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28-09-2009
Mots clés
Technologie
Développement Durable
Monde

«  Produire en utilisant le minimum de ressources  »

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SÉRIE. Ils construisent le monde de demain 2/4. Une climatisation copiée sur les termitières, de l’électricité produite à partir de la soie… Le Belge Gunter Pauli va chercher dans la nature de futurs modèles verts et vertueux. Il rêve qu’investisseurs, chefs d’entreprise et scientifiques phosphorent ensemble.
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Gunter Pauli prend, au début des années 1990, la tête d’Ecover, société de produits d’entretien écologiques, pionnière en son genre. C’est aussi à cette époque, en 1994 précisément, que l’entrepreneur belge crée Zero Emissions Research and Initiatives (Zeri). Aujourd’hui, sa fondation rassemble les projets de business les plus innovants en matière environnementale. Faire plus avec moins en s’inspirant de la nature, tel est son credo. Rencontre à Paris avec un homme fourmillant d’idées.

Terra Eco. En décembre, aura lieu la conférence sur le changement climatique qui va décider du monde post-Kyoto. Selon vous, sur quelles valeurs doit-il reposer ?

Gunter Pauli. La négociation sur les objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne constitue pas, pour moi, le cœur du problème. Nous allons parvenir à un accord, cela ne fait pas de doute. Mais un objectif lointain n’est pas suffisant. Il s’agit d’un cadre pour agir. Comment répondre aux besoins de la population mondiale en nourriture, eau, hébergement, énergie et santé ? Voilà la vraie question du développement durable. Se la poser oblige à remettre en cause notre modèle économique. En voulant nourrir la planète avec de la monoculture alimentée aux pesticides et à l’irrigation, ou avec des organismes génétiquement modifiés, on entretient le réchauffement climatique. Le sommet de Copenhague arrive à un moment où l’on se rend compte que le monde économique est en crise, qu’il n’a plus d’éthique. Ceux qui le réalisent plus vite que les autres ont là une opportunité pour changer de modèle. Mais pour être créatif, il faut nier les connaissances du passé, oublier ce qu’on appelle les forces de l’entreprise, qui ne sont plus les forces de demain.

Vous parlez de la nécessité de faire table rase des recettes du business classique, quitte à irriter ceux qui, dans les grosses sociétés, font des efforts pour s’adapter. Comment imaginez-vous l’entreprise du XXIe siècle ?

Je suis pragmatique. Je ne dis pas non, a priori, à une technologie ou une innovation parce que je suis un hippie. Je dis non s’il existe une meilleure solution. Et c’est souvent le cas… Aux Etats-Unis, les responsables de Monsanto ont reçu la consigne de ne plus participer à une seule table ronde avec moi parce que je convaincs, même les plus réticents, qu’il y a mieux que les OGM pour assurer la productivité des sols. Etre entrepreneur, c’est vouloir améliorer les modèles, tout en faisant du profit bien sûr. En 1991, lorsque j’ai pris la direction d’Ecover, l’entreprise de détergents biologiques, on m’a dit que j’étais fou et que je ne ferais jamais le poids face à Procter & Gamble, bien plus expérimenté que moi. Aujourd’hui, Ecover réalise une marge bénéficiaire de 37 %, un record dans ce secteur, et démontre qu’il est possible d’être concurrentiel sans gros capital.

Où dénichez-vous les modèles alternatifs que vous soutenez ?

Je cherche à promouvoir des technologies inspirées des principes du biomimétisme, c’est-à-dire l’observation des solutions intelligentes que nous fournit la nature. Cela va de l’étude des termitières pour mettre au point une climatisation naturelle, aux effets optiques des ailes du papillon qui pourraient être appliqués à la coloration des textiles. Au sein de Zeri, le centre de recherche que j’ai créé en 1994, nous avons recensé 100 innovations technologiques très prometteuses, qui, déployées à grande échelle, permettraient de créer 10 millions d’emplois. Il s’agit là d’un verdict rendu par des journalistes économiques à qui nous avons demandé de les analyser. Certaines sont déjà mises en œuvre, aux quatre coins du globe. Je décris ces expériences dans un livre Nature’s 100 Best (1) qui, j’espère, inspirera entrepreneurs et politiques.

En matière d’environnement, vous dites souvent préférer l’action au débat. Pouvez-vous nous donner quelques exemples des réalisations de Zeri ?

Au Zimbabwe, Zeri soutient la culture du shiitake – un champignon tropical aux vertus nutritives excellentes – à partir de déchets de caféiers. Cette activité a permis à des orphelins totalement démunis de se nourrir et de gagner leur vie. Dans un contexte économique pourri, nous avons réussi à créer une activité économique viable qui implique peu d’investissements. Nous l’avons implantée en Colombie, et nous allons maintenant la répliquer partout où il y a des caféiers et du marc de café. Pourquoi pas à Paris, en utilisant le marc produit par les bistrots ?

