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innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
23-11-2012

Capter toutes les énergies

La question énergétique est cruciale. Depuis l'invention de la machine à vapeur, l'Humanité a construit son développement autour d'énergies capables de remplacer la force animale. On estime aujourd'hui qu'une personne, d'un pays développé, possède des machines qui fournissent l'énergie que développerait le travail d'une centaine d'esclaves. Or, l'essentiel de cette énergie est fourni par des combustibles fossiles en cours de disparition.

Aussi, économiquement, l’enjeu est énorme. Il faut sortir de ce système rapidement si nous ne voulons pas nous écrouler. Comment alors réussir la transition ?

Nous savons qu’il faudra, à la fois, être plus sobre, améliorer l’efficacité énergétique et développer les renouvelables. Mais, concrètement comment s’y prendre ? Les experts se heurtent au mur des chiffres : les besoins et les investissements sont énormes. Les méthodologies proposées sont sommaires. Proposons une autre façon de procéder.

1-Pour la liberté de l’énergie : Les systèmes énergétiques utilisés actuellement consistent à produire de l’énergie dans des centrales (raffinerie, centrale nucléaire ou à gaz). Les producteurs vendent ensuite cette énergie. Or, aujourd’hui, nous pouvons produire de l’énergie localement. Chaque toit, jardin, chaque exploitation agricole peut devenir producteur d’électricité. Pourtant, les réglementations en vigueur nous imposent de vendre cette électricité. Nous disposons d’un certain nombre de libertés (liberté de déplacement, d’expression, ...) qui assure l’efficacité des sociétés démocratiques. Pourquoi alors, ne disposons-nous pas de la liberté de produire nous-même et de vendre notre propre énergie ? Puisque la question énergétique devient cruciale, il faut permettre à chaque acteur de terrain de s’en emparer. Les systèmes centralisés monopolistiques actuels de production et de distribution sont inadaptés : ils sont lourds, coûteux, fragiles du point de vue de la sécurité ; ils déresponsabilisent les consommateurs et favorisent les gaspillages et les pertes en ligne.

Face à une énergie qui va devenir de plus en plus chère, il faut que chacun dispose et puisse utiliser sa liberté énergétique.

2-Responsabiliser les acteurs locaux : En matière d’électricité, chaque acteur local doit pouvoir agir par lui-même. Nous entendons par acteur local, soit le propriétaire d’une maison, soit une copropriété, soit une entreprise (ou une administration) disposant de locaux qui lui sont propres. Chacun doit essayer de produire localement ce qu’il peut, utiliser à son profit sa production, revendre ses surplus quand il en dispose, et utiliser le réseau quand il est en déficit. De cette manière, on délocalise et démultiplie la résolution de l’énorme problème de la transition énergétique, cela ne sera plus seulement le problème des pouvoirs publics et de grands groupes industriels qui devront réaliser d’énormes infrastructures. On responsabilise chaque acteur qui peut affronter, à son niveau, le problème du coût de ses besoins énergétiques. Cette démarche va permettre à chacun d’aborder le problème globalement, en travaillant à la fois la sobriété, l’efficacité et les renouvelables. Si je dispose de ma propre production dont je vais pouvoir vendre les surplus, alors j’ai intérêt à être plus sobre pour vendre davantage. Cette stratégie globale réclame des prix de l’énergie élevés, ce qui adviendra de toute manière devant la raréfaction des ressources, et des prix prévisibles et prévus sur le long terme pour que chaque acteur local puisse s’engager en connaissance de cause. La fiscalité va jouer un rôle essentiel dans ce domaine. Elle va permettre de relever le "signal-prix" significativement et progressivement. Les grandes entreprises productrices de pétrole ou d’électricité vont devoir progressivement revoir leur stratégie : il ne s’agira plus uniquement de produire mais aussi de proposer des prestations permettant à chacun de devenir son propre producteur. Si les prix de l’énergie évoluent de cette manière, on permet aux acteurs -les grandes entreprises comme les ménages- de faire des choix rationnels. Si on laisse faire le marché, chacun subit la loi de l’offre et de la demande, et, l’énergie étant cruciale, on court à la catastrophe !

3-Les capteurs : Dès lors, chaque maison, immeuble ou bâtiment abritant une entreprise ou une administration va devoir être valorisé en utilisant au maximum ses potentialités. Une activité agricole dégage du méthane ? Il faut impérativement le récupérer et l’utiliser. Un toit ou un mur est orienté au sud ? Il faut y installer des capteurs solaires produisant de l’électricité ou de l’eau chaude. On dispose de place sur un toit ou sur un mât pour installer une micro-éolienne ? On le fait. L’objectif de chaque acteur local est d’équilibrer sa consommation globale et sa production locale. Bien entendu, la majorité des acteurs n’y arriveront pas, mais chaque avancée dans cette direction va diminuer l’effort collectif demandé à la nation et aux grands producteurs et diminuer la facture de tous. On adaptera les objectifs à la densité : une maison individuelle ou un entrepôt doit pouvoir produire la totalité de sa production, un immeuble de deux étages, la moitié, de quatre étages, le quart.

4-La gestion locale de l’énergie : Chaque acteur local aura tout intérêt à travailler la question de l’énergie d’une manière locale. A terme, chacun (maison, copropriété, entreprise) va donc s’équiper d’une microcentrale électrique qui va remplacer nos anciennes chaudières. Ces centrales à cogénération produisent de la chaleur d’une manière classique avec un combustible mais récupèrent aussi l’eau chaude de capteurs thermiques, recyclent les surplus du réseau, produisent de l’électricité avec ces surplus. Ces centrales vont donc gérer l’énergie d’une manière globale du point de vue électrique et du point de vue de la chaleur. En permanence, elles vont s’adapter au vent, au soleil, aux besoins de chaleurs ou d’électricité pour utiliser le moins possible d’électricité du réseau et de combustible (gaz ou bois), et pour transformer les surplus en électricité commercialisable. Cette régulation locale va diminuer fortement les consommations de chacun et donc les consommations globales de chaque pays.

5-Produire localement du gaz : Les hydrocarbures vont rester nécessaires pour deux raisons : leur puissance à l’unité de poids et leur capacité de stockage. Or, nous savons produire du gaz naturel grâce à la technologie de méthanation. Cette technique complexe en soi, mais qui ne demande pas d’énormes infrastructures, va pouvoir être utilisé pendant les périodes où la production locale du réseau électrique est supérieure à la consommation (par exemple, quand le vent est important la nuit : les éoliennes vont produire davantage que la consommation) Ces centrales vont se développer au fur et à mesure que les acteurs locaux vont être capables de produire une part croissante de leurs besoins énergétiques. Elles vont permettre de réguler localement le réseau : fonctionnant sur le même principe que les centrales à cogénération, elles vont produire ponctuellement l’électricité supplémentaire nécessaire mais elles vont surtout produire le carburant sous forme de gaz qui va progressivement remplacer notre essence fossile en cours de disparition. Certes la technique de méthanation a un faible rendement énergétique mais elle va permettre de réguler la production électrique et de produire du gaz.

Les centrales à méthanation vont être complétées, quand la topographie le permettra, par des installations locales de pompage-turbinage qui vont réguler -eux aussi- le réseau électrique. Nous allons passer d’une gestion lourde et nationale de l’énergie à une gestion décentralisée au niveau des pouvoirs publics locaux et des acteurs de terrain. Ce système peut être comparé à l’internet : on est passé d’ordinateurs centraux lourds à une multitude de serveurs et d’ordinateurs pour une efficacité démultipliée, pour une production d’informations beaucoup plus importantes. Nous passerons de centrales énergétiques lourdes et peu efficaces à une multitude de microcentrales produisant bien davantage. Il s’agira d’une amélioration significative de l’autonomie et des libertés : la liberté énergétique.

6-Comment concrètement agir ? Ce que nous venons de décrire va se mettre progressivement en place sur une quarantaine d’années. Pendant ce temps, les centrales classiques vont continuer à produire de l’électricité, les grandes éoliennes vont continuer à se développer ainsi que d’autres technologies. Les centrales à énergies fossiles (charbon, gaz, nucléaire) existantes vont continuer et s’arrêter au fur et à mesure. Mais pour permettre de responsabiliser les acteurs locaux, il faudra :
- donner davantage de prérogatives en matière énergétique aux pouvoirs publics locaux et aussi aux copropriétés
- supprimer les systèmes actuels de subvention basés sur les exonérations fiscales qui cumulent les défauts
- par la fiscalité, assurer une augmentation connue et prévisible des tarifs des énergies d’origine fossile, connue sur une décennie au moins
- récupérer la totalité de cet argent et l’affecter aux investissements nécessaires pour assurer cette transition
- noter chaque bâtiment en fonction non seulement de sa consommation énergétique mais aussi de sa production, chercher un ratio de 1 (équilibre entre les deux), un ratio de 0,5 pou un bâtiment de 2 étages, etc...
- faire évoluer progressivement la fiscalité des bâtiments (foncier bâti) en fonction de ce ratio.

En matière de transition énergétique, les propositions des experts et des partis politiques sont, pour l’instant, bien timides. Cela provient d’une vision centralisée et planifiée des questions énergétiques : pendant longtemps, l’énergie a été un thème réservé au commissariat au plan et aux hauts fonctionnaires. Aujourd’hui, il faut que l’énergie devienne une question citoyenne. Les ménages comme les entreprises doivent pouvoir s’en emparer. La question de l’Energie réclame l’énergie de tous.

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