Davos empêtré dans ses tonnes de CO2

À Davos, les organisateurs ont décidé de montrer patte verte, mais sans contrainte. « Nous souhaitons agir sur ce qui est en notre pouvoir, et sans forcer les gens. » Davos Climate Alliance, "filiale" du Forum économique mondial (WEF), compense donc elle-même la moitié des 7500 tonnes d’équivalent CO2 produites lors du sommet, l’autre moitié étant à la charge des visiteurs. Mais en pratique, seule la moitié des participants joue le jeu. "Comme ce n’est pas obligatoire, tout le monde ne le fait pas", avoue Jurg Hutter, responsable de Davos Climate Alliance, en soulignant toutefois que "certains participants compensent quand même leurs émissions via les programmes de leurs entreprises".

Un pin’s en cadeau

Jurg Hutter ne peut pas forcer ses hôtes à venir du Brésil en cargo. Les transports aériens représentent pourtant 90% des émissions de gaz carbonique de Davos. Seule solution : sensibiliser les dirigeants mondiaux. En leur proposant un jeu plutôt ludique : le calcul online du CO2 émis à l’occasion de ce séjour suisse. Il suffit de quelques clics pour obtenir une évaluation de son bilan carbone. Un Parisien qui rejoint la Suisse en voiture pour quatre jours émettrait ainsi l’équivalent de 0,69 tonne de gaz à effet de serre. Pour compenser, il a la possibilité de faire un don de 19 dollars. C’est bien entendu plus cher si l’on vient du Japon : 252 dollars pour 9 tonnes de CO2. Et les généreux donateurs reçoivent un pin’s en cadeau.

Depuis trois ans, les fonds récupérés auprès des porteurs de badge servent à compenser les tonnes de CO2 engendrées par la présence des 2500 participants : des vols en hélicoptère au chauffage en passant par l’électricité des salles de conférences et des centaines de micros. Cet argent atterrit à l’autre bout du monde. Au nord-ouest de la Chine, où 20000 cuiseurs solaires viennent équiper des villages ruraux. En Indonésie, où une centrale hydroélectrique est en cours de réhabilitation. En Inde, où 100 villages indiens devraient être fournis en électricité grâce à l’énergie des déchets.

Des limousines très peu polluantes

Des accords ont également été passés entre le Forum et les compagnies aériennes, les hôtels et les coursiers les plus sensibles au développement durable. "Nous essayons autant que possible d’influencer les choses à long terme, souligne Jurg Hutter. En ce moment, les chauffeurs conduisent des limousines Audi dernier modèle, très peu polluantes ». La marque allemande vante ces autos "propulsées au GTL Fuel, un carburant respectueux de l’environnement" qui permettraient de réduire de 13% les émissions de CO2 de la flotte Audi par rapport à 2007. Le WEF a néanmoins entraîné la rotation de plus de 350 jets et mobilise plus d’une centaine de limousines. Les organisateurs ne se fixent d’ailleurs pas d’objectif précis. "Comme l’effet de ces actions ne peut n’est ni facile à déterminer ni très clair, nous avons décidé d’investir nos ressources dans des actions plus que dans des évaluations difficiles", justifie Jurg Hutter. Louables intentions, sérieusement ternies par le rapport annuel du Forum de Davos. Les experts estiment que les incertitudes boursières et les craintes de conflits internationaux devraient amener gouvernements et entreprises à se focaliser surtout sur ces questions. En négligeant les risques moins immédiats, comme le réchauffement climatique.