A Turin, nous projetons de construire un immeuble alimenté grâce à la piézoélectricité : celle-ci consiste à produire de l’énergie par un effet de pression sur des matériaux conducteurs, dit physio-électriques. Le plus connu de ces matériaux est le quartz, mais cette ressource minière n’est pas satisfaisante pour l’environnement. En fait, la solution naturelle la plus adaptée pour la production de piézoélectricité est la soie ! Nous allons produire 6 000 watts par an grâce à cette substance afin de couvrir les besoins énergétiques de cet immeuble. En cherchant un peu, j’ai trouvé une cinquantaine de références à cette propriété de la soie. Mais personne n’avait pensé à l’utiliser pour alimenter un bâtiment en énergie. Des exemples, il y en a 99 comme celui-là. L’idée de Zeri consiste à les diffuser auprès des entrepreneurs. Toutes les solutions scientifiques et techniques que nous mettons en avant sont déjà brevetées et peuvent être reprises par tout le monde.

Où se situent les obstacles qui empêchent les entreprises de se transformer ?

En dirigeant Ecover, pourtant présenté comme un modèle de vertu environnementale, je me suis rendu compte que, malgré toute ma bonne volonté, mon activité avait des effets nocifs sur l’environnement parce que les produits détergents naturels contiennent de l’huile de palme. Souvent, les entreprises ne voient pas les effets négatifs de leur activité parce qu’elles ne tiennent pas compte de l’ensemble du système de production dans lequel elles s’inscrivent. Ou bien, si elles les voient, elles préfèrent ne pas bouger tant qu’elles font des bénéfices. D’où l’émergence de cette responsabilité sociale et environnementale, qui se contente de compenser les conséquences néfastes au lieu de changer en profondeur le mode de production. Bien sûr, un dirigeant ne peut pas inventer seul de meilleures solutions. Il faut s’entourer, créer des pôles de compétitivité pour faire émerger une activité à partir des innovations les plus prometteuses.

C’est la mission que vous vous êtes assignée à travers Zeri : amener scientifiques, investisseurs, et entrepreneurs à se rencontrer ?

Je cherche à faire des connexions. Zeri est un réseau qui rassemble des gens influents, comme Ashok Khosla, président du conseil de l’Union internationale pour la conservation de la nature, ou encore Anders Wijkman, membre de l’Académie des sciences de la Suède et député européen. Zeri n’apporte pas de soutien financier aux projets, mais permet de fédérer rapidement les compétences pour lancer des activités innovantes. Nous aimerions être une sorte de pôle de compétitivité à l’échelle mondiale. Par exemple, au Brésil, Zeri soutient une ferme de production de spiruline dans l’eau résiduelle des cultures de riz. Nous obtenons un tel rendement que nous pouvons produire avec cette algue du biodiesel. Mais nous réfléchissons à d’autres applications plus prometteuses, comme la fabrication de polymères naturels pour la cosmétique. A partir d’une activité, la logique est de créer le plus de débouchés possibles.

Aujourd’hui, Zeri développe 50 projets dans le monde. Ce n’est rien. Il en faudrait des milliers. Pour sensibiliser les jeunes entrepreneurs au biomimétisme et aux approches du business écosystémique – produire le plus possible en utilisant le minimum de ressources –, je donne des conférences et des cours dans les facultés. Je montre aussi les initiatives qui marchent alors que tout le monde les pensait impossibles. A Las Gaviotas, en Colombie, par exemple, 8 000 hectares de forêt tropicale ont été restaurés grâce à une étude approfondie de l’écosystème, qui va bien au-delà d’un travail de reforestation classique.

Comment voyez-vous l’équilibre des forces, dans cette redéfinition des règles entre ONG, politiques, patrons, médias et citoyens ?

Les politiques pensent aux élections, les ONG sont merveilleuses mais marchent à l’émotion, les entreprises pensent à leurs poches et les médias à leur une. C’est un peu provocateur, mais de mon point de vue d’entrepreneur, les forces sont du côté de ceux qui remettent en cause les modèles et se montrent plus créatifs que les autres. C’est un message d’espoir pour les jeunes, pas forcément surdiplômés et qui ne disposent pas de capital pour se lancer. L’avantage, dans ce contexte de crise, c’est qu’ils peuvent tenter ce que les grandes entreprises n’oseront pas faire.

(1) Nature’s 100 Best, disponible à la fin de l’année en anglais.

Illustrations : Julien Pacaud


GUNTER PAULI EN 6 DATES

1956 : naissance à Anvers (Belgique)

1979  : devient l’assistant d’Aurelio Peccei, fondateur du Club de Rome

1981 : obtient un MBA à l’INSEAD, une école de management

1990 : entre au comité de direction d’Ecover, entreprise de produits sanitaires biologiques

1994 : crée Zero Emissions Resarch and Initiatives

2009 : parution de Nature’s 100 Best qui recense 100 technologies pour un business écologique, inspiré de la nature.

SUR LE MÊME THÈME

- Imitateur : une seconde nature
Sources de cet article

- La fondation Zero Emissions Research and Initiatives

- Nature’s 100 Best Innovations présente les 100 meilleures perspectives de green business recensées par Gunter Pauli

- The Co-Evolution Project présente quelques réalisations de Zeri (en français)

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