Indicateurs de Développement Durable |
Par Anne Musson |
3-12-2015
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La décroissance et la prospérité sans croissance |
Samedi 31 octobre 2015, sur le plateau d’ « On n’est pas couché » sur France 2, la journaliste Léa Salamé exprimait son pessimisme face à la COP 21 et les propositions formulées dans le plaidoyer « Osons » par Nicolas Hulot, invité sur le plateau. Parmi quelques échanges virevoltants, on pouvait relever celui-ci :
L’erreur est courante : lorsqu’il est question de ralentir la croissance, ou tout simplement d’une « autre croissance », on associe à ces termes –on les confond même souvent- celui de décroissance.
Simplement, la décroissance, c’est une baisse du Produit Intérieur Brut (PIB), ce qui signifie une diminution de la production de biens et services. La croissance-zéro, c’est un taux de croissance du PIB égal à zéro. Derrière les théories d’une croissance sobre (et elles sont nombreuses) s’exprime l’idée que la richesse ne se confond pas avec la croissance du PIB. La production de biens et services ne doit pas forcément diminuer pour construire un développement durable, mais la seule course à la croissance du PIB peut mener à la destruction de richesse. Un certain niveau de production est sans conteste nécessaire au bien-être d’une nation, mais de simples corrélations illustrent le fait que la croissance du PIB peut avoir un impact négatif sur la richesse, la performance environnementale, les inégalités... Les graphiques ci-dessous [1] présentent la relation entre la richesse des nations d’une part, et, d’autre part, le PIB (graph 1) et la croissance du PIB (graph 2). La « véritable » richesse des Nations est un stock de capitaux, inventorié par la Banque Mondiale , qui propose d’additionner le capital produit [2] , le capital naturel, le capital intangible -qui se compose lui-même du capital humain et du capital social- et des capitaux venant (ou sortant) de l’étranger.
Ces graphiques sont simplistes, certes, mais on remarque que le niveau de PIB a tendance à avoir un impact positif sur la richesse, alors que la croissance du PIB semble influer négativement. De même, on observe souvent deux nuages de points qui se détachent sur les graphiques : ils correspondent, grossièrement, aux pays développés et ceux en développement issu de notre échantillon composé de 61 pays.
Donc oui, L. Salamé a raison, les problématiques sont différentes selon le niveau de développement d’un pays ; mais non, la croissance du PIB n’est pas une condition suffisante à l’enrichissement des pays. Surtout, la prospérité sans croissance ne prône pas la décroissance mais bien l’augmentation des richesses, et comme l’a justement répondu N. Hulot, en orientant cette croissance vers des productions soutenables qui permettent l’amélioration du bien-être des populations.
Pour en savoir plus :
[1] Les graphiques utilisent les données de la Banque Mondiale.
[2] Le capital produit est assimilable au PIB. En ce sens, le graphique 1 est peu surprenant : si le PIB est une partie de la Richesse des Nations, il est normal que les 2 variables soient corrélées. Or, la composante la plus importante de la richesse « véritable » s’avère être le capital intangible, lui aussi positivement corrélé au niveau de PIB, et négativement au taux de croissance du PIB. La logique sous-jacente est que la croissance du PIB peut être positive pour la richesse en augmentant le capital produit, mais davantage néfaste en détruisant d’autres types de capitaux.
Docteur en économie et écologie humaine Maître de Conférences en économie |