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28-10-2011
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Economie
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Vitesse : all you need is slow

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« On est pressés, pressurisés. La vie va vite où qu’on habite », chantait Jacques Dutronc en 1969. Depuis ? On a accéléré, ma bonne dame ! Et maintenant, c’est comment qu’on freine ?
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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La planète est frappée d’un mal terrible, celui de la vitesse. Toujours plus vite, plus haut, plus loin et… toujours moins bien pensé. Mais pourquoi le « vite fait mal fait » s’est-il ainsi emparé du travail, de l’action politique et de notre vie quotidienne ? Et comment y remédier ? Les acteurs de la philosophie « slow » ouvrent la voie de ce qui sera peut-être la pensée majeure de notre siècle agité. On se caaaalme…

« Le froid, le silence et la solitude sont des états qui se négocieront demain plus chers que l’or. Sur une Terre surpeuplée, surchauffée, bruyante, une cabane forestière est l’eldorado. » D’emblée, les premières pages de Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson (voir la bibliographie ci-dessus) éclairent sur les raisons de son succès en librairie. Ce presque quadra goûtant volontairement à la solitude coite d’une cabane en rondins posée au milieu de la taïga, c’est tout ce dont nous rêvons tous sans en avoir le courage : retrouver le rythme des saisons, l’épaisseur du silence, le sens du temps qui s’écoule… Fantasme bien compréhensible d’une civilisation qui ressemble de plus en plus à un épisode de 24 heures chrono.

Car oui, notre société va vite, trop vite. Ce que le politologue Pierre-André Taguieff nomme le « bougisme » agite les institutions, les mœurs et le quotidien de plus en plus d’habitants sur Terre. On mange trop vite, on dort trop peu, on bâcle de plus en plus et l’on savoure de moins en moins. Et cela dépasse le chronomètre : l’ère de l’urgence porte en elle le stress bien sûr, mais aussi le moche, le mal conçu, le standardisé, le superficiel, l’énergivore, le polluant… Fast-food égale malbouffe ; chanteurs jetables égale pop indigeste ; lois pondues dans l’urgence d’un fait divers égale texte bancal et souvent retoqué par le Conseil d’Etat…

Il y a vingt ans, le néolithique

Tentez une expérience si vous avez la trentaine et un enfant : faites le point sur la quantité incroyable d’objets banals des années 1980 et 1990 qu’il ne connaîtra jamais : la télé sans télécommande, les voitures avec vitres non électriques et sans autoradio, la musique sur disque, les dessins animés sur cassette, le téléphone sans touches et avec fil, la vie sans Ipod, sans Internet, sans portable et même sans ordinateur… Vous ne provenez pourtant pas du néolithique ! Et le pire, écrit le philosophe catalan Joan Domènech Francesch dans son Eloge de l’éducation lente, c’est que « l’augmentation de la rapidité n’engendre pas de gain de temps, mais accroît la sensation de manque ». Mais d’où vient cette fièvre accélératrice ? Et depuis quand nous frappe-t-elle ? « Sans conteste depuis les années 1990-1995, pointe Nicole Aubert, sociologue et psychologue. Dans mes entretiens avec des salariés, soudain, l’obligation de répondre en urgence aux ordres de la hiérarchie prenait une place énorme, ce qui n’existait pas auparavant. »

L’auteure du Culte de l’urgence y voit la rencontre de deux facteurs : « D’une part, l’arrivée des nouvelles technologies – l’e-mail, le portable et plus récemment, le smartphone – ces ‘‘ fils à la patte ’’ qui nous suivent partout, et exigent des réponses instantanées jusque dans la sphère privée. D’autre part, la place majeure prise par les marchés financiers, qui ont imposé leur court-termisme et leur exigence de gain immédiat aux salariés. »

Pour l’essayiste Gilles Finchelstein, auteur de La dictature de l’urgence, c’est encore une question géopolitique : « La mondialisation a mis en concurrence nos vieilles économies avec celles de pays émergents. Et qui dit concurrence dit obligation d’intensifier la cadence. » Il pointe aussi la disparition des grandes croyances, le marxisme et le christianisme, « qui nous faisaient œuvrer pour les générations futures. Aujourd’hui, il n’y a qu’une vie pour se réaliser, ce qui est à la fois un progrès, mais peut être très anxiogène. »

