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28-09-2009
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Politique
Société
ONG
France

Ambassadeur sur le retour

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Brice Lalonde signe son énième come-back. Cette fois, c’est dans le costume de négociateur pour le changement climatique qu’il portera la voix de la France, en décembre, à Copenhague. Des Amis de la Terre en passant par Génération écologie, le PSU ou les dorures des ministères, ce fils d’une riche famille a creusé le tortueux sillon de l’écologie française.
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Un peu voûté, chemise froissée, barbe de quatre jours et chaussures bateaux aux pieds. Dans le spartiate bureau 4 003 d’une aile du ministère de l’Ecologie, l’ambassadeur du climat a la mine fatigué. Brice Lalonde rentre du Burkina Faso et s’envole le lendemain pour le Brésil. Plus que deux mois avant la conférence de Copenhague, où il incarnera la voix de la France dans la plus grande négociation internationale sur le changement climatique depuis Kyoto, en 1997. Dans combien de villes a-t-il atterri depuis sa nomination, en septembre 2007 ? Il a oublié. « Mais j’ai quarante ans de crédits vélo derrière moi ! », sourit-il. La selle s’est usée depuis les années 1960. Lui, pas encore. « Les gens n’ont pas idée qu’on peut choisir à tout moment son avenir. Il faut le leur mettre dans la tête. Ce n’est pas un pari, c’est une course. Il faut expliquer, se battre. Il faut gagner ! », tonne-t-il.

Ruptures douloureuses

Les représentants des ONG qui fréquentent les réunions de préparation au sommet de Copenhague le décrivent comme un bon connaisseur des dossiers, abordable, et ne lui reprochent qu’une chose : représenter une France trop timorée dans les négociations entre pays occidentaux et ceux du Sud. Une broutille face aux critiques de la vieille garde écolo qui l’a voué aux gémonies, il y a des années. A l’université d’été d’Europe écologie, fin août, les noms d’oiseaux fusaient à l’évocation de son patronyme : « Il a hérité d’un hochet bien rémunéré je ne sais pas où » ; « Ce n’est plus un acteur. C’est un spectateur » ; « Je ne savais pas qu’il était encore compétent sur quelque chose »… Réflexions peu amènes qui témoignent combien le parcours de Brice Lalonde, personnage à la fois fondateur et atypique du mouvement écologiste français, trouble la nébuleuse, parfois jusqu’au mépris.

Mais l’homme a l’habitude des ruptures douloureuses et des décalages permanents. Sa mère, américaine, née Forbes, coureuse hippique, et son père, un riche négociant en tissu, lui ont donné le goût de la nature. Il partage les bancs d’un lycée de Neuilly (Hauts-de-Seine) avec Laurent Fabius, mais fait ses classes de militant à la Sorbonne, en 1968. « Beau garçon, veste en tweed et chaussures anglaises. Rien à voir avec les blousons de cuir et grosses godasses de l’époque », témoigne un ex-camarade de la Fédération des groupes d’études de lettres que présidait Brice Lalonde. « J’ai appris à tirer des tracts, à organiser des manifestations, tout ce que l’on ne sait pas forcément faire quand on est écolo », se remémore-t-il.

En 1972, à 26 ans, l’étudiant, encarté au PSU de Rocard, bifurque vers « sa cause » et rejoint le groupe naissant des Amis de la Terre. « Il avait mis à la disposition de l’association un logement hérité de son père, rue de l’Université. Entre les tableaux de maîtres, les militants faisaient fonctionner la polycopie ! », se rappelle Alain Hervé, journaliste et fondateur de l’association, qui cède rapidement la place au jeune tribun. Brice Lalonde y fait une entrée fracassante en lançant une Vélorution à Paris, première manifestation de cyclistes, et en naviguant dans le Pacifique pour protester contre les essais nucléaires de Mururoa. En 1974, il mène la campagne présidentielle de l’écologiste René Dumont avant de se présenter lui-même en 1981. « Sans réfléchir, poussé par une bande de copains », dit-il. Il y acquiert le goût du combat politique qu’il revendique toujours, mais se brouille avec une partie de ses amis militants. C’est sa première disparition de la scène publique.

Michel Rocard le remet en selle en 1988 en l’appelant au gouvernement comme secrétaire d’Etat à l’Environnement. En quatre ans, il fait adopter les pots catalytiques, l’essence sans plomb, négocie la Convention de Bâle sur les déchets dangereux et fonde l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Dans la joie, affirme-t-il. Dans la souffrance, répliquent ses amis. « La plupart des socialistes étaient fondamentalement réticents, avoue-t-il. Mais j’avais mon stock de revendications depuis quinze ans ! » Entre deux batailles, il crée, en 1990, Génération écologie, avec un slogan lapidaire « Agir, pas gémir ». « Les Verts prétendaient avoir le monopole de l’écologie. Ça m’agaçait. J’ai fondé un parti qui n’était pas contre tout, prêt à faire des compromis à condition que ça avance », se rappelle-t-il. S’y côtoient Noël Mamère et Jean-Louis Borloo… Aujourd’hui, l’expérience fait réfléchir. « Ils ont eu l’intelligence de sentir que l’écologie pouvait être politique. Leur position nous a aidés, nous les Verts, à évoluer », concède Denis Baupin, adjoint au maire de Paris.

« Evangéliser droite et gauche »

Mais l’ascension fait long feu. Après son départ du gouvernement, en 1992, Brice Lalonde rapproche Génération écologie de la droite et déclenche une hémorragie dans le mouvement. Le choix fut cornélien, défendent ses ex-compagnons des Amis de la Terre. « C’est en partie dû à la négligence des socialistes sur l’environnement !, analyse Pierre Radanne, aujourd’hui consultant spécialisé en questions énergétiques qui le retrouve désormais lors des négociations internationales. Dans son passage à droite, il y a une grande amertume de n’avoir pas été entendu, une sorte de dépit amoureux. » Ses anciens amis de Génération écologie le taxent de mégalomanie. « Il s’est mal remis de ne plus être ministre ! Il a saisi des opportunités », juge Noël Mamère qui, en 1994, quitte le mouvement. L’intéressé répond par le pragmatisme : « J’ai toujours pensé qu’il était impossible de triompher en considérant les patrons comme des ennemis. Il faut évangéliser toute la société française, droite et gauche comprise. » La rupture avec la nébuleuse écologiste est consommée lorsqu’il passe une alliance électorale avec Démocratie libérale d’Alain Madelin, en 1998. Mauvais choix qui le fait disparaître une nouvelle fois. « La politique finit par vous avoir. Je suis content d’avoir arrêté », prétend-il aujourd’hui.

Pendant près de dix ans, Brice Lalonde se réfugie aux Essarts, le manoir breton des Forbes, à Saint-Briac (Ille-et-Vilaine), dont il est maire. La commune connaîtra brièvement la gloire pendant la campagne présidentielle de John Kerry, son cousin américain. Jusqu’à ce que le nouveau ministre Jean-Louis Borloo lui propose, il y a deux ans de cela, le poste de Monsieur climat sur la scène internationale. Un costume sur mesure. Et un air de déjà vu. « Je suis face à 170 pays et j’ai l’impression de retrouver les partis politiques français qui n’y croyaient pas il y a vingt ans. Mais l’histoire me fait penser que ça va changer ! » L’ambassadeur est un optimiste maladivement impatient, disent ses proches. « Brice a une intuition politique presque animale. Malheureusement, il est révolté par la lenteur des processus, le collectif ne va pas assez vite pour lui ! », témoigne Pierre Radanne. Cette fois, il jure ne pas vouloir griller les étapes. « J’attends qu’on enclenche une mécanique dont le cœur sera l’accord entre pays riches et pays en voie de développement, explique-t-il. Et c’est simple : il faut financer en priorité, avec de l’argent quasi-donné, les énergies renouvelables et la protection de la forêt. »

Il y a trente ans, Brice Lalonde avait lui-même dessiné l’affiche de campagne des écolos aux municipales à Paris. Intitulée « Quand vous voudrez ! », elle faisait apparaître une ville-jungle, peuplée de vélos en libre-service : visionnaire. « Comment vivra-t-on en 2050 ?, questionne-t-il. Nous avons besoin d’une nouvelle affiche pour nous faire rêver ! » Cette fois, il la veut planétaire. Qui lui reprochera d’être pressé ?

Photo : Stephane Remaël


BRICE LALONDE EN DATES ET GESTES

1946 Naissance à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)

1968 Milite à l’Unef et au PSU

1972 Préside les Amis de la Terre

1988 Entre au gouvernement Rocard 1990 Fonde Génération écologie

2007 Est nommé ambassadeur chargé des négociations climatiques.

Son geste vert : Il circule à vélo.

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