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29-04-2010
Mots clés
Alimentation
Agriculture
Pollution

Pesticides et santé : le rapport qui dérange

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Pesticides et santé : le rapport qui dérange
 
Stupeur ou amertume du côté des associations environnementales. Présenté mercredi au Parlement mais pas encore rendu public, un rapport sur les effets sur la santé des produits phytosanitaires met en garde contre une diminution "trop brutale" des pesticides.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Rédigé sous la houlette de Claude Gatignol, député UMP et vétérinaire, et de Jean-Claude Étienne, sénateur lui aussi UMP et professeur de médecine, le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) lance plusieurs pavés dans la mare.

S’il concède que les résidus de pesticides « sont présents dans tous les compartiments de l’environnement », il rappelle qu’« aucune étude scientifique n’est en mesure aujourd’hui de faire chez l’homme un lien entre la consommation d’aliments issus de l’agriculture conventionnelle qui utilise des produits phytopharmaceutiques et la survenue de maladies ». Et avec une réduction de 50% de l’usage des pesticides, comme le prévoit le Grenelle de l’environnement, il craint que l’accès aux produits par le « plus grand nombre » et « la sécurité de revenus stables » ne soient plus garantis pour les agriculteurs. Car qui dit réduction dit « probable diminution des rendements », hausse des prix, « possible disparition de nombreuses productions » et « phénomènes de résistance des ravageurs » souligne l’OPECST.

Ces quelques morceaux sont bien sûr choisis, dans un rapport qui conseille aussi de « renforcer l’information, la formation et la qualification des professionnels », « vulgariser les techniques qui permettent d’économiser les intrants » ou d’« informer les utilisateurs non professionnels des risques liés à l’exposition aux pesticides et des dangers de pollution de l’environnement ». Il n’empêche : l’accueil chez les défenseurs d’une réduction des pesticides oscille entre prudence, résignation et colère.

- François Veillerette, président du Mouvement pour le droit et le respect des générations futures

« Sur la dangerosité des pesticides, le rapport reconnaît quand même qu’il y a des risques chez les agriculteurs pour certains cancers, mais il insiste bien sur le fait qu’ils sont globalement en meilleure santé. Pour le reste de la population, ils disent que l’on ne sait pas, que l’on n’a pas de certitudes absolues sur des relations de cause à effet. Ce rapport n’est pas imprégné du principe de précaution : même si on n’a pas de certitude absolue, on doit quand même prendre des mesures. Or, et c’est grave, on remet en cause l’objectif de réduction de 50% de pesticides inscrit dans le Grenelle de l’environnement. Plus grave encore, ils veulent simplifier la réglementation. Cela veut dire par exemple étendre l’homologation d’un produit X pour un légume-feuille [1] donné à l’ensemble des légumes-feuilles.

Claude Gatignol continue ici le travail de lobbying qu’il menait en 2008 avec le collectif “Sauvons les fruits et légumes” pour contrer le projet de l’UE de retirer certaines des substances actives les plus dangereuses. Je pense qu’il avait une opinion tout à fait formée avant le travail, il n’est pas neutre et cela a rejailli sur le rapport. Effectivement on nous a entendu avec nos petits camarades du WWF, mais ce n’est pas intégré dans la conclusion du rapport. C’est juste là comme un verbatim. Et lorsqu’on dit que les ONG n’ont pas un fondement scientifique, cela me fait hurler. Je peux vous assurer que l’on a envoyé des centaines d’études aux rapporteurs. Notre travail est basé sur ce qui sort dans la littérature scientifique et pas sur des commentaires comme ceux de Luc Multignier, qui a écrit des pages et des pages pour dire qu’il y a tant d’incertitude que finalement on ne peut rien savoir. Sur l’agriculture biologique, ce que les rapporteurs disent est purement et simplement mensonger : comme elle n’utilise pas de pesticides de synthèse, elle ne serait pas en mesure de supprimer les mycotoxines [2]. Ce qu’ils ont oublié de dire, c’est l’agriculture conventionnelle en a au moins le même niveau que le bio. Plusieurs études européennes le montrent. »

- Jean-Claude Bévillard, responsable des questions d’agriculture à France Nature Environnement

« Ce n’est pas une remise en cause, mais un peu quand même, de la possibilité de réduire l’utilisation des pesticides. La conclusion que moins de pesticides réduirait les récoltes ne correspond pas à la dernière étude de l’INRA, qui dit qu’on peut arriver à -30% en améliorant les pratiques tout en gardant les systèmes actuels. C’est sûr que dans un deuxième temps il faudra faire évoluer le système pour atteindre –50% : introduire des rotations nouvelles, utiliser la biodiversité comme auxiliaire de culture etc. Il y a comme cela un certain nombre de passages qui provoquent des réactions un peu virulentes et qui pour nous ne sont pas acceptables. Mais d’autres semblent conforter le plan Ecophyto 2018 : la formation des agriculteurs et des vendeurs, la nécessité de faire encore des recherches pour de nouvelles substances, celle de manier les pesticides avec beaucoup de précaution. Là-dessus, on ne peut être que d’accord.