Expos, cités et TF1

Bien sûr, il faut éviter la nostalgie à œillères : si en Occident, on prend infiniment moins de temps pour cuisiner et si la durée de vie des couples s’est réduite, c’est aussi parce que les femmes sont moins rivées aux fourneaux et moins dépendantes financièrement de leurs conjoints. Si l’on a le sentiment que les films, les expos et les bouquins défilent en rafale dans nos vies, c’est aussi un signe que le choix culturel n’a jamais été aussi vaste. Et qui peut sincèrement déplorer que Twitter et Facebook soient des alternatives à la grand-messe du 20-Heures de TF1 ? Reste que cette course à l’échalote généralisée a trouvé un antidote : le mouvement slow. Ce n’est pas un hasard s’il est né sous la plume d’un critique gastronomique. L’Italien Carlo Petrini, qui en avait ras-le-bol du fast-food, a inventé le slow food en 1986. Treize ans plus tard, sa ville – Bra – et trois autres décidaient d’appliquer la philosophie slow aux cités, inventant le mouvement des « Città slow » (villes lentes), qui regroupe aujourd’hui pas loin d’une centaine de municipalités.

Le slow a ensuite contaminé de nouveaux domaines : le design, l’éducation, le sexe (voir abécédaire)… Là encore, il s’agit moins de ralentir le tempo que de réhabiliter le qualitatif, le sobre, le durable, le non-rentable, le délicat, le pertinent et parfois l’inutile – disons le beau, tout simplement.

« Deuxième carrière »

Et de fait, dans bien des domaines, les choses vont dans le bon sens : les papas prennent aujourd’hui leurs congés paternité ; le temps partiel choisi et le télétravail – qui conjurent le syndrome « métro-boulot-dodo » – explosent ; à la quarantaine, de plus en plus de cadres optent pour une « deuxième carrière » en chambre d’hôte ou réhabilitation de mobilier ancien, non parce qu’ils ont la bougeotte, mais pour retrouver le sens du temps. Les vide-greniers, ces lieux où l’on privilégie l’ancien et pas cher au neuf de supermarché, connaissent un succès furieux.

Des « livres-magazines » trimestriels naissent, comme XXI ou Feuilleton, misant sur la longueur et la qualité des articles, refusant le kiosque pour la table du libraire. Et inutile de revenir sur le carton des marchés bio et des Amap (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) où l’on se laisse volontairement imposer des fruits et légumes de saison – quitte, en hiver, à ne plus voir en peinture les choux de Bruxelles ! Autant de chemins qui permettent, dans son coin, d’entamer un voyage au bout du slow. Et de mettre en pratique l’épatant slogan de Mai 68 : « Assez d’actes, des mots ! » —


A lire pour ralentir

La voie d’Edgar Morin (Fayard, 2011)

Le chemin de l’espérance de Stéphane Hessel et Edgar Morin (Fayard, 2011)

La Méthode d’Edgar Morin (Seuil, 1981)

Le Culte de l’urgence de Nicole Aubert (Flammarion, 2009)

Eloge de l’éducation lente de Joan Domènech Francesch (Silence - Chronique Sociale, 2011)

Vivre plus lentement, un nouvel art de vivre de Pascale d’Erm (Ulmer, 2010)

La dictature de l’urgence de Gilles Finchelstein (Fayard, 2011)

Accélération, une critique sociale du temps de Rosamunt Hart (La Découverte, 2010)

Le droit à la paressede Paul Lafargue (Mille et une nuits, 1880)

Du bon usage de la lenteur de Pierre Sansot (Rivages Poches, 2000)

Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson (Gallimard, 2011)

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  • A cette analyse nécessaire on pourrait en rattacher une autre : le goût pour la recherche de la verticalité maxima ,celle que l’on constate dans les tours ou dans les éoliennes géantes.
    A la conquête de l’horizontal par la vitesse correspond la tentation que l’on pourrait nommer "le complexe de Babel ".

    4.01 à 10h31 - Répondre - Alerter
  • Je vous invite, pour ceux qui le retrouvent, à lire en complément de la biblio ci dessus, l’excellent Hors Série du Sarkophage, sorti vers la mi 2010, "Ralentir la vi(ll)e !".

    8.11 à 08h22 - Répondre - Alerter
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