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16-02-2015
Mots clés
Urbanisme
France

Qui veut construire dans mon jardin ?

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Qui veut construire dans mon jardin ?
(Crédit photo : DR)
 
Diviser une parcelle de terrain pour construire une nouvelle maison : c'est le concept porté par le mouvement Bimby. En plein essor, il est vanté par certains urbanistes au nom de la lutte contre l'étalement urbain. Décryptage.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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L’hiver est arrivé pour Pierrette et André, creusant des sillons sur leurs joues et des tranchées boueuses dans ce vieux jardin qu’ils peinent désormais à choyer. Dans leur maison de quatre chambres, un bureau, une buanderie et un garage, le vide encombre l’espace. Au détour d’une réunion organisée par la mairie, ils ont appris l’existence du « Bimby » et songent : « Pourquoi ne pas diviser le terrain pour construire une maison plus à notre mesure, mieux isolée, de plain-pied… et vendre la vieille bâtisse avec la parcelle restante ? »

Pierrette et André sont fictifs. Pas le concept qui les titille. Le Bimby – en version longue « build in my backyard » (« construire dans mon jardin ») – ne date pas d’hier, ni même du jour d’avant. « Tous les bourgs et villes de France se sont faits comme ça. Ces maisons collées les unes aux autres ne sont pas arrivées en même temps. Chaque construction a été érigée sur un terrain déjà existant. En cela, le Bimby n’est pas une grande invention », soutient David Miet, expert du Bimby auprès des collectivités, via son agence Villes vivantes. Si l’idée n’est pas nouvelle, elle fut balayée d’un revers de main au profit de la quête de nouveaux espaces. C’était au XXe siècle : « On a créé des villes nouvelles, des lotissements, des quartiers, des écoquartiers par grands coups. Cette évolution était liée au développement du réseau de chemin de fer, des autoroutes. Avec eux, de larges territoires se sont retrouvés desservis tout à coup », poursuit l’ingénieur-urbaniste.

Deux maisons plutôt qu’un immeuble

Le début du XXIe siècle signe le retour aux racines. Des terres, il en manque parfois. Et celles qui demeurent servent à faire pousser notre nourriture ou à laisser la nature s’épancher. Poussé par les préoccupations environnementales, c’est le début de la lutte contre l’étalement urbain qui artificialise le sol au détriment des espaces agricoles et naturels. Mais comment contenter une population qui grossit à la périphérie des villes ? En densifiant, pardi. Mais sans précipitation et sur des zones peu densément peuplées, notamment les ères pavillonnaires qui s’étalent sur 20 000 km2 en France. Le mouvement Bimby est l’une des nombreuses illustrations de densification dite « douce ». Passé sous la lorgnette des chercheurs au cœur d’un programme de recherche public mené entre 2009 et 2012, il est à l’expérimentation dans plusieurs communes.

Aux dires de ses promoteurs, ses avantages sont nombreux, à tous les étages. Pour les maires d’abord, c’est l’occasion de regagner des administrés – et donc des recettes fiscales – quand les maisons, à mesure que vieillissent les habitants, commencent à se vider. Un moyen aussi de retrouver un terreau foncier là où l’espace manquait cruellement. Dans des zones très tendues, « certains vont même construire sur des sites pollués. J’ai découvert un écoquartier où l’on interdisait aux habitants de planter des arbres fruitiers parce qu’on n’avait pas assez payé pour dépolluer en profondeur », rapporte David Miet. Et pour les élus, la densification douce aurait aussi le mérite d’être plus acceptable, poursuit le consultant : « Les gens préfèrent qu’une maison soit construite à côté d’une autre plutôt que des logements soient détruits pour ériger des immeubles. »

Zéro étalement urbain

Du côté des vendeurs, l’atout est avant tout socio-économique, puisqu’en vendant un bout de terrain ils peuvent récupérer de l’argent et investir selon leurs besoins. A Vigoulet-Auzil (Haute-Garonne), petite commune de 1 000 habitants plantée à une quinzaine de kilomètres du centre de Toulouse, de nombreux habitants se sont intéressés au Bimby à la suite d’une réunion organisée par la mairie. Des candidats aux intérêts bien divers : « Il y a des personnes de 40 ou 50 ans qui veulent installer leurs enfants sur leur terrain ou vendre une parcelle pour les aider à acheter ailleurs. La pression foncière est telle qu’il est difficile pour les jeunes aujourd’hui d’acheter un terrain et de construire. On a aussi des retraités qui ont besoin de s’orienter vers une maison plus petite avec moins d’espace à travailler. Sur 360 maisons, on a eu 70 à 80 personnes intéressées. C’est énorme », s’enthousiasme Jacques Ségéric, le maire de la commune. Reste les acheteurs qui se voient ouvrir l’accès à des territoires très courtisés, bien desservis, proches des bassins d’emploi, sans trop débourser. Grâce au Bimby, plus forcément question pour eux de parcourir des kilomètres pour rejoindre leur travail.

Et voilà l’atout environnemental tant vanté du Bimby qui pointe son nez. Puisqu’il vise à construire sur des parcelles déjà bâties, on a « zéro étalement urbain », souligne David Miet. Le Bimby, « c’est une façon de rendre une ville plus compacte avec des maisons mitoyennes. Or, on sait que les villes compactes sont plus intéressantes sur le plan thermique », poursuit-il. « Dans le paradigme ambiant sur le développement durable, le concept de la ville compacte passe bien », poursuit Anastasia Touati, urbaniste et chargée de projet au Puca (Plan urbanisme construction architecture), une agence interministérielle dédiée à la recherche. Avant de tempérer : « Mais ça ne suffit pas de densifier, ce n’est pas la solution miracle. Il faut aussi penser l’aménagement en lien avec les transports. Ça fait vingt ans qu’on le dit et qu’on ne le fait pas. » David Miet, lui, ne lâche pas l’affaire. En dégageant des revenus pour les vendeurs, la division parcellaire peut leur ouvrir la voie d’une réhabilitation thermique coûteuse : « Le parc français n’est pas intégralement construit à la norme RT 2012 (texte qui prévoit de réduire les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre, d’encourager le développement de nouvelles technologies et de contribuer à l’indépendance énergétique nationale, ndlr), loin s’en faut. Et le gouvernement ne sait pas comment aider les gens à rénover. Quand on récupère 20, 30, 50, 100 000 euros dans son jardin, ça peut aider à cette rénovation », rêve-t-il tout haut.

Le labyrinthe des chemins d’accès

Mais si le concept est beau, il se heurte parfois à des réglementations strictes. « Les PLU (Plan locaux d’urbanisme) ont été faits dans les années 1950, alors on est obligés de tout repenser pour faire de la dentelle », reconnaît David Miet. Pour Anastasia Touati, « modifier le PLU n’est pas suffisant. Au niveau local, il faut des ingénieurs, des techniciens pour accompagner cette diversification. Je connais par exemple une commune des Yvelines. Précurseure en la matière, elle avait procédé à un allégement réglementaire intéressant, mais elle n’a pas anticipé les effets du Bimby et voudrait aujourd’hui revenir en arrière ».

Car le Bimby conduit parfois à d’absurdes situations, comme les divisions en drapeau : une construction ajoutée en fond de parcelle (l’étoffe du drapeau) entraîne la création d’un chemin d’accès (la hampe du drapeau) parfois peu réfléchie : « Au bout d’un moment, au lieu de 6 parcelles, vous en avez 23, avec des circulation compliquées qui vous obligent à faire des tours de terrain pour ne pas traverser les propriétés. Alors qu’il aurait fallu la création de vrais accès communaux. Cela montre les problèmes de planification des communes. » « Aujourd’hui, on a 980 habitants, si on passe à 1 300 avec le Bimby, il faudra de nouvelles installations. Ça posera le problème des transports pour rejoindre les écoles, le lycée… Structurellement, il faudra s’adapter, concède Jacques Ségéric. Mais l’avantage du Bimby, c’est qu’on pourra faire évoluer les choses doucement, à mesure des constructions. Ça va prendre cinq, dix ans. Alors qu’avec un lotissement, vous partez de zéro et vous vous retrouvez avec 150 habitants d’un coup. »

Le risque : figer le tissu urbain

Une chose est sûre pour Anastasia Touati : « On ne peut pas densifier n’importe où et n’importe comment. Il y a des espaces tendus où le foncier est rare et cher et où c’est judicieux de faire de la division parcellaire pour optimiser l’existant. Dans d’autres endroits où n’y a pas un besoin important en logements, ça peut être une erreur. On peut alors ne pas arriver à vendre ce qu’on construit », précise-t-elle. Parfois à l’inverse, la division parcellaire peut être un outil trop lent pour répondre à des besoins urgents et massifs : « Quand un parc industriel se construit avec une desserte en transport en commun plus intense et qu’on veut prévoir un développement, la densification douce n’est pas forcément la solution », poursuit la chercheuse, qui cite aussi les quartiers autour des gares du Grand Paris.

Pis, « ça peut être contre-productif. Comme tout tissu, la ville vit. Quand on fait un changement, il faut du temps avant de pouvoir changer les choses à nouveau. La division parcellaire peut figer un tissu en quartier pavillonnaire, alors qu’il faudrait changer de vocation ». Et l’urbaniste de résumer : « Avant de mettre en place une politique de densification, il faut établir un diagnostic territorial précis pour évaluer les besoins en logement, l’aménagement global du réseau – énergie, eau, transport… Le Bimby, c’est une idée plutôt intéressante, mais c’est un outil parmi une palette d’autres. Il ne faut pas en faire un dogme d’aménagement. »

A lire aussi sur Terraeco.net :
- « La tentation du bitume »
- « L’artificialisation des sols ralentit, merci la crise »
- « Et si la France manquait de terres ? »

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  • Effectivement, ça peut être un bonne idée quand les personnes ne peuvent plus entretenir des jardins trop grands. Conserver un plus petit jardin aménagé de manière optimale, vendre le surplus de terrain pour qu’une autre famille puisse s’y installer, cela a du sens.

    7.07 à 20h11 - Répondre - Alerter
  • Habitat groupé et participatif = économie en finance et en matériaux, en circuits électriques/gaz/eau + convivialité et créativité collective = moins de pollutions.
    Et oublié de préciser que l’éco-construction en passant par 1 association locale, permet également d’arrêter le pillage des fonds marins du monde par le BTP industriel...

    17.02 à 12h28 - Répondre - Alerter
  • Habitat groupé et participatif = économie en finance et en matériaux, en circuits électriques/gaz/eau + convivialité et créativité collective = moins de pollutions.

    17.02 à 12h12 - Répondre - Alerter
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