Comme pour la dernière étude de l’Ademe sur les agrocarburants, les gens vont chercher ce qui les intéresse et qui conforte leur propre analyse. On peut trouver des arguments pour justifier toutes les positions. On n’a pas encore analysé le rapport de manière assez exhaustive pour se faire un avis définitif. Cela peut sembler être une réponse de Normand, mais le problème actuellement c’est que l’on a des avis tranchés de part et d’autre et que l’on ne prend pas le temps d’aller au fond des choses. Après qu’ils sous-entendent que les associations n’ont pas un argumentaire scientifique, c’est bien gentil, mais c’est un peu dérisoire. On utilise simplement les analyses scientifiques, il n’y a pas de théorie associative, ce sont des constats. On sent bien que derrière les lobbys sont à la manœuvre et que les producteurs de pesticides, un certain nombre de distributeurs et de milieux agricoles se cramponnent au système actuel. Mais il faudra quand même réviser la manière de faire. »

- Fabrice Nicolino, journaliste et co-auteur avec François Veillerette de Pesticides, révélation sur un scandale français

« Il n’y a aucune surprise. Je ne veux pas jouer les devins mais j’ai dit et écrit depuis les débuts du Grenelle de l’environnement que tout ceci n’était que du flan. Il faut revenir à la question de fond : comment est organisée l’agriculture en France ? C’est une alliance historique passée entre la profession agricole, principalement la FNSEA, et le ministère de l’agriculture et ses pseudopodes. Le dossier est co-géré depuis 60 ans par les mêmes qui se tiennent par la barbichette et qui sont d’accord sur l’essentiel. Il était donc hors de question que ce duopole accepte réellement de s’attaquer à ce qui est le fondement de l’agriculture industrielle, c’est à dire l’usage massif de pesticides de synthèses. Après il y a une question plus conjoncturelle, qui renforce cela : le gouvernement est dans une très mauvaise passe auprès de l’opinion et Nicolas Sarkozy s’est rendu compte qu’un certain nombre de catégories qui lui étaient acquises en 2007, notamment les agriculteurs, manquaient à l’appel aux régionales.

Il y a un consensus absurde qui résiste au temps, aux faits et aux attaques. Vous pensez vraiment qu’un rapport de l’Office parlementaire est neutre politiquement ? Grosso modo, il reflète l’opinion majoritaire pratiquement unanime, chez les parlementaires, qui est que les pesticides, malgré leurs inconvénients sont un élément de progrès technique et industriel. Il ne s’agit pas de construire un avis à partir d’éléments objectifs, il s’agit de démontrer un point de vue préalable. L’OPECST, qui s’est constitué pour évaluer des risques technologiques, ce sont des gens qui mènent des auditions et qui ont la légitimité qu’on leur prête. Ces gens se trouvent dans un bain culturel et il n’y a pas une chance sur un million pour qu’un travail de cette nature conduise à des conclusions qui seraient néfastes pour l’industrie des pesticides. »

[1] une catégorie qui comprend les salades, choux, blettes, épinards etc.

[2] des toxines produites par des champignons microscopiques et qui peuvent se révéler dangereuse pour l’alimentation humaine, exigeant le retrait des aliments contaminés du marché

Sources de cet article

- Photo : Howard F. Schwartz

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Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

8 commentaires
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  • Comme bien décrit, si on attend des décisions des pouvoirs publics pour préserver notre santé, on est mal barré. A nous d’apprendre comment bien choisir les produits, à manger bio, etc.
    Et effectivement, les premières victimes sont les agriculteurs eux-mêmes, avec des taux de cancers bien supérieurs à la moyenne nationale.

    4.05 à 00h17 - Répondre - Alerter
  • la vaine : Edifiant !!!

    Sur ce sujet, allez voir le documentaire de Colline Serrault : "Solutions locales pour désordre globales"
    Vous y comprendrez bien des choses

    3.05 à 09h21 - Répondre - Alerter
  • Poser cette question nécessite forcément de changer de paradigme. Or, dire qu’il suffit de modifier à la marge nos pratiques agricoles, comme nos modes de vie et de développement pour obtenir une soutenabilité correcte de nos activités humaines est une pure contre vérité. Notre défi nouveau est d’exercer les fonctions de la vie à consommation d’énergie minimum.

    Or qu’a fait l’agriculture industrielle sinon détruire la richesse des sols, en sus de déverser dans l’environnement et les humains des substances nocives.

    Les recherches de l’université de Savoie, de Jacky Dupety, de Benoît Noël au CTA de strée près de Liège montrent que l’on peut faire de l’agriculture performante en rendement en diminuant considérablement l’eau et les intrans. Par exemple, la technique du Bois Raméal Fragmenté est d’une efficacité redoutable.

