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6-05-2013
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Automobile
Europe

Crédits carbone : comment les constructeurs auto nous enfument

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Crédits carbone : comment les constructeurs auto nous enfument
(Crédit photo : Simone Ramela - flickr)
 
Un règlement européen va bientôt accorder des crédits d'émission de CO2 aux fabricants de voitures qui développeront des véhicules sobres en carbone. Simple permis de polluer plus ou avancée vers l'auto propre ?
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Comment inciter les constructeurs automobiles européens à fabriquer des voitures moins polluantes ? En leur attribuant des bons points pour les efforts fournis. Bons points qui leur permettent de polluer plus par ailleurs. Cette logique vous retourne le capot ? C’est pourtant bien ce qui semble se profiler à l’échelle de l’Union européenne. Les eurodéputés devraient se prononcer le 2 juillet prochain sur le sujet. Allez, on allume le contact et on commence par une petite marche arrière.

Les eurodéputés de la Commission environnement se sont penchés le 24 avril sur les modalités à mettre en place pour atteindre une baisse drastique des émissions de CO2 des véhicules d’ici 2020. Ils ont réaffirmé l’objectif – fixé dès 2009 – de limiter les émissions de CO2 s’échappant des pots catalytiques à 130 g/km d’ici à 2015 et à 95 g/km d’ici à 2020. La première étape devrait être franchie sans difficulté. Pour la seconde, le virage à prendre est plus serré. Cela implique pour les constructeurs de faire un choix de stratégie : développer les gammes hybrides ou électriques, à basses émissions, ou améliorer fortement la performance des moteurs thermiques, afin qu’ils consomment moins d’essence ou de diesel et, partant, rejettent moins de CO2.

Des super crédits pour valoriser les voitures peu émettrices

La préférence des eurodéputés de la commission est allée à la première option. Ils ont en effet adopté un système de « bonifications », autrement appelées les « super crédits ». Parce que l’objectif de 95 g/km est une moyenne à atteindre sur l’ensemble des véhicules vendus par une marque, ces super crédits « pondèrent de façon avantageuse les véhicules émettant moins de 50g de CO2 (donc hybride ou électrique, ndlr)  : chacun de ces véhicules pèsera dans la “balance” du constructeur l’équivalent de 3,5 voitures (thermiques, ndlr) en 2013, pour descendre à 1,5 à partir de 2016 et à 1 à partir de 2024 », peut-on lire sur le site du Parlement européen.

Pour être plus clair, prenons l’exemple d’un facteur multiplicateur de 2, signifiant qu’une voiture électrique = deux thermiques vendues. Si le constructeur vend dix voitures dont huit conventionnelles et deux électriques, la moyenne des émissions des dix véhicules ne sera pas obtenue en divisant par 10 mais par 12, car les véhicules peu émetteurs comptent double. Autre exemple, toujours avec le facteur multiplicateur 2 : la mise sur le marché d’un véhicule électrique dit « zéro émission », permettrait la vente de deux 4x4 affichant un gros 190 g/km tout en restant dans les clous des 95 g/km !

Un permis de vendre des voitures polluantes ?

Les associations de protection de l’environnement sont farouchement opposées à ce système. A l’image du Réseau action climat dont la chargée de mission climat transports, Lorelei Limousin, fustige cette « astuce comptable ». « Dans les faits, les super crédits nuisent à l’objectif moyen de toute la flotte d’un constructeur donné, de sorte qu’ils constituent pour lui un “permis” de continuer à vendre des voitures très polluantes, tout en lui permettant d’atteindre son objectif », relève quant à elle Transport & Environment, association européenne qui fédère une cinquantaine d’associations de protection de l’environnement. Avec ce système, nul besoin de se presser pour accroître la performance des véhicules conventionnels en diminuant leurs émissions et donc en réduisant leur consommation d’essence ou de diesel...

Pire, les 95 g/km affichés pourront être dépassés sans que les constructeurs soient sanctionnés. Le site du Parlement européen l’écrit : « Toute augmentation des objectifs d’émissions pour chaque constructeur découlant du système de bonifications devra être plafonnée à 2,5 g. » Donc dans les faits, les constructeurs pourront mettre sur le marché des véhicules rejetant en moyenne 97,5 g/km sans se faire crever les pneus. « Cette tolérance rend ce système vraiment hypocrite », se désole Lorelei Limousin qui voit dans cette largesse des eurodéputés l’action, outre-Rhin, du lobby de l’automobile sur le rapporteur de ce règlement, l’allemand Thomas Ulmer.

Les grosses berlines en crissent de satisfaction

Sophie Auconie est la seule membre de la Commission environnement à s’être abstenue lors du vote du 24 avril (47 voix pour, 17 contre). Cette eurodéputée PPE (Parti populaire européen, droite) qui a « refusé de rencontrer les lobbies sur ce sujet » regrette l’adoption de « ce texte manquant de courage politique et d’ambition, car soutenant l’activité des constructeurs les plus polluants. Dès lors qu’ils feront quelques efforts pour diminuer leurs émissions, ils pourront déroger à la règle des 95 g. » Elle aussi « sent l’influence de l’industrie allemande, BMW et Mercedes notamment, alors que Volkswagen s’est engagé à atteindre les 95 g/km sans recourir aux super crédits - très privilégiée par rapport à l’industrie française qui s’est engagée dans une politique de promotion des voitures électriques et hybrides. » Ce qui représente un investissement très conséquent.

Sollicité, le Comité des constructeurs français d’automobiles nous a renvoyé vers la fédération européenne des constructeurs (Acea). Qui, une fois n’est pas coutume, s’est félicitée de l’adoption du système de bonifications, « seul instrument de l’UE qui incite les constructeurs à développer des technologies basses émissions innovantes, malgré le manque de retour sur investissement que cela représente pour les constructeurs ». Mais elle juge cependant les récompenses pour les efforts fournis trop maigres : « Les super crédits sont employés à travers le monde, notamment aux Etats-Unis, au Japon, en Corée et en Chine, à un niveau bien supérieur à celui proposé par la Commission environnement du Parlement européen. L’UE devrait s’aligner sur les niveaux internationaux », nous écrit l’Acea.

Un nouvel objectif plus contraignant après 2020

Sur la route jusqu’ici sans encombres tracée par eux au Parlement européen, les constructeurs ont tout de même dû piler au « stop » : les eurodéputés ont rejeté leur demande de cumul de super crédits d’une année sur l’autre « comme s’il s’agissait d’un compte épargne carbone. Cela leur aurait permis de retarder la réalisation des objectifs de réduction des émissions », explique Cécile Toubeau, conseillère politique de Transport & Environment.

Autre ralentissement sur la voie des constructeurs : les parlementaires ont fixé un nouvel objectif de réduction des émissions de CO2. Le taux devra être compris entre 68g et 78 g/km en 2025. Les marques de quatre roues fustigent un objectif jugé irréaliste. A l’opposé, les associations l’estiment insuffisant. Lorelei Limousin rappelle que, « pour maintenir le réchauffement de la planète sous les 2°C, les voitures ne devraient pas émettre plus de 60 g/km. »

Le gouvernement français semble avoir pris la mesure de l’effort à fournir : à l’issue de la conférence environnementale de septembre dernier, Jean-Marc Ayrault a affiché l’ambition de développer une voiture consommant 2 litres aux 100 km à l’horizon 2022. En espérant que ce chiffre devienne réalité, puisque de récentes études ont montré comment les constructeurs automobiles manipulent les tests pour afficher des consommations moindres que dans la réalité...

A lire aussi : Notre dossier L’auto est morte, vive l’auto !

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