Indicateurs de Développement Durable |
Par Anne Musson |
30-09-2013
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Economie Positive et Indicateurs de Développement DurableDe l’importance des impôts, analyse croisée Jacques Attali - Joseph Stiglitz |
Jacques Attali, économiste au visage bien connu des médias français, président du Mouvement pour une économie positive, et Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’Economie en 2001, nous offrent, en trois temps et sous couvert du thème de l’économie positive [1], des arguments intéressants concernant la construction d’indicateurs de développement durable.
Pourquoi s’intéresse-t-on constamment à une croissance du PIB, qui plus est non pas annuelle, mais trimestrielle, voir mensuelle ? Pourquoi s’obstine-t-on à fermer les yeux sur la non-soutenabilité de la croissance et sur les signaux rouges des indicateurs sociaux et environnementaux ? Ce phénomène est habilement nommé par nos deux économistes comme « la tyrannie du court-terme ». Nos sociétés sont ainsi prosternées : le système financier est soumis à des agents réclamant une (importante) rentabilité de tous les instants, les chefs d’entreprises sont soumis à leurs financiers (et non à leurs gestionnaires…), les responsables politiques sont soumis aux échéances électorales (et, pire encore, aux sondages !), et même le citoyen est devenu l’enfant qui veut tout tout–de-suite.
Ce qu’il faut ici, c’est donc changer la gouvernance, en particulier la gouvernance des entreprises. Mais avant tout, le problème est politique…n’est-il pas du devoir des décideurs politiques de mesurer la catastrophe annoncée par des décisions privilégiant sans cesse le court-terme ?
Encore une fois, ce phénomène est soutenu par la toute-puissance du PIB. Un indicateur de progrès doit largement prendre en compte les perspectives qu’offre la croissance actuelle.
Constat mille fois exposé, démontré, approuvé : on ne peut plus mesurer l’économie en termes de PIB. Une illustration si simple est rappelée par Joseph Stiglitz : avant 2007, la croissance du PIB se portait parfaitement bien aux États-Unis… Rien n’annonçait le cataclysme à venir… Le PIB apparait donc comme
une fausse base de comparaison et une mauvaise mesure de performance.
Un groupe de travail dirigé par Jacques Attali propose ainsi d’ajouter une cinquantaine de variables au PIB afin de mesurer l’importance du long-terme dans la construction de l’économie. On peut relever des facteurs tels que la confiance en l’avenir et les uns dans les autres, variables dont l’importance est d’ailleurs aussi prépondérante que reconnue par les agents financiers.
Le groupe de réflexion présidé par Jacques Attali fait de la Suède son champion de l’économie positive. Pas étonnant selon Joseph Stiglitz, qui explique cette réussite... par le poids des impôts. Non pas qu’une plus forte ponction soit synonyme d’une croissance qui reprend, et, qui plus est, de manière durable. Ce n’est pas ça. En revanche, le progrès sociétal dépend de gros investissements en technologies, en éducation, en santé, en infrastructures ; et ce sont bien là des investissements publics, financés par l’État.
Le message clé de cette interview semble là : ce qu’il faut mesurer, c’est comment l’argent public est utilisé. Regardons le montant des impôts prélevés, mais interrogeons-nous sur leur finalité : l’argent collecté est-il utilement dépensé ? Est-ce que l’utilisation des impôts améliore les perspectives de la société ?
Ainsi, augmenter les frais d’inscription dans les universités pour renflouer les caisses des banques (ou augmenter les dépenses militaires) semble non seulement ne pas relever de l’économie positive, mais promettre aux crises un bel avenir.
La crise n’est pas derrière nous, assurent d’un ton presque rassurant les deux économistes. La reprise, ce n’est pas 0,3 point de croissance, ni même 2, 5 ou 10 lorsque le chômage des jeunes frôle les 50% ou que les inégalités, inlassablement, se creusent.
[1] émission à réécouter :http://www.franceinter.fr/emission-...
Docteur en économie et écologie humaine Maître de Conférences en économie |
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