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2/2 : Relocaliser : pour la planète ? Pour l’humanité ? Pour tout ?

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2/2 : Relocaliser : pour la planète ? Pour l'humanité ? Pour tout ?
 
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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4/ Relocaliser pour nourrir – et sauver – la planète ?

Des émeutes de la faim vont se reproduire, peut-être dès cette année. Le mauvais présage est d’Olivier de Schutter, rapporteur des Nations unies pour le droit à l’alimentation (1). « On parle beaucoup de la petite agriculture familiale, mais on persiste dans des politiques d’encouragement des exportations. Le discours dominant est qu’il faut produire davantage, mais le vrai problème est qu’un milliard de personnes n’ont pas assez d’argent pour acheter la nourriture disponible. » 70 % des personnes affamées sont en effet des paysans, concurrencés par l’agriculture subventionnée des pays riches, et contraints à l’exode rural. « Il y a, environ, 200 fois plus de travwail dans un sac de riz produit en Casamance au Sénégal, que dans un sac produit aux États-Unis ou en Camargue. Ils sont pourtant au même prix sur un marché africain », rappelle, par exemple, l’agronome Marc Dufumier.

Si la Bolivie a inscrit la souveraineté alimentaire dans sa Constitution, de nombreux Etats préfèrent subventionner les cultures destinées au marché mondial. Appuyée par le Fond monétaire international et la Banque mondiale, l’Indonésie a ainsi consacré 20 millions d’hectares aux plantations d’agrocarburants, mais ne produit pas assez pour nourrir sa population. Or, ajoute Olivier de Schutter, ces monocultures appauvrissent les sols, provoquent l’érosion et requièrent beaucoup d’engrais et de pesticides. Selon le rapporteur de l’ONU, ces effets désastreux ne sont pas pris en compte par l’OMC qui défend une plus grande ouverture des marchés agricoles. Il faut au contraire, juge Olivier de Schutter, « privilégier les cultures vivrières pour répondre aux besoins locaux, et déconcentrer la production alimentaire afin qu’elle soit la plus proche possible des lieux où elle est consommée ».

Les fameuses fraises en hiver

Actuellement, un aliment parcourt, en moyenne, plus de 1 500 km du champ à l’assiette. Développer les circuits courts permettrait donc de réduire l’impact écologique du secteur agricole, responsable de 33 % des émissions de gaz à effet de serre. Et d’empêcher l’hyperspécialisation des territoires, comme l’élevage porcin en Bretagne, en partie responsable de la prolifération des algues vertes. De plus, l’agriculture productiviste a montré ses limites sociales. « Il y avait 5 millions d’agriculteurs en France après-guerre, contre 500 000 aujourd’hui, rappelle Denise Vuillon, maraîchère dans le Var. Globalement, il n’y a plus de paysans. Cela crée un grand vide dans le paysage, et un manque de bras et de savoir-faire paysan pour l’agriculture périurbaine. » Mais un tournant est en cours. Depuis la crise de la vache folle, les consommateurs ont conscience de leur perte de contrôle sur l’alimentation, devenue hors sol et hors saison – ah, les fameuses fraises en hiver… Fondé en 1986, le mouvement Slow Food éreinte la malbouffe et défend des produits locaux en voie de disparition, comme la poule gasconne, une de ces « sentinelles », selon l’expression Slow.

En 2001, Denise et son mari Daniel créent la première Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) à Aubagne, sur un modèle existant au Japon ou aux Etats-Unis. Le principe est connu : un partenariat entre des consommateurs et un agriculteur, auquel ils achètent à l’avance tout ou partie de sa récolte. Neuf ans après, les Amap ont poussé comme du chiendent. On en dénombre près de 1 500 en France, qui alimentent 60 000 familles en fruits et légumes de saison, toujours, et bio, la plupart du temps. Beaucoup de « locavores » veulent mettre la main aux paniers, si bien qu’il manque 300 agriculteurs pour répondre à la demande, très forte dans les grandes villes. Mais l’installation des jeunes est compliquée par les prix élevés et la disparition des terres arables. Des associations, comme Terre de liens, tentent bien de lever des fonds pour les acheter. Et certaines collectivités – comme Rennes, Lyon – réunies dans le réseau « Terres en villes » veulent contenir l’étalement urbain en créant des ceintures vertes. « On a de bonnes pratiques, encore embryonnaires, mais pas de politique, estime Emmanuel Antoine, président de l’association Minga, qui participe à la campagne “Alimentons les régions”. Or, les faits sont têtus : 60 000 hectares de terres arables disparaissent chaque année à cause de l’étalement urbain et de la spéculation foncière. » Même les Olivades, l’exploitation de Denise et Daniel Vuillon, est menacée d’expropriation par un projet de « développement durable » de l’agglomération toulonnaise, en l’occurrence un tramway et une avenue reliant les terres à la mer… « La loi Grenelle 2 conseille de préserver des zones agricoles autour des villes, mais rien n’oblige les maires à le faire », déplore Denise.

Le béton est plus rentable au risque d’envoyer dans le mur tous les beaux projets de « circuits courts ». Le ministère de l’Agriculture veut en effet encourager le développement de la vente directe à la ferme, sur les marchés ou par livraison de paniers. Ce commerce sans intermédiaire occupe pour l’instant près de 17 % des exploitants. Le « plan Barnier » aimerait doper ce chiffre – et les revenus des agriculteurs –, en les aidant discrètement à contourner les Mammouths qui écrasent les prix. Les problèmes fonciers hypothèquent peut-être aussi le développement de l’agriculture biologique, dont le gouvernement souhaite tripler d’ici à 2012 la surface agricole (de 2 % à 6 %). Dommage : dans ce secteur qui occupe un peu moins de 100 000 personnes, le gisement d’emplois est considérable puisqu’il nécessite 30 % de main-d’œuvre de plus que l’agriculture intensive.

5/ Relocaliser pour (re)créer du lien social ?

Récapitulons. Dans des proportions indéterminées, l’industrie, l’énergie et l’agriculture vont être relocalisées. Services à suivre ? Possible, répond Philippe Estèbe, membre du conseil scientifique à la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (Diact). Grâce au développement de l’« économie de fonctionnalité » : Vélib’, autopartage, nettoyage de couches lavables, location de perceuses… On s’échange des services plutôt que des objets. Même Peugeot teste des abonnements « mobilité » : je loue un 2 roues le jeudi et un 4X4 pour faire mes courses le samedi. Cette forme de circuit court, avec une organisation forcément locale, emballe Philippe Estèbe : « Un monde dans lequel le droit de propriété devient minoritaire par rapport au droit d’usage ouvre la voie à un changement des rapports sociaux. Car il implique de la proximité et un mode de vie plus communautaire. » Moins de biens, plus de lien… Les services à la personne répondent aussi à ce besoin. Les entreprises et associations du secteur emploient 2 millions de salariés en France, ont créé 16 000 postes équivalents temps plein en 2008 malgré la crise, et devraient encore embaucher des centaines de milliers de personnes. Conséquence du baby-boom, il manque plus de 300 000 places en crèche. On cherche aussi des milliers d’aides-soignantes et d’infirmières pour le maintien à domicile des personnes âgées.

Monnaie virtuelle contre panier bio

« Plus près de toi, mon vieux », ce pourrait être le credo de notre nouvelle économie « résidentielle » (2), boostée par le « papy boom » et la « rurbanisation » (urbanisation des zones rurales à proximité de villes, ndlr). En France, 42 % de la richesse des territoires proviennent des transferts de revenus (retraites, tourisme...), et seulement 25 % de leur production. « Le paradoxe est fort, mais il faudra bien l’entendre : l’emploi se développe davantage dans les zones les moins actives », souligne Pierre Martin, président de l’Union professionnelle artisanale (UPA). Ce défenseur de l’« économie de proximité » comme « nouveau projet de société » juge que 2,8 millions de postes pourraient être créés dans le commerce en France si elle en avait autant dans ce secteur que les Etats-Unis (rapportés à la population). Mais l’économie résidentielle fondée sur la consommation et les services à la personne n’est pas viable aux yeux de Philippe Estèbe. « Elle suppose l’évasion des richesses des régions qui produisent vers d’autres où on les dépense. Ce qui pose un problème à terme pour des régions comme l’Ile-de-France, où malgré la croissance du PIB, la pauvreté et les inégalités augmentent. »

« Si l’on veut rendre effectif le droit des personnes âgées à vivre dans la dignité, reconnu par la loi dans d’autres pays, il faudra récupérer une partie des milliards dont l’Etat s’est volontairement privé en réductions d’impôts pour les plus riches et en niches fiscales », juge l’économiste Jean Gadrey. On peut toujours rêver. En attendant, certains inventent d’autres moyens d’échange. Le troc ressurgit sous forme de monnaies locales dans les SEL (Systèmes d’échanges locaux) ou dans les Transition Towns. Les universités de la métropole lilloise vont rémunérer les étudiants qui font du soutien scolaire bénévole avec une monnaie virtuelle : le Sol sera échangeable contre des paniers bio, des repas, une formation aux premiers secours… Au Brésil, 42 banques communautaires accordent des microcrédits sous forme de monnaies locales, qui financent le développement des commerces et des entreprises locales. Dans le Conjunto Palmeiras, une favela de 30 000 habitants à Fortaleza, 1 800 emplois ont ainsi été créés en dix ans.

6/ Peut-on tout relocaliser ?

« Ce sera toujours compliqué de faire pousser un oranger sur le sol irlandais, sourit le député Vert Yves Cochet, même si le changement climatique va peut-être déjouer l’anticipation de Bourvil il y a quarante ans. » Les magasins Biocoop, qui se fournissent à 77 % en France, doivent pour l’instant importer leurs fruits exotiques. En outre, de nouvelles délocalisations d’entreprises sont aussi à prévoir dans les services, selon l’économiste El Mouhoub Mouhoud. « Notamment les plates-formes de supports informatiques ou les centres d’appel, car les coûts de transport et de transaction sont nuls. 20 % des emplois tertiaires sont délocalisables. » Le « high-tech » est aussi menacé, notamment les firmes utilisant les « terres rares ». Ces 17 métaux (praséodyme, yttrium…) sont indispensables à la fabrication d’iPhones, d’éoliennes, de batteries de voitures électriques ou de missiles. Or, la Chine, qui fournit 95 % de la production mondiale de terres rares, vient d’en limiter les exportations. « De plus en plus de compagnies vont devoir se délocaliser en Chine pour assurer leur approvisionnement », prédit Dudley Kingsnorth, consultant dans ce domaine.

Compétition interne

Et puis la mondialisation continue, comme le montre la détermination de l’OMC a poursuivre la libéralisation des échanges. « Pour éviter la désindustrialisation forcenée qui alimente le chômage et fait grimper l’extrême droite, il faudrait au contraire régionaliser les économies », suggère Hakim El Karoui (3). Ce banquier, ancien conseiller du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, est partisan d’un protectionnisme européen. « Ce serait possible grâce à des quotas et des législations internationales sociales et environnementales concertées. Or, ce qui caractérise l’Europe, c’est la compétition interne, car l’essentiel du commerce se fait entre les pays membres. L’Allemagne a, par exemple, gagné de la compétitivité sur le dos des Italiens ou des Français en baissant les salaires et en développant l’emploi précaire. » —

(1) Le Monde du 16 novembre 2009.

(2) La République et ses territoires. La circulation invisible des richesses, Laurent Davezies, Seuil, collection La République des idées.

