Après l’enthousiasme de la nuit de vendredi à samedi où nombre de congressistes ont eu le sentiment de vivre un moment tout à fait historique, la faiblesse et la tiédeur des réactions françaises surprend. Certes, personne ne pense un instant que tout a été résolu à Cancún et que désormais les sociétés humaines sont en ordre de bataille pour réduire à moins de 2°C la hausse de la température à la fin du siècle. Mais, encore convient-il de savoir ce qui était posé sur la table de Cancún.
La question de la prise d’engagements contraignants n’était pas posée et par voie de conséquence, aucune décision de cette nature n’avait à être prise. De la même manière, il est tout à fait vrai que le fonds vert qui devrait s’élever à 100 milliards de dollars en 2020 et les fonds d’urgence pour 2010/2012 ne font toujours pas l’objet d’un financement précis. Mais là encore, les décisions à prendre par les pays donateurs sur la manière sur la manière dont chacun d’entre eux alimentera le fonds n’étaient pas à l’ordre du jour de Cancún. Par voie de conséquence, toutes les bonnes âmes qui s’émeuvent sur le fait que ces questions n’aient pas été résolues font un faux procès au processus de Cancún.
Ce qui était en jeu est triple :
premièrement, le négato-scepticisme avait-il ou non gagné au point de remettre en cause les politiques de lutte contre le changement climatique ?
deuxièmement, le processus onusien pouvait-il être poursuivi ou devait-il être définitivement enterré ?
en troisième lieu, s’il ne l’était pas, pouvait-on espérer aller au-delà des engagements non concrétisés de Copenhague ?
Or, sur ces trois points une réponse positive a été apportée. Oui, les deux accords signés à Cancún établissent très clairement la référence aux données du GIEC, la validité des objectifs fixés, la nécessité de faire mieux que 2° C et l’impossibilité en l’état actuel des engagements de parvenir même à limiter à 2° C la hausse de la température. Les deux accords de Cancún sont entrés dans le processus onusien, ce qui signifie que des engagements pris à Copenhague ont désormais une valeur sur le plan de la convention du Climat. Si rien n’a été décidé pour la relance d’un Kyoto 2, auquel il faut bien reconnaître que seule l’Europe souscrit aujourd’hui, la porte n’est cependant pas définitivement fermée et le sujet a donc été renvoyé à Durban.
Surtout, des avancées très importantes ont été faites à Cancún sur différents sujets qui ouvrent la voie à un accord beaucoup plus ambitieux à Durban : accord sur les modalités de comptabilité et de vérification, accord sur le fonds vert – ou tout au moins son administration- accord sur les transferts de technologies, et sur les questions de formation. De manière plus précise encore, l’accord sur la forêt et l’accord sur l’utilisation des sols et de la foresterie permettent également de progresser sur des sujets majeurs de lutte contre le changement climatique et en particulier la déforestation et une utilisation contreproductive des terres.
La conférence de Cancún - dont il était de bon ton de dire qu’il n’y avait rien à attendre au motif que les chefs d’Etat et chefs de gouvernements n’étaient pas là - a débouché sur une dynamique historique, même si les accords ne le sont pas réellement. Sans doute, dans ce domaine plus que dans tout autre, rien n’est jamais acquis. Il n’en demeure pas moins qu’avec Cancún, l’Humanité renoue avec la possibilité de mettre en place une gouvernance mondiale capable de s’attaquer aux plus grands défis auxquels l’Humanité est confrontée ; elle renoue avec la capacité du multilatéralisme à porter ses fruits et, surtout, elle est porteuse d’un nouveau dynamise économique en faveur d’un développement compatible avec les enjeux climatiques reconnus par tous.
A cet égard, ceux qui pouvaient encore douter de l’intérêt que peut présenter la conversion économique en direction d’un modèle soutenable, c’est-à-dire compatible avec les ressources qui sont les nôtres et l’enjeu climatique, devraient abandonner toute hésitation. En particulier, la volonté de la Chine, mais également celle de la Corée dont chacun a à l’esprit la réussite industrielle, d’investir massivement dans les technologies vertes, devrait être un signal d’alarme puissant à l’égard de tous ceux qui, se réfugiant derrière le risque de concurrence avec ces pays, refusent précisément de mettre en place les outils qui seraient nécessaires pour assurer la reconversion industrielle et la promotion des nouvelles technologies.
Nul ne peut douter aujourd’hui qu’un tel comportement serait économiquement, socialement et écologiquement suicidaire.
RSS 2.0
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions