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22-10-2010
Mots clés
Transports
Emploi
Eau
France
Portrait

La Seine pour autoroute

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La Seine pour autoroute
(Crédit photo : Emilie Grégoire)
 
Anachronique, le métier de Pascal Canipel ? Pas vraiment. Car les péniches participent à la réduction des émissions de CO2 et sont encore compétitives face aux poids lourds. Mais jusqu'à quand ? Les bateliers se le demandent.
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« Quarante fois moins de pollution atmosphérique que la route. » Un grand autocollant sur les flancs de la péniche de Pascal Canipel affiche la couleur. « Mes 318 tonnes transportées équivalent à 14 camions économisés », affirme-t-il. Au bord du canal de l’Ourcq, à Pantin (Seine-Saint-Denis), le batelier attend que l’on vienne décharger les tonnes de graviers qui s’entassent dans les cales de son bateau. « Je ne sais pas si le grutier va s’occuper de moi aujourd’hui. Je pense que je vais devoir attendre demain matin, explique ce grand moustachu de 58 ans. On ne sait jamais à l’avance les jours où l’on travaille ou pas. Ce sont les risques du métier ! » Et son métier de batelier – ou marinier – il le connaît bien.

Il a toujours vécu sur cette péniche de trente-neuf mètres de long, achetée par ses parents en 1957, et qu’il a reprise en 1979 pour poursuivre l’activité familiale. « Je ne me voyais pas faire autre chose, avoue-t-il, en se servant un café dans sa minuscule cuisine-salle à manger en contreplaqué. J’ai arrêté l’école à 12 ans car mes parents avaient besoin de moi. J’ai quand même passé mon certificat d’études mais pendant le service militaire. » A la différence d’aujourd’hui (voir plus-bas), aucune formation n’était à l’époque nécessaire pour devenir artisan batelier. Il suffisait de passer le certificat de conduite pour naviguer.

50 heures à la barre par semaine

Vivre sur une péniche permet de voir du pays. « Nous avons été dans le sud de la France, en Belgique, au Luxembourg, etc. pour le transport de céréales ou de charbon, raconte Annie, sa femme, également fille de bateliers. C’était l’aventure, la liberté. » Le couple aime travailler ensemble. « Mais c’est vrai que c’est difficile de dissocier la vie professionnelle et familiale. Il faut bien s’entendre », reconnaît Annie.

Depuis dix-huit ans, la Baltic charge surtout des graviers à Tergnier, dans l’Aisne, et les livre à des centrales à béton à Pantin, Alfortville, Tolbiac ou Bondy, en Ile-de-France. Les journées sont longues. La veille, pour arriver à Pantin, Pascal était à la barre jusqu’à minuit. Annie le remplace parfois mais elle « n’aime pas faire les manœuvres à l’entrée des écluses étroites ». Chaque semaine, Pascal passe cinquante heures derrière son gouvernail pour parcourir les 200 km du trajet, aller-retour. Et à cela, il faut ajouter le chargement – une heure – et de déchargement – deux heures.

Le transport fluvial a beau se développer, la concurrence avec les poids lourds est toujours très forte. « Je ne peux remplir mon bateau qu’aux deux tiers à cause de la profondeur des canaux et la grue pour décharger est aux frais du client, explique Pascal. Le camion, lui, est rempli complètement et il peut décharger directement avec sa benne. Il est plus cher à la tonne mais coûte moins au déchargement. Pour l’instant, avec nos prix, nous restons compétitifs. »

Cale sèche

« Depuis 2008, on a connu une petite baisse d’activité mais, pour le moment, on se maintient », dit-il, en haussant les épaules. Il est payé 7,20 euros HT la tonne. Mais une fois réglés les frais de l’affréteur (qui est l’intermédiaire entre les clients et les transporteurs), le péage, le mazout, l’assurance bateau, les charges sociales, et le remboursement de son emprunt, il lui reste environ 2,15 euros. L’an dernier, lui et sa femme ont réussi à se payer un Smic chacun, soit environ 2 000 euros par mois à deux. « En 2010, nous aurons une diminution de nos revenus d’environ 10 % car nous avons dû mettre le bateau en cale sèche, ce qui nous a fait perdre trois semaines de travail. Mais c’est une obligation tous les cinq ans. »

Impliqué dans son secteur activité, Pascal a été élu il y a un an administrateur de la Chambre nationale de la batellerie artisanale. Les mariniers ont d’ailleurs fait grève, de la fin du mois d’avril à début mai, pour protester contre la chute des prix du fret et réclamer au gouvernement la mise en place d’un seuil de rentabilité au dessous duquel on ne peut négocier les prix. Depuis, ils attendent.

En voie d’extinction

Le lendemain, 11 heures. Après avoir déchargé tous ses graviers, la « Baltic » quitte le canal de l’Ourcq dans un tranquille ronronnement de moteur. Pascal est à la barre tandis qu’Annie remonte les défenses en plastique qui protègent le bateau des chocs.

Les péniches comme la leur sont en voie d’extinction. Selon Pascal, « à terme, les petits bateaux seront remplacés par les grands pour pouvoir transporter les conteneurs », à l’image de ceux qui navigueront sur le canal Seine-Nord Europe prévu pour 2016. Une époque s’achève sur les canaux.


Transporteur fluvial

Le batelier transporte des marchandises, à bord d’une péniche ou d’un navire industriel, sur les fleuves et les canaux.

Pour créer son entreprise artisanale de transport fluvial, il faut être titulaire d’une attestation de capacité professionnelle (ACP).

Les formations qui facilitent l’embauche :

- Sans bac au Centre de formation d’apprentis de la navigation intérieure au Tremblay-sur-Mauldre
(Yvelines) et au lycée professionnel Emile Mathis à Schiltigheim
(Bas-Rhin)) : le CAP Navigation fluviale et la Mention complémentaire transporteur fluvial

- Bac +2 du Conservatoire national des arts et métiers à l’Institut supérieur de la navigation intérieure d’Elbeuf (Seine-Maritime) et l’ISNI de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).

Un matelot salarié est payé environ 1 349 euros bruts par mois. Les revenus de l’artisan batelier varient selon l’activité.

Un artisan batelier peut évoluer vers le tourisme fluvial ou vers un emploi sédentaire chez un chargeur.

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  • Bonjour,

    Je suis un marinier retraité. Votre article résume assez bien la situation sur un secteur bien spécifique que sont "les sabliers", liés sous contrat. Il manque à votre article la position sociale : Quelle retraite en fin de carrière pour le couple ? En cas de décès du titulaire, la reversion c’est 52% soit en dessous du minimum vieillesse. Actuellement, une retraite se situe en moyenne à la hauteur d’un smig pour DEUX pour une majorité de mariniers. Inscrits aux caisses des commerçants, le conjoint n’était jusqu’alors pas reconnu. Depuis peu de temps, il est également cotisant . Pas d’indemnité journalière en cas d’arrêt de travail pour un travailleur indépendant.

    23.10 à 08h19 - Répondre - Alerter
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