    Ensuite, il faut se poser la question du rendement. Est-ce que cela a du sens de réduire les surfaces cultivées et d’épuiser celles qui restent ? Quel est l’inconvénient d’augmenter les surfaces même si les rendements par mètre carré baissent un peu ? Mettre cette question à l’ordre du jour en terme d’aménagement du territoire est essentiel. L’office parlementaire évacue cela un peu vite.

    Il faut penser l’agriculture globalement et changer le regard que l’on a sur elle.

    30.04 à 15h15 - Répondre - Alerter
  • à Toulouse, se construit le plus grand Cancéropole, futuriste, design et impressionnant Paradis, qui vaut des millions et des millions, mais qui pourra accueillir des milliers de gens (Même les agriculteurs pourront y accéder, ainsi que les membres du gouvernement, car l’argent ne préserve de rien, vous savez)...
    Allez, courage, il faut bien remplir toutes ces petites cases...
    Nous le savons tous, quand le mensonge règne, ...il emmène à la tombe, mais... silence, l’Etat a tout prévu !
    Claudie Michaud, un être en sursis !

    30.04 à 15h04 - Répondre - Alerter
  • kokopellia : hem !

    va-t-on finir par nous dire que les pesticides sont bons pour la santé ?
    Et puis peut être aussi les engrais chimiques, les OGM, les radiations, parce que si on arrête tout ça d’un coup, nos pauvres corps ne le supporteront pas......

    30.04 à 14h07 - Répondre - Alerter
  • Comme pour les OGM, dangereux ou pas pour la santé, on ne sait pas mais on s’en fiche un peu. Car ces produits sont dangereux pour la société et la démocratie et çà c’est avéré. Ils confère beaucoup trop de pouvoirs (le pouvoir sur l’alimentation, donc sur la vie) à des multinationales. Donc s’en passer, même si cela n’est pas évident que ce soit meilleur sur la santé, sera meilleur pour la société.

    30.04 à 11h26 - Répondre - Alerter
  • chrysprolls : Santé tout court !

    "S’il concède que les résidus de pesticides "sont présents dans tous les compartiments de l’environnement", il rappelle qu’« aucune étude scientifique n’est en mesure aujourd’hui de faire chez l’homme un lien entre la consommation d’aliments issus de l’agriculture conventionnelle qui utilise des produits phytopharmaceutiques et la survenue de maladies »."

    Je pense qu’il n’y a pas besoin de faire des études scientifiques pour se rendre compte du désastre que les pesticides font sur le monde végétal, animal et humain : MONSANTO nous l’a déjà prouvé !!
    http://www.youtube.com/watch?v=s4Ko...
    http://www.dailymotion.com/video/x2...

    "Et avec une réduction de 50% de l’usage des pesticides, comme le prévoit le Grenelle de l’environnement, ..."

    Et pourquoi pas la suppression totale des pesticides et engrais chimiques ??? Il faut des solutions radicales si on veut que cela fasse avancer le dossier ! C’est mauvais donc c’est interdit, c’est tout... Tant pi pour ceux qui ont basé leur business la dessus, à vendre de la "merde", ils reçoivent le revers de la médaille ! C’est comme dans la vie il faut privilégier la quantité et non la qualité. =)

    30.04 à 11h15 - Répondre - Alerter
  • Frédéric MOTHE : qui paye nos élus

    mais qui paye ces chers sénateurs Claude Gatignol, député UMP et vétérinaire, et de Jean-Claude Étienne, sénateur lui aussi UMP et professeur de médecine : Monsanto, Bayer ou un autre ?
    Il est évident que les enjeux financiers sont tels que les populations méritent bien d’être empoisonnées pour que quelques intérêts privés soient conservés.
    Il est également évident que l’impasse dans laquelle s’est engouffrée l’agriculture coïncée entre le marteau (les fournisseurs de produits phytosanitaires et la grande distribution) et l’enclume (les banques) s’affiche dans tous les énormes tracteurs défilant dans la capitale.
    Il est donc facile aujourd’hui d’annoncer qu’il n’y a pas d’étude scientifique prouvant l’inocuité du cocktail de produits chimiques que nous avalons 3 fois par jour élaboré par (comme par hasard) les fabricants de produits phytosanitaires les fabricants d’additifs alimentaires dans un environnement empli de composés chimiques provenant de tous les matériaux de tout ce qui nous entoure...

    Claude Etienne, professeur en médecine accepte certainement l’idée qu’une infinitésimale dose de la molécule médicamenteuse est efficace sur l’organisme humain : en revanche il utilise son titre de professeur en médecine pour faire comprendre qu’un mélange extrèmement complexe de n molélules est peut être sans effet sur l’organisme humain. Je pense qu’il pourrait dans un premier temps expliquer pourquoi les médecins font régulièrement attention de ne pas prescrire des médicaments dont les effets additionnés risqueraient d’être dangereux : le principe de précaution ne serait-il valable que pour certaines molécules ?
    Claude Etienne pourrait demander le financement de recherches publiques sur le sujet plutôt que de faire un lobby non affiché et ridicule !

    30.04 à 09h58 - Répondre - Alerter
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