(3) L’Avenir d’une exception, Hakim El Karoui, Flammarion, 2006.

Photo : Bertrand Desprez - Agence VU


LE LOCAL MET LES PIEDS DANS LE PLAT

20% de menus bio dans les cantines, c’est bien. Des aliments locaux de qualité et de saison, c’est mieux. Dans la ligne du Grenelle de l’environnement, 36% des restaurants collectifs proposent de temps en temps des produits bio à leurs convives, voire des menus entiers. Mais avec seulement 2% des surfaces agricoles françaises en bio, beaucoup sont contraints de s’approvisionner sur le marché mondial... « Or le bio dans les cantines peut être un levier important de reconversion écologique des territoires », selon Didier Thevenet, de l’Association nationale de la restauration municipale : « Car les agriculteurs démarchent désormais les restaurants d’hopitaux, d’entreprises, etc. ». Problème : le code des marchés publics interdit la préférence locale. Pour contourner cet obstacle, les astuces fleurissent lors des appels d’offre. A Lons-le-Saunier (Jura), le restaurant municipal demande qu’on lui livre des animaux vivants, privilégiant ainsi les 40 éleveurs locaux de vache montbéliarde. Des restaurants demandent un délai de deux jours maxi entre la cueillette des légumes et leur livraison. Ce qui réduit la distance de la terre à l’assiette.


DES COOPERATIVES POUR SE SERRER LES COUDES

Contre les délocalisations, l’autogestion. Cette idée soixante-huitarde a été reprise Christian Estrosi, ministre UMP de l’Industrie, qui veut plus de PME en coopératives. Les Etats Généraux de l’Industrie feront donc des propositions pour encourager les salariés à reprendre leur boîte. En cas de départ à la retraite des patrons, alors que beaucoup vont passer la main. Mais aussi en cas de liquidation, comme celle d’Alusor, à Eckbolsheim (Bas-Rhin), le 24 décembre 2008. Avec leurs primes de licenciement, 11 de ses 24 salariés ont alors décidé de s’offrir la société (qui fait des systèmes électriques). « Comme on avait réussi à réunir toutes les compétences, on se disait que c’était économiquement jouable de la relancer. Elle vivotait depuis le départ à la retraite de son propriétaire », raconte François Blanck, co-gérant d’Alusor. Son passage en SCOP (société coopérative de production) le rend optimiste malgré la crise : « Les salariés se sentent dans le même bateau : ils sont actionnaires au prorata de leurs ressources, mais à égalité de voix. D’ailleurs 90% des Scop existent encore 5 ans après leur création, quand 40% des SA disparaissent au boût de 3 ans ». Les coopératives sont aussi un outil pour préserver l’environnement. Le nouveau Prix Nobel d’économie, Elinor Olstrom a prouvé que lorsque les hommes s’associent en égaux pour gérer des biens commun – eaux, forêts... -, ils le font mieux que l’administration ou une entreprise capitaliste privée.

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  • Dans le 5/ vous précisez "On s’échange des services plutôt que des objets. Même Peugeot teste des abonnements « mobilité » : je loue un 2 roues le jeudi et un 4X4 pour faire mes courses le samedi. "

    J’ai cru dans un premier temps que les 4X4 pour faire les courses le samedi s’était ironique... mais j’ai eu beau chercher j’ai pas du tout saisi le sens de cet humour.

    En circuit courts, on n’a plus besoin de prendre une bagnole pour faire les courses, d’autant plus un samedi et encore plus en 4X4. Ce gros clichés de la société actuelle ne doit plus exister, même avec des 4X4 mutualisées !

    10.02 à 10h44 - Répondre - Alerter
  • Incroyable, cet article. Et si on commençait par le BA-Ba ? Nous vivons dans un marché commun, l’UE, et c’est donc à cette échelle qu’il faut penser les relocalisations. Mais aucun mot là dessus, dans aucun des deux articles !

    27.12 à 19h41 - Répondre - Alerter
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