maladie d’Alzheimer", souligne Philippe Pignarre. De fait, une entreprise pharmaceutique n’a pas de vocation philanthropique. Cotée en Bourse, elle rend compte à des actionnaires.

Il s’agit de maximiser les gains, donc de préférer les recherches sur les "maladies rentables", celles qui donnent naissance à des médicaments blockbusters consommés de façon récurrente (asthme, diabète, maladies cardio-vasculaires). Si l’expression a tendance à disparaître du langage officiel des laboratoires, le président de GSK, Christopher Hogg, soulignait encore en 2003, que sur 46 molécules en phase de commercialisation, "au moins 20 [avaient] un potentiel de blockbuster".

Aujourd’hui les industriels préfèrent communiquer sur leurs programmes d’accès aux médicaments pour les pays du Sud, tel « Impact malaria », par lequel Sanofi-Aventis applique au Mali et au Sénégal des prix plus faibles qu’ailleurs.

Des génériques pour lutter contre la grippe aviaire ?

Automne 2005 : la peur d’une épidémie de grippe aviaire touche l’Europe. En cas de pandémie, aucun vaccin ne serait disponible avant plusieurs semaines. La poudre et les gélules antigrippales Tamiflu du laboratoire Roche s’arrachent : 554 millions d’euros vendus en 9 mois. Jackpot pour le labo suisse qui produit depuis quatre ans le seul traitement existant contre la grippe. Puis, revirement : Roche propose des licences d’exploitation à ses concurrents, comme le chinois Shangai Pharmaceutical. Subit accès de philanthropie ? Pas vraiment : via cette licence, Roche autorise d’autres laboratoires à exploiter sa licence du Tamilflu, mais touche des royalties sur chaque molécule produite. "Les concurrents deviennent des sous-traitants. Surtout, Roche peut négocier ses royalties, ce qui n’aurait pas été le cas si la pandémie s’était déclarée, décrypte Annick Hammel. Car en phase d’urgence sanitaire, afin de produire de grandes quantités rapidement, les Etats auraient pu obliger Roche à céder ses licences de Tamiflu à d’autres labos, sans le laisser négocier le prix."

ALLER PLUS LOIN

Philippe Pignarre, Le grand secret de l’industrie pharmaceutique, La Découverte.

Les 5 plus gros laboratoires du monde : Pfizer (USA), GSK (Grande-Bretagne), Sanofi-Aventis (France-Allemagne), Johnson & Johnson (USA), Merck (USA). Ils adhèrent à l’IFPMA, Fédération internationale des associations de l’industrie pharmaceutique : Voir leur site

Information sur les "Big Pharma"

Le cabinet IMS Health

La campagne de Médecins sans frontières (MSF) pour l’accès aux médicaments essentiels

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