(A Los Angeles)
La planète bleue, Sylvia Earle, l’a explorée de fond en comble. Cette océanographe américaine, 74 ans, a remporté l’an dernier le prestigieux TED Prize, qui récompense les esprits novateurs. Son combat : la protection des océans. Les fonds marins ressemblent aujourd’hui à un champ de ruines : la moitié des récifs coralliens sont décimés et 90 % des gros poissons ont disparu, conséquence de la surpêche. « Pendant des années, on pensait que la mer était une masse passive et résiliente, et qu’il était impossible de l’abîmer, explique Sylvia Earle. Aujourd’hui, on sait que ses ressources sont limitées et que notre survie en dépend. Il y a eu plus de modifications dans l’océan au cours des cinquante dernières années que depuis le début de l’humanité. »
L’océanographe milite donc pour des « zones marines protégées » à l’abri du braconnage, de la pêche commerciale et de l’exploitation des ressources naturelles. L’océan est en outre un acteur incontournable de la lutte contre le changement climatique : il absorbe entre 20 % et 30 % des émissions mondiales de CO2. « La nature peut parfaitement survivre sans nous, elle l’a fait pendant des millions d’années, mais nous ne pouvons survivre sans elle », prévient-elle. Nommée « héros pour la planète » par Time Magazine en 1998, ce petit bout de femme a commencé à faire parler d’elle en 1970. Interdite de participer à un projet scientifique d’habitat sous-marin parce qu’elle est une femme, elle prend les rênes d’un projet parallèle – Tektite 2 – emmenant une équipe de chercheuses au large des îles Vierges américaines. Les cinq « aquanautes » passent deux semaines dans un espace « de la taille d’une cuisine », à une quinzaine de mètres sous l’eau.
L’oreille des présidents
Depuis, Sylvia Earle a passé 7 000 heures avec des bouteilles de plongée sur le dos. « Etre sous l’eau est un plaisir immense, explique-t-elle, on s’attache aux animaux, on leur découvre une personnalité singulière. » 1979 est une autre année phare dans la carrière de cette experte en écologie marine. Elle établit un record en plongeant à 400 mètres grâce à un scaphandre rigide non relié à la surface, le « JIM suit ». De cette expérience est née l’idée de construire des sous-marins d’exploration. « Nous foulons le sol des planètes alors que nous ne connaissons pas nos propres océans ! », s’exclame la scientifique, qui fonde Deep Ocean Engineering au début des années 1990. « Avec ces sous-marins, je voulais rendre accessible la découverte des océans au plus grand nombre. »Et elle a l’oreille des présidents. Les derniers jours de son mandat, le président américain George W. Bush promulguait trois vastes zones de l’océan Pacifique « Marine National Monuments », dont la fosse des Mariannes et la partie nord-ouest de l’archipel d’Hawaii. Reste que moins de 1 % de l’ensemble des océans est classé espace protégé, contre 12 % des terres émergées. Sylvia Earle s’est donnée jusqu’à avril – date d’une prochaine conférence sur les océans aux îles Galapagos – pour convaincre une centaine de chefs d’Etat d’implanter chez eux ces zones de protection maritimes. —
Photo : Asa Mathat - AFP
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions