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Des auberges espagnoles pour faire bouger les quartiers

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Des auberges espagnoles pour faire bouger les quartiers
(Crédit photo : Afev)
 
Prenez une zone prioritaire française, ajoutez-y des étudiants en colocation et des dizaines de projets écolos, solidaires, culturels… et vous obtenez le programme « Kaps » de l'Association de la fondation étudiante pour la ville.
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Les « Kaps » sont nés dans le giron de l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev). Depuis 1991, celle-ci s’efforce d’envoyer des étudiants dans les familles des quartiers difficiles pour des heures de lecture, du soutien scolaire, des conseils d’orientation. En 2010, elle décide d’aller plus loin. Avec les Kaps, les étudiants ne seront plus seulement des intervenants venus de l’extérieur, mais des habitants à part entière des quartiers. Là, installés en colocation dans des logements sociaux, ils auront pour mission de mener à bien un projet bénéfique pour les habitants. Béatrice Mérigot, responsable nationale du programme, raconte la genèse du projet.

Terra eco : Comment a commencé l’aventure des Kaps ?

Béatrice Mérigot : Par la découverte d’un concept original à Louvain-la-Neuve, en Belgique. Là-bas, ils ont mis l’université hors de la ville et créé autour une nouvelle ville, habitée à 50% par des étudiants. Pour donner un sens à tout ça – autre que des étudiants qui bossent ou font la fête –, ils ont créé des appartements à projets collectifs, des « “kots” à projets », « kots » voulant dire « placard à balais ou chambre d’étudiants » en argot belge. Des grands appartements de sept, huit ou neuf colocs qui doivent se concentrer sur des projets ensemble : organiser des cours de chinois, un festival de musique ou je ne sais quoi d’autre… En tout cas, des projets au service de la communauté. C’est à la fois super pour l’animation de la ville et pour la montée en compétence des étudiants qui sont obligés de s’organiser, de s’entendre. On a trouvé l’idée géniale et on a voulu faire la même chose dans les quartiers. On a ainsi créé les « Kolocations à projets solidaires », en gardant l’initiale « K » d’origine. Dans notre cas, le concept ne sert pas à animer une ville étudiante, mais un quartier. Nous avons commencé avec une colocation à Paris, trois à Toulouse et trois à Poitiers.

Quel est le modèle de ces Kaps ?

Ça commence par des bailleurs sociaux qui mettent à notre disposition des logements. C’est plus ou moins facile, selon les villes. A Poitiers, le taux de vacance est tel que ce n’est pas difficile. A Toulouse, c’est bien plus compliqué. L’avantage, c’est que depuis 2009, la loi « Molle » (de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, ndlr) permet au logement social de proposer des baux de courte durée, pour un an. On s’est engouffrés dans cette brèche. Ainsi, on peut louer à des étudiants sans leur ouvrir des droits au logement social ad vitam æternam.

Une fois les logements trouvés, on recrute des candidats en faisant beaucoup de communication dans les facs. La première année, on n’a pas eu de mal à trouver les trente étudiants qu’il nous fallait. Et comme ça a bien fonctionné, que les partenaires étaient contents et qu’on a eu beaucoup de presse, des villes ont appelé les bailleurs pour les convaincre de nous confier des logements. L’année suivante, on avait 70 Kapseurs. Aujourd’hui ils sont 380, répartis dans 15 villes. Et ils devraient être 100 ou 150 de plus l’année prochaine.

Comment choisissent-ils leurs projets ?

Au début, on leur dit : « Allez y ! Habitez dans le quartier ! Voyez ce que les gens attendent, ce qui manque, ce qui n’est pas fait par les autres associations. » Ils travaillent à créer du lien social, à rencontrer les habitants. Ils organisent des apéros, des repas entre voisins, des fêtes de quartier. L’intérêt, c’est que ce sont aussi des habitants. Les gens du quartier, ce sont leurs voisins. S’ils cherchent des liens, c’est de cette nature-là. On ne veut pas faire d’eux des pseudo-intervenants sociaux. Ils n’ont pas cette légitimité-là.

Pouvez-vous donner des exemples de projets menés par les Kapseurs ?

Il y a des projets liés à l’amélioration des espaces publics. Certains ont élaboré une fresque en bas d’un immeuble, d’autres travaillent autour du jardin partagé, de l’agriculture urbaine. Dans une des villes, il y avait des étudiants étrangers qui aimaient beaucoup les plantes. Leur coloc était dans une barre toute grise. Ils ont commencé par mettre des fleurs au balcon. Et puis ils ont invité des gens chez eux et ils leur ont proposé des ateliers pour apprendre, par exemple, à faire du compost en récupérant du bois sur les marchés. A Poitiers, ils ont travaillé sur la sensibilisation au handicap, imaginé des animations avec les enfants, des concerts, des cours de langue des signes… A Grenoble, les colocs sont dans un quartier assez rude, véritable plaque tournante de la drogue, où tous les commerçants s’en vont. Alors avec un collectif d’habitants, les étudiants ont organisé une forme de pédibus pour accompagner des personnes âgées à faire leurs courses, pour porter les sacs…

Quel est l’intérêt pour les villes ? Les bailleurs sociaux ?

Les bailleurs y ont intérêt, notamment quand ils disposent de logements vacants, grands et familiaux qu’ils n’arrivent plus à louer parce qu’il y a beaucoup moins de familles de grande taille. L’avantage pour eux, c’est que ça crée de l’animation dans leurs immeubles, du mieux-vivre pour les résidents. Avec les Kaps, de nouvelles populations arrivent dans les quartiers, c’est une bouffée d’air et ça crée de la mixité. D’autant que nous avons surtout des étudiants boursiers, pas tellement des étudiants bobos issus des grandes écoles. Alors, quand les jeunes arrivent dans les quartiers, ça se passe bien. Les habitants y voient un truc positif. Pour les villes, c’est la même chose. C’est une animation bénéfique des quartiers.

Vous dites que les Kapseurs ne sont pas des étudiants aisés. Il y a des critères sociaux de sélection des candidats ?

Non, il n’y a aucun critère de ressources. On sélectionne uniquement sur la motivation. Ils ont d’abord un premier formulaire à remplir, dans lequel on les interroge sur leur motivation. Puis, on organise des réunions collectives où on martèle que ce qu’on propose, ce n’est pas juste un logement pas cher. Après ça, certains ne reviennent plus. Enfin, on les reçoit en entretien individuel. Parce qu’au delà de la simple motivation il nous faut des gens disponibles. Si un étudiant a trente-cinq heures de cours par semaine et que, parce qu’il n’a pas de fric, il doit cumuler un petit boulot, ou s’il sait qu’il a 90% de chances de faire un stage en janvier à l’autre bout de la France, on ne le prendra pas. Grosso modo, on reçoit trois candidatures pour une place. Et toutes les places sont pourvues.

Les étudiants acquièrent-ils des compétences utiles pour leur carrière ?

Oui. Ils sont notamment formés à la méthodologie de projet. Souvent, ils ont 18 ans, ils sortent du bac. Ils sont super débrouillards mais gérer un budget, ils ne savent pas forcément. On leur délivre aussi une formation pour leur apprendre comment aller vers les habitants, on leur apprend l’empowerment. Ce sont des compétences acquises qu’on essaye de valoriser auprès des universités sous forme d’unités de valeur (UV). Cette valorisation des compétences, c’est un gros chantier de notre association. Et ça marche déjà parfois. A Toulouse, une UV existe pour valoriser l’engagement des Kapseurs.

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