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25-03-2010
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Chronique

Du statut de réfugié environnemental

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Du statut de réfugié environnemental
 
Après les tremblements de terre en Haïti et au Chili, il faut impérativement sortir la question des ‘réfugiés environnementaux’ du débat sur le changement climatique.
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- Par François Gemenne, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), et il enseigne également la géopolitique du changement climatique et la gouvernance internationale des migrations à Sciences Po Paris.

On aurait volontiers tendance à voir, ces temps-ci, l’impact du changement climatique dans la plupart des catastrophes naturelles. Il est établi que l’un des effets du changement climatique sera l’augmentation du nombre et de l’intensité de celles-ci. Pour autant, il reste impossible, à l’heure actuelle, d’attribuer avec certitude au réchauffement global la cause d’une catastrophe en particulier. Il existe néanmoins des catastrophes dont l’origine – en tout cas dans l’état actuel de la science – ne saurait être imputable au changement climatique : c’est le cas, notamment, des tremblements de terre, comme ceux qui ont ravagé récemment le Chili et Haïti.

En sus des victimes et des dégâts matériels qu’ils ont causés, les deux tremblements de terre auront provoqué le déplacement d’un peu plus de trois millions de personnes (deux millions au Chili, un million en Haïti). Ce chiffre est considérable : à titre de comparaison, le nombre total de réfugiés politiques dans le monde est estimé à un peu plus de 16 millions, celui des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays à cause de guerres ou de troubles politiques à 25 millions environ.

Le débat sur les ‘réfugiés environnementaux’, pourtant, se réduit souvent aux déplacements de population provoqués par les impacts du changement climatique. Et, logiquement, les solutions préconisées pour protéger et encadrer ces migrants trouvent leur place dans le cadre des négociations internationales sur le climat. Il est indéniable que le changement climatique induira, et induit déjà, de nombreux flux migratoires. De même qu’il est indéniable que l’intérêt accru pour cette question, dans les sphères médiatiques et politiques, tient beaucoup à la réalisation de l’impact humain du réchauffement global. Pour autant, la question des ‘réfugiés environnementaux’ ne saurait être réduite, comme c’est souvent le cas actuellement, à une conséquence humanitaire du seul changement climatique.

Les dégradations de l’environnement qui provoquent aujourd’hui les déplacements de populations les plus importants restent les catastrophes naturelles – et pour ceux qui sont déplacés, peu importe que la catastrophe trouve ou non son origine dans les effets du réchauffement global. Il est donc essentiel que les discussions sur les mécanismes d’assistance, de protection et d’encadrement de ces déplacements entrent de plain pied dans le débat sur la gouvernance mondiale des migrations, et sortent du cadre étroit du changement climatique dans lequel elles sont généralement confinées. Toute solution qui serait fondée sur une distinction entre les ‘réfugiés climatiques’ et les autres serait impraticable sur le terrain, créerait une artificielle discrimination, et passerait à côté d’une dimension essentielle de la question. C’est également cela que les catastrophes chilienne et haïtienne nous ont douloureusement rappelé.

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François Gemenne est directeur du projet « Politiques de la terre à l’épreuve de l’anthropocène » au Médialab de Sciences Po, et chercheur en science politique à l’université de Liège et à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (CEARC). Il est notamment l’auteur de ‘Géopolitique du Climat’ (Armand Colin, 2015).

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  • Serait réfugié climatique toute personne devant quitter sa nation par crainte de perdre la vie car l’État ne peut assurer sa protection face aux effets actuels et futurs du réchauffement climatique. L’État dont sont issus les réfugiés climatiques déclare ne pas pouvoir maintenir ses institutions politiques, économiques, sociales et que devant la dégradation telle ou la disparition majeure ou entière de son territoire, l’état est condamné à disparaître. Étant donné la responsabilité causale majeure des autres acteurs de la scène internationale, l’État menacé déclare ses nationaux réfugiés climatiques afin qu’ils ne deviennent pas apatrides et qu’ils puissent avoir recours au droit d’asile. Le décret du statut de réfugié climatique est rétroactif afin de protéger les nationaux qui ont déjà fui.
    La conception traditionnelle du réfugié et cette nouvelle définition présentent quelques similarités. Le concept de « réfugié politique » implique une relation entre le national et la Nation en tant que personne : le national est persécuté et ne veut pas demander à son pays de le protéger. Le concept de « réfugié climatique » fait aussi référence à la Nation en tant que personne et particulièrement dans le fait que celle-ci ne peut pas garantir le bien-être et la sécurité de ses nationaux.

    29.03 à 11h34 - Répondre - Alerter
  • Corentin Lelong : Réfugiés environnementaux

    Les exilés environnementaux qualifient les personnes temporairement déplacées suite à des « stress environnementaux ». Cela désigne alors toute personne forcée de quitter son habitat traditionnel temporairement (pour une courte période moins d’un an) en raison d’un « stress environnemental » (éruption volcanique, tremblement de terre, tsunami…) qui menace son existence et/ou affecte sa qualité de vie. Pour ce type de déplacés, le temps de migration est relativement court, le retour à l’habitat d’origine possible même si temporairement détruit et le niveau anthropique est nul c’est-à-dire que l’être humain n’est pas à l’origine du problème. En conséquent, au niveau international, il n’y a pas de réfugiés environnementaux mais seulement des exilés environnementaux.

    29.03 à 11h31 - Répondre - Alerter
  • Corentin Lelong : Quelles définitions ?

    un possible nouveau statut de réfugié pour être accepté par tous ne doit pas recouvrir un nombre trop important de personnes ni un ensemble trop hétérogène. L’individu réclamant le statut de réfugié doit quitter sa nation par crainte de perdre de la vie et parce que l’état ne peut assurer sa protection. Étant donné la nature des problèmes environnementaux, le statut de réfugié prend sa valeur lorsque l’état lui-même est menacé, c’est-à-dire que ses organes sociaux et économiques sont mis en danger et que l’état à long terme ne peut pas assurer sa propre survie. De plus, puisqu’il est impossible d’examiner si un individu est obligé de fuir pour raison purement environnementale mais qu’il est plus aisé de voir si un état est menacé par des problèmes environnementaux, le statut de réfugié devrait être accordé du fait qu’un état n’ayant pas les moyens d’assurer sa survie déclare ses nationaux réfugiés dans l’espoir qu’ils seront accueillis et bien traités et que ses réfugiés ne pourront retourner chez eux tant que leur territoire sera inhabitable.

    29.03 à 11h28 - Répondre - Alerter
  • Je partage totalement la remarque de l’auteur qui souligne qu’avec les récentes catastrophes naturelles, il est "tentant" de voir partout les effets du changement climatique... mais que scientifiquement, aucun lien de cause à effet n’a été prouvé et surtout, j’aimerais rappeler qu’à l’heure actuelle, les scientifiques sont tous d’accord pour dire que les tremblements de terre (et la sismologie) ne seraient pas impactés par le changement climatique. cette précision nous permet de ne pas tout mélanger, mais biensur, il demeure urgent de rentrer de plein pied dans le débat sur les "réfugiés climatiques", qui, pour l’instant, n’a aucune réalité juridique.

    26.03 à 14h41 - Répondre - Alerter
  • Yoann Moreau : Responsabilités

    Pour les gouvernements il s’agit certainement d’une distinction, somme toute légitime, en terme de responsabilité. Les catastrophes "naturelles", types séismes, ouragans, etc ne sont pas directement et systématiquement imputables à un changement climatique global, dont la responsabilité pourrait être partagée à l’échelle planétaire.

    Dans le cas Chilien par exemple, une rapide étude historique montre que c’est un fait "normal" sur les temps longs. Même si les fréquences et volumes d’impacts pourraient être mis en corrélation directe avec le changement climatique, il convient de pondérer cette conjecture par des analyses transversales -ce que vous dites et je vous rejoins - .

    En fait la distinction s’opère entre responsabilité et solidarité. Je vous remercie pour avoir signaler que les réfugiés potentiels que provoquent les catastrophes naturels, relèvent géopolitiquement de la case "changement climatique", c’est à dire responsabilité. Il reste, tout au moins dans le cas Haïtien, que les sociétés civiles et les gouvernements se sont mobilisés dans l’aide humanitaire d’urgence et l’aide au traitement local du traumatisme.

    Est-il nécessaire que les survivants de catastrophes soient accueillis dans un autre pays (comme dans les cas de guerres par exemple) ? Ou bien l’aide locale n’est-elle pas, en fin de compte, plus judicieuse ? La destruction ponctuelle, ce n’est pas la submersion durable suite à une montée du niveau marin... il est peut être normal que le traitement diffère ?

    http://culturevisuelle.org/catastrophes/

    26.03 à 12h54 - Répondre - Alerter
  • Bonjour,

    Je me permets de rebondir sur le sujet en lançant une invitation pour le prochain Café Energie d’Edif (Energies Durables en Ile de France) précisément sur cette thématique.

    Café Energie : Réfugiés climatiques : Quelles perspectives post Copenhague ?

    Et si les prises de décisions étaient l’affaire de tous ? Du rôle à jouer des actions locales... Rendez-vous le mardi 13 avril à 19h sur la Péniche Anako pour tenter de répondre à cette problématique complexe où se croisent enjeux environnementaux, sociaux et géo-politiques.

    lire la suite... cf : http://www.edif.asso.fr/spip.php?ar...

    25.03 à 17h03 - Répondre - Alerter
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