Le salon de l’éthique-à-porter

Organiser un défilé de mode éthique en 2004, c’était une bataille. « Pour réunir le budget, trouver un lieu, mais surtout lutter contre les préjugés : beaucoup réduisaient ce secteur aux ponchos et bonnets péruviens… », raconte Isabelle Quéhé, la fondatrice de l’Ethical Fashion Show (EFS). En quête d’une image de standing, elle choisit de poser sa première édition dans le quartier parisien de la place des Vosges. L’EFS n’est pas une simple succession de défilés. C’est tout d’abord un questionnaire serré afin d’évaluer la réalité de la démarche du créateur : respect de l’homme, de l’environnement, matières naturelles, pesticides, production locale…

Le show soufflera ses six bougies, du 1er au 4 octobre, au Tapis rouge à Paris (1) avec une centaine de designers – dont deux tiers venus d’Europe et un tiers d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. « Ces créateurs ont besoin de circuits de distribution pour démontrer que la “ mode pour le développement ” est une occasion unique de fonder une nouvelle économie, de développer des matières écologiques, de favoriser une transmission des savoir-faire », conclut-elle. 

AUX AVANT-POSTES DES PODIUMS

La douceur indienne

Samant Chauhan est né au Bhagalpur, ville de l’Etat indien du Bihar, réputée pour ses ateliers de soie. Il ne crée qu’autour de cette matière première, tissée manuellement, valorisant un savoir-faire local unique (photo ci-dessus).

La démesure anglaise

Victorieuse du prix Ethical Fashion Show 2008, Ada Zanditon a lancé son propre label à 25 ans.

Le sérieux autrichien

Chez Göttin des Glücks, on ne rigole pas avec les cycles de vie. Sur le site, la transparence est totale concernant l’origine des produits, leurs lieux de fabrication et de distribution : un vêtement de leur collection naît dans des champs de coton indiens, est cousu dans des ateliers de l’île Maurice, puis ensuite rejoint le siège viennois pour être redirigé vers les boutiques. Côté CO2, ce n’est pas génial, mais la matière bio et la production équitable semblent être à ce prix.

La hargne associative

Dans la banlieue de New Delhi, l’association Satya Jyoti recueille des jeunes filles en souffrance et les forme à la couture. Installée dans une ferme biologique, elle s’occupe aussi d’alphabétisation. Une vente aux enchères sera organisée durant l’EFS 2009 en faveur de ce projet (photo ci-contre).

La classe en fauteuil

A & K Classics se la joue assis ou debout. Le styliste Chris Ambraisse a développé une collection qui peut être portée par des personnes valides, mais aussi par des handicapés. Jouant des contraintes du fauteuil, les vêtements sont d’une inventivité à tout crin. Beaucoup de fermetures, de scratch, de pressions, voire d’aimants pour que les créations s’enlèvent et s’adaptent facilement.

Le style français

Qu’est-ce qu’une maison de prêt-à-porter fondée en 1967 vient faire dans la mode éthique ? « Se remettre en cause, bousculer ses traditions », répond tranquillement Frank Zins, l’un de ses patrons. Tout est né d’une rencontre avec Ba Faro, marque éthique créée par la styliste d’origine malienne Gundo Magassa. De leur union, sont nés les modèles dits BpZ confectionnés à 100 % en coton biologique, dotés de boutons sans métaux lourds, fabriqués au Mali par des tisserands traditionnels et transportés prioritairement en train et en bateau. Last but not least, les poches des vestes et des pantalons sont doublées d’un tissu anti-ondes afin de protéger le corps des émissions du téléphone portable.

(1) Tapis rouge, 67 rue du Faubourg Saint-Martin, 75010 Paris. Du 1er au 3 octobre pour les professionnels et le 4 octobre pour le grand public.

Photos : Raghubir Singh /Joel Cadiou