L’inquiétude des publicitaires
...Mais ceux-là peinent à masquer l’inquiétude de nombreux publicitaires, qui suivent de très près les humeurs des barbouilleurs. Car les raids menés par ces derniers les ont touchés au cœur : le portefeuille. L’entreprise JC Decaux aurait vu ses frais de nettoyage et d’entretien, non communiqués, partir à la hausse. Métrobus, la filiale du groupe Publicis chargée de la commercialisation des espaces publicitaires de la RATP, estime les préjudices subis dans le métro à près d’un million d’euros. Info ou intox ? L’avocat de la société affirme que certains annonceurs hésiteraient à s’afficher dans le métro. La RATP s’avoue dépassée par l’ampleur du problème posé : "Le sujet que les anti-pub abordent est global : la place de la publicité dans la société. Or, ça nous tombe dessus, alors que nous sommes une entreprise citoyenne, que nous investissons dans du matériel de transport non polluant." Pour calmer le jeu et mener sa petite action de communication, la régie a mis, pendant une semaine, 47 panneaux vierges à disposition du public.
La cible des annonceurs se rebelle
Surtout, ce qui chagrine les professionnels, c’est que ce mouvement s’attaque à l’existence même de la publicité. "Quantitativement, ce n’est pas une affaire dramatique, il n’y pas de préjudice financier considérable. Mais qualitativement, il faut être attentif à l’existence ou non d’un sentiment de rejet de la publicité dans la population", s’inquiète Stéphane Dottelonde. En clair, la crainte est de voir le public - la cible des annonceurs - se rebeller contre une publicité conçue pour le charmer.Contre-offensive
D’abord prise de cours, la publicité prépare donc aujourd’hui sa contre-offensive. Tout juste élu à la tête de l’Association des agences conseils en communication (AACC), Hervé Brossard sonne la charge : "De la pollution à l’obésité, la publicité est accusée de tout, tous les jours et sans retenue, ce qui provoque des dégâts considérables dans nos professions. (...) L’urgence aujourd’hui, c’est la légitimité du métier que nous exerçons, sa respectabilité et sa fonction économique", lâche-t-il dans Le Figaro (11 mars 2004). Marc Drillech exhorte pour sa part les publicitaires à assumer leur rôle, "leur fonction économique" : "Aujourd’hui, la société de consommation est notre société, qu’on le veuille ou non. Cette contestation n’a aucun contre-modèle à proposer. Nous devons dire qu’une publicité réussie, ce sont des emplois préservés, poursuit-il. Je veux bien qu’on arrête de faire de la pub pour les bagnoles, mais alors il faudra en assumer les conséquences en termes d’emplois".
Autocensure ?
Les publicitaires tentent également de prendre une partie des critiques des anti-pub à leur compte, et revendiquent la déontologie de leur profession. "Des visuels qui seraient passés il y a vingt ans sont impensables aujourd’hui", souligne le vice-président du Bureau de vérification de la publicité (BVP), l’organe d’autodiscipline de la profession, dont les anti-pub ont fait une cible. "Nous nous autocensurons en permanence et nous sommes soumis à la censure du BVP", rappelle Marc Drillech.Les anti-pub ont semé le doute
Pour certains professionnels, cette volonté de justification signe une première victoire des barbouilleurs. "Quand un message est récupéré, c’est le signe qu’il a de la force, car la pub ne mise pas sur un cheval perdant", observe Christian Roche, de Publicis Cachemire. "Les anti-pub ont une fonction sociale intéressante en jouant la mouche du coche, souligne Sauveur Fernandez, le fondateur de l’Econovateur, une agence de “communication responsable”. Contrairement à ce qu’affirment les publicitaires, le combat des anti-pub n’est pas vain. Ils sont en train de convaincre la société qu’il y a un problème avec la publicité et ses excès. Ils ont semé le doute."...retour au début de l’article
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