Machines à voter : le compte à rebourdes

Le président Bush a signé en octobre 2003 le Help America Vote Act : 3,9 milliards de dollars alloués aux Etats fédéraux, afin que soit intégralement révisé le système de vote électronique. Aujourd’hui, les machines fonctionnent selon le principe de la reconnaissance tactile. Plus fiable ? A voir. Des résultats d’élections pour le poste de gouverneur ont surpris par leur décalage avec les sondages. En Géorgie, le candidat républicain l’emporta sur son rival démocrate, pourtant crédité de onze points d’avance dans les sondages.

Recomptage impossible

Andrew Gumbel, correspondant du quotidien britannique The Independent, a suivi un groupe de citoyens qui avaient constaté la disparition, à Atlanta, de 67 cartes-mémoire. Dans un comté environnant, dix cartes n’avaient pas été comptabilisées. "Quand ces mêmes citoyens cherchèrent à mettre la main sur le décompte des voix, ils s’aperçurent qu’il n’y avait pas eu d’impression papier des résultats : le système n’avait pas fonctionné, le recomptage était impossible. Pis : la législation impose que les sociétés privées, qui produisent et vendent les machines, se chargent du décompte, en dehors de tout contrôle des instances électorales".

La voix des mécènes

Les citoyens demandèrent alors à vérifier le certificat de garantie du bon fonctionnement des machines que les compagnies ont pour obligation d’envoyer aux bureaux centraux des élections... Le responsable de Géorgie ne trouva nulle trace d’une telle copie. Ces compagnies privées sont au nombre de trois : Sequioia, Election System Software et Diebolt Inc. Le président de cette dernière, Walden O’Dell, est un fervent républicain. Or ce généreux fundraiser (donateur) du camp Bush a obtenu le contrat de fourniture de 40000 machines auprès de 37 Etats, dont un contrat d’exclusivité avec l’Ohio. O’Dell a même promis qu’il "se dédierait à ce que cet Etat délivre un score victorieux au président Bush".

Marge d’erreur

Question fiabilité, la marge d’erreur admise pour ces machines oscille encore entre 3 et 5%... Des chercheurs et universitaires de Harvard, de Baltimore ou du Maryland ont pu constater plus de 300 erreurs de logiciel et des défauts de manipulation irrecevables. Le journaliste Andrew Gumbel raconte : "Des électeurs de Dallas, touchant l’écran pour valider un vote en faveur du parti démocrate, voyaient systématiquement apparaître le nom du candidat républicain !" Diebolt décida alors, dans l’urgence des plaintes, d’éteindre dix-huit machines...

Pour finir, la possibilité pour les entreprises, ou pour des "crackers informatiques" mal intentionnés, de manipuler les votes, de choisir à la place d’un électeur ou de lui permettre de voter plusieurs fois, semble réelle. Les démocrates ont déposé au Sénat un projet de loi concernant la traçabilité sur papier des votes et du décompte des voix. Etonnement, ce projet semble être resté lettre morte en cette période électorale. Personne ne sait si le Sénat l’examinera avant le scrutin de novembre prochain.

Loïck Coriou et David Unger