publicité
haut
Accueil du site > Actu > Société > Dans les cales du Queen Mary 2
Article Abonné

Dans les cales du Queen Mary 2

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
 
Sur les quais de Saint-Nazaire, dernier grand chantier naval civil de France, les hommes des Chantiers et de leurs sous-traitants assistent impuissants au durcissement du métier de constructeur de navires, partagés entre fierté et inquiétude.
SUR LE MÊME SUJET

En dépit ou à cause de l’émotion, le "plus grand paquebot du monde" a quitté Saint-Nazaire dans un immense silence, le 22 décembre dernier. Serrés sur le quai des Marées, les Nazairiens ont accroché une dernière fois du regard la poupe du transatlantique, avant que sa silhouette ne disparaisse à l’horizon, tournant la page des Années folles de la navale.

En fait, le Queen Mary 2, symbole de cinq années d’essor, ne fut qu’un navire parmi d’autres. Au total, 23 paquebots ont quitté les cales des Chantiers de l’Atlantique depuis 1998. Et personne ici ne saurait réciter la liste des participants à ce fameux défilé. "C’était l’euphorie. Les carnets étaient remplis, raconte Chantal Curutchet, la responsable d’une agence locale de travail temporaire. Tout le monde pensait qu’il y aurait du travail pour les dix prochaines années, et que Saint-Nazaire ne connaîtrait plus jamais la crise". Salariés d’Alstom Marine et sous-traitants, en quelques mois les effectifs des Chantiers sont passés de 6000 à près de 13000 personnes. Dans un contexte économique florissant, la construction de paquebots, nécessitant l’intervention d’une main d’oeuvre nombreuse, a contribué à faire chuter le taux de chômage du bassin d’emploi de Saint-Nazaire à 9%, loin des 17% du début 1997.

"J’ai vu des gens flamber"

Chaudronniers, soudeurs, électriciens, carreleurs... ont débarqué de toute la France. "Beaucoup de gens du Nord et de la Manche, qui étaient parfois en situation précaire chez eux, sont venus s’installer ici", se souvient Chantal Curutchet. Des Polonais, des Roumains et des Indiens ont également été conviés à la fête. Chantiers navals, sous-traitants, commerçants, agences d’intérim... On embauchait à tour de bras. La ville a prospéré et embelli. Des magasins ont ouvert, des cafés décrépis se sont offerts un lifting. Des immeubles d’habitation ont poussé, l’afflux de travailleurs entretenant la pénurie de logements et la flambée des loyers. "Dans cette atmosphère inédite, les gens se sont laissés griser", raconte Marc Ménager, le responsable de la section CFDT d’Alstom Marine. "En déplacement, certains gars pouvaient gagner plus de 30000 francs par mois. J’ai vu des gens flamber", assure Régine, qui tient le bar le Queen Mary, sur l’avenue de Penhoët, à deux pas des Chantiers. "Parfois le patron appelait le lundi matin pour dire que "notre gars" n’était pas là, raconte le chef d’une agence d’intérim. Les employés savaient qu’ils retrouveraient facilement du travail, alors ils venaient quand ça leur chantait." Aujourd’hui, des listes noires circulent et les "cigales" risquent de se trouver dépourvues, alors que le travail commence à manquer.

Nouvelle crise sociale

Car en septembre dernier, Saint-Nazaire est brusquement sorti de l’euphorie. Avec le départ annoncé du Queen, le carnet de commandes s’est vidé. Dans les prochains mois, les Chantiers livreront bien un car-ferry, deux méthaniers, un navire sismique et deux coques de frégate. Mais il n’y a aucun paquebot à l’horizon, à l’exception du MSC Opera, livré en avril prochain. Un mince répit pour les Chantiers mais, déjà, la gueule de bois pour beaucoup de sous-traitants. Symptôme d’une nouvelle crise sociale, les files s’allongent devant les agences d’intérim. Les commerçants ne sont pas à la fête. Les restaurants et cafés plantés près des chantiers commencent à compter leurs clients. Certains ont même tiré leur rideau de fer. A vendre. "Il y a encore un an, la salle était pleine jusqu’à 1 heure du matin. Maintenant, on ouvre rarement après 22 heures", regrette Régine, la voix éraillée.
JPEG - 28.3 ko
Quelque 20000 employés intérimaires, salariés des Chantiers et des entreprises sous-traitantes, ont travaillé à la construction du Queen Mary 2. (Crédit : Yves Janisson)

Après la flambe, Saint-Nazaire se recroqueville. En mairie, les élus se préparent au combat, mais personne ne veut penser à la crise des années 90 et à ses 20% de chômeurs. La diversification dans l’aéronautique, le tertiaire et le tourisme devrait permettre de mieux encaisser le choc. Il n’empêche, un chef d’entreprise explique qu’un emploi sur les Chantiers génère 2 ou 3 emplois dans la région, voire dans toute la France. Alors quand l’ANPE locale fait les comptes des fins de mission, le couperet tombe. "On attend un minimum de 1500 à 2000 chômeurs d’un coup, rien qu’à Saint-Nazaire". "Il y a quelques temps, nous recevions un maximum d’une dizaine de personnes par jour, la plupart non qualifiées. Aujourd’hui nous en voyons défiler une cinquantaine, aux profils extrêmement pointus", observe Vincent Noblet, le responsable d’une agence d’intérim Synergie. Après les années dorées, la précarité menace d’abord les plus fragiles.

Au camping des intérimaires

Quelques-uns d’entre eux ont élu domicile à quelques kilomètres des Chantiers, au camping municipal des Tainières, à Donges. L’endroit est devenu le point de ralliement d’ouvriers intérimaires, habitués à déplacer leurs caravanes et leurs familles au gré des missions et des chantiers. Cette population a zigzagué entre la Manche, Lorient ou Cherbourg dans les années 80 et 90. Et s’est ruée vers Saint-Nazaire il y a deux ans, attirée par l’Eldorado de la navale. L’an passé, les 216 emplacements du camping étaient occupés au plus froid du mois de novembre. Le camping refusait du monde. Aujourd’hui, les travées des Tainières sont à moitié vides. Leurs occupants ne travaillent plus pour la navale, mais pour la raffinerie ou la centrale électrique toutes proches. "En 2000, 70 % des résidents travaillaient de près ou de loin pour la navale", se souvient Franck Wysocki, le robuste gardien des lieux, pompier social à ses heures, partagé entre amertume et révolte. "Avec une population aussi mobile que celle des intérimaires, il n’y a ici que onze votants. Du coup, le camping n’intéresse pas les élus. Pourtant certains emplacements tiennent des favelas". Le mot est peut-être fort, mais la détresse est là. Comme dans le regard de cet intérimaire bordelais, venu pour une courte mission, et déjà sonné par quatre mois de chômage. Un des naufragés de la navale, coincé ici faute de mieux...

...lire la suite de l’article

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter

Cofondateur et directeur de la publication du magazine Terra eco et du quotidien électronique Terraeco.net

- Suivez-moi sur twitter : @dobelioubi

- Mon blog Media Circus : Tant que dureront les médias jetables

TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
Soyez le premier à réagir à cet article !
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas