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30-10-2008

Bio - La rançon du succès

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Près d’un Allemand sur deux consomme régulièrement des produits biologiques. Pour faire face à ce succès, les magasins importent du monde entier. Du coup, la filière ne sait plus à quel saint se vouer : doit-elle viser toujours plus de parts de marché ou rester fidèle à ses origines de contestation de la société de consommation ?
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Dans la ferme d’agriculture biologique Nishikigawa, à Shanghaï

"J’ai commencé à faire du bio par militantisme. » Parce qu’il était un étudiant « très engagé » dans la contestation sociale des années 1970, Meinrad Schmitt décide, il y a vingt ans, de vendre des produits biologiques. « On a commencé l’aventure à quatre au fond d’un hangar minuscule, raconte-t-il. C’était une façon de dire que nous n’étions pas d’accord avec la société capitaliste. »

Aujourd’hui, l’homme est niché dans des bureaux flambant neufs à la périphérie de Berlin. Sous sa fenêtre défilent sans cesse des camions flanqués du logo de son entreprise. Terra Naturkosthandel est le troisième grossiste bio d’Allemagne. Fruits, légumes, shampoings, cosmétiques, plats préparés, plus de 10 000 références cohabitent dans un immense entrepôt. « L’économique a pris le pas sur l’idéologique, admet-il sans détour. Nous faisons des compromis que je n’aurais jamais envisagés à l’époque où j’ai commencé. »

Comme, par exemple, vendre des tomates en hiver ou même des produits surgelés. Meinrad Schmitt s’est tout de même fixé quelques limites : « Nous ne vendons pas de fraises à Noël. » Surtout, il ne livre qu’aux magasins bio, pas aux supermarchés traditionnels ou aux discounteurs comme Aldi ou Lidl. « Edeka [importante chaîne allemande de supermarchés, ndlr] nous a récemment fait une proposition très intéressante, raconte le grossiste. Avec mes cadres, nous nous sommes enfermés pendant trois jours pour en débattre. Et finalement, nous avons décliné leur offre. »

Préserver une certaine idée du bio au risque de stagner, ou gagner des parts de marché quitte à se trahir ? A l’image de Meinrad Schmitt, nombre d’acteurs du bio en Allemagne sont confrontés à ce dilemme. Car si le bio n’embrasse que 4 % du marché de l’alimentation outre-Rhin, sa croissance est vertigineuse : + 125 % ces six dernières années, + 100 % prévus d’ici à 2012. L’Allemagne constitue le premier marché bio en Europe, le deuxième au monde après les Etats-Unis. « Le bio n’est plus un produit de niche », résume Wolfram Dienel, du cabinet de conseil ÖkoStrategie Beratung.

Recettes de la grande distribution

Acheter bio est devenu un acte banal : 47 % des Allemands le font au moins une fois par mois, notamment dans les grandes surfaces spécialisées qui fleurissent un peu partout. La première du genre a ouvert ses portes en 1998 à Munich. Depuis, pas moins de cinq enseignes se disputent ce marché porteur. « Le plus grand supermarché bio d’Europe » a ainsi été inauguré l’an dernier à Berlin. Deux escalators, des linéaires bien garnis et de volumineux chariots : le LPG a planté ses 1 600 m2 de tôle au coeur du Berlin Est branché. « Je voulais offrir aux gens ce qu’ils ont l’habitude de trouver dans leur supermarché traditionnel, explique Werner Schauerte, son fondateur.

Nous sommes les premiers, par exemple, à proposer des places de parking à nos clients. Au début, ça choquait mais maintenant, c’est devenu normal. » Cheveux ébouriffés, pull trop large et parka campagnarde : Werner Schauerte n’a pas l’allure d’un homme d’affaires. Mais ce nouveau venu dans le secteur ne dissimule pas ses intentions. « Mon objectif ? Gagner de l’argent. Avec le bio, j’étais convaincu de parvenir à mes fins. »

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Supermarché bio Bioluske à Berlin

Vendre davantage pour négocier de meilleurs prix auprès de ses fournisseurs : le directeur applique sans complexe les méthodes de la grande distribution. Dans son magasin, l’habitué des grandes surfaces traditionnelles n’est pas dépaysé : yaourts et confitures se déclinent en dizaines de parfums et l’aspect des légumes est irréprochable. « Auparavant, le client bio pouvait accepter de manger une carotte molle. Aujourd’hui, ça n’est plus possible », conclut le directeur. Car les supermarchés bios doivent aussi lutter contre la grande distribution traditionnelle qui surfe sans complexe sur la vague du bio. Aujourd’hui, 46 % des produits bios commercialisés en Allemagne passent par les rayons des supermarchés traditionnels plutôt que par ceux des magasins spécialisés. La chaîne de hard discount alimentaire Aldi est même devenue le premier vendeur de pommes de terre bios du pays.

Des hectares de blé en Bourse

L’engouement des consommateurs est tel, que les producteurs allemands sont débordés par la demande. « En 2006, la croissance des surfaces agricoles bios a atteint son plus bas rythme historique : 2,3 %, c’est insuffisant pour couvrir la demande qui dans le même temps a augmenté de 20 % », déplore Felix zu Löwenstein, patron de la confédération du secteur. L’Allemagne importe donc à grand renfort de kérosène des laitues chinoises ou des concombres bulgares. Bios sans doute, écolos forcément un peu moins… Peu subventionné par rapport à l’agriculture conventionnelle, le secteur biologique cherche d’autres sources de financement. L’an dernier, Siegfried Hofreiter a ainsi garé son tracteur devant la Bourse de Francfort. « L’agriculture bio est une affaire rentable », déclare ce paysan à la tête de KTG Agrar, qui fédère 14 000 hectares de surfaces cultivables, principalement dans l’est du pays.

Il consacre près de la moitié de ses terres au bio. Et, pour continuer à se développer et acheter davantage d’hectares, il est entré en Bourse. Une première. « Dans huit ans, 30 % à 40 % des denrées vendues en Allemagne seront estampillées bios », prophétise l’agriculteur. Objectif : produire du blé en grande quantité pour ensuite nourrir des élevages géants de poulets, eux aussi labellisés bios. Une agriculture certes sans pesticides, mais à grande échelle, loin de l’idéal des pionniers.

Grand écart

L’emblème de ce bio décomplexé est sans aucun doute la limonade 100 % naturelle : Bionade. Couleur attrayante, étiquette design et parfums exotiques, c’est la boisson à la mode. On la trouve partout, dans les boîtes de nuit branchées, comme dans les cafés alternatifs. Lors du G8 en Allemagne en juin 2007, la marque s’était opportunément proclamée « Bionade : la boisson d’un monde meilleur » le temps d’une campagne publicitaire fleurant l’utopie et les mouvements altermondialistes. Ce qui ne l’a pas empêchée de négocier en parallèle un partenariat de distribution avec McDo, le roi du hamburger. Cette alliance a fait s’étrangler quelques clients idéalistes, mais le patron du groupe Bionade assume : « Nous voulons être la boisson du peuple, assure Peter Kowalsky. Nous devons donc être présents là où se trouvent les gens. » Comprenez « partout ».

Reste que ce type de grand écart n’est pas toujours possible. L’enseigne de supermarchés bios Basic, dont le slogan proclame « Du bio pour tous », l’a appris à ses dépens. L’an dernier, elle a annoncé un ambitieux plan de développement en partenariat avec le groupe de hard discount Lidl, emblème de la grande distribution agressive. Résultat : un tollé chez les clients et les fournisseurs qui menacent de boycotter et contraignent la direction à faire marche arrière. Josef Spanrunft, directeur de Basic, a pigé la leçon : « On ne peut pas vouloir grandir à n’importe quel prix. »

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