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27-04-2009

Construire ensemble pour habiter vert

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A l'occasion de « Habiter écologique » à la Cité du patrimoine et de l'architecture, la commissaire de l’exposition et architecte française, Dominique Gauzin-Müller, décortique pour « Terra eco » l'architecture écoresponsable, ses origines, son état en France et son avenir.
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L’habitat éco-responsable est au cœur de l’actualité et des réflexions de la profession. Sur quelles bases s’est fait le choix des précurseurs ? 

Dominique Gauzin-Müller : Depuis les années 1990, des grilles d’évaluation de l’architecture écologique fleurissent dans la plupart des pays industrialisés. Ces labels LEED, BREEAM et autres HQE sont fondés sur une approche assez technocratique et leurs initiateurs ne sont pas dénués d’une envie de business. Nous avons préféré retenir des critères plus abordables pour le grand public - humain/usages, site/territoire, matériaux/techniques et énergie/ambiances - qui tiennent compte des quatre piliers du développement durable : social, écologie, économie et culture. Qu’ils soient précurseurs ou contemporains, les architectes présentés dans l’exposition traitent ces différents thèmes selon une démarche originale, mais nous avons choisi certains pour leur engagement social, d’autres pour la mise en valeur de matériaux locaux, etc. L’Américain Frank Lloyd Wright et le finlandais Avar Aalto était incontournables, mais il était important pour nous de traiter toutes les échelles : celle de l’architecture domestique, avec le Norvégien Sverre Fehn ou l’Australien Glenn Murcutt, et celle de l’urbain, avec l’Italien Paolo Soleri, qui fait émerger la ville d’Arcosanti du désert de l’Arizona, et l’indien Balkrishna Doshi, concepteur de quartiers d’habitat social. Nous souhaitions également trouver un équilibre entre les matériaux minéraux, comme la pierre, le béton ou les briques de terre crue, utilisées par l’Egyptien Hassan Fathy, et les matériaux en fibres, comme le bois, employé de manière très expressive par le Brésilien José Zanine.

Les projets ou réalisations présentés à l’exposition proviennent du monde entier. Comment percevez-vous la place de la France dans ce mouvement mondial vers une architecture durable ? 

D.G.-M. : Le tableau synoptique situé au début de notre exposition montre bien qu’après les crises pétrolières des années 1970, notre pays a vu l’éclosion de nombreux programmes pilotes au niveau des économies d’énergie (habitat bioclimatique, maisons solaires) et des matériaux naturels (quartier de Villabois près de Bordeaux et Domaine de la terre à Villefontaine), sans compter de nombreuses opérations d’habitat intermédiaire proposant des alternatives à la maison individuelle. Pierre Lajus, notre pionnier français, a joué un rôle décisif à cette époque. Dans les années 1980, le choix du nucléaire et l’électricité bon marché ont mis fin à ces expérimentations alors que certains de nos voisins continuaient leurs recherches, ce qui explique l’avance des pays scandinaves et germaniques sur le plan technique.

Les professionnels français ont cependant pris conscience des enjeux et je suis persuadée qu’ils sauront profiter de l’expérience des autres pour aller de l’avant et proposer une réponse adaptée aux spécificités de notre pays. L’architecture écoresponsable est forcément « située ». Il ne s’agit donc pas de recopier ce qui a été fait ailleurs, mais de s’en inspirer pour trouver des solutions « justes », adaptées à notre contexte socioculturel, à la variété de nos paysages et à la diversité de nos climats tout en tirant parti des ressources de chaque région.

Quels sont les pays et/ou personnalités qui sont, selon vous, à l’avant-garde de ce mouvement ? 

D.G.-M. : Françoise Hélène Jourda et Philippe Madec sont deux grandes figures françaises de l’architecture éco-responsable : ils la pratiquent, l’enseignent, écrivent sur le sujet des textes qui font date et remplissent des missions de conseil auprès de décideurs politiques. D’autres architectes engagés ont fait changer les mentalités grâce à leur réalisations et leurs enseignements : Roland Schweitzer pour l’architecture en bois et Patrice Doat pour la construction en terre mais aussi Yves Perret et ses structures « expressives », Patrick Bouchain et ses démarches participatives, etc. Sur le territoire national, on remarque l’éclosion de réalisations écologiques architecturalement convaincantes conçues par Bruno Mader, l’agence lyonnaise Tectoniques, Lipsky et Rollet, Lajus-Brochet-Pueyo, Emmanuel Nebout, Cusy et Maraval, Pascal Gontier, etc. L’architecture écologique à la française doit aussi beaucoup à des ingénieurs spécialisés dans l’optimisation énergétique : Alain Bornarel et le BET Tribu ; Olivier Sidler, Thierry Salomon et leurs amis de l’association des négawatt, très actifs lors du Grenelle de l’environnement.

Sur le plan international, chaque pays a ses points forts et ses faiblesses, mais c’est dans le Vorarlberg, un petit Land autrichien, que l’architecture écoresponsable est le plus largement soutenue par les professionnels, les décideurs et le grand public. Un nouveau modèle économique, écologique et socioculturel, fondé sur des relations humaines plus confiantes, est en train de s’y épanouir. Les secrets de ce succès motivant se cachent dans le capital social, le pragmatisme, la transparence et le partage des connaissances dans une société qui applique une politique de petits pas rapides et déterminés. Un des leaders du mouvement est le professeur Hermann Kaufmann qui a reçu en 2007 le premier Global Award de l’architecture durable. Trois concepteurs du Vorarlberg sont présents dans notre exposition : Wolfgang Ritsch, Walter Unterrainer et Martin Rauch, inventeur du pisé contemporain.

Les recherches actuelles sur les nouveaux matériaux ou encore sur les nouvelles normes de durabilité peuvent-elles servir à des pays du Sud confrontés, eux, à l’explosion de leurs bidonvilles ? En clair, la problématique de l’habitat durable n’est-elle encore qu’une préoccupation de pays riches ? 

D.G.-M. : Il était essentiel pour l’équipe qui a travaillé à cette exposition de ne pas se cantonner à des maisons individuelles luxueuses dans des paysages de rêve, car les enjeux sont ailleurs. Afin de sensibiliser les futurs architectes, nous avons donc lancé auprès de cinq écoles françaises, en partenariat avec la Fondation Abbé Pierre, un appel à idées sur de l’habitat social écologique en pensant aux trois millions de mal logés de notre pays. Parmi les réalisations présentées dans l’exposition, vous trouverez aussi de nombreux projets sociaux construits dans les pays du Sud, du village de Gourna dessiné par Hassan Fathy en 1948 à l’habitat en terre réalisé récemment par Anna Heringer au Bangladesh, en passant par les maisons à 20 000 dollars construites en 2005 par les étudiants du Rural Studio dans l’Alabama. Tirer le meilleur parti du faible budget à disposition, c’est aussi envisager la possibilité de compléter ou de faire évoluer un logement de base. C’est ce que propose Alejandro Aravena au Chili avec le slogan : " Hacer mas con lo mismo " (Faire plus avec la même chose).

L’habitat durable "parfait" existe-t-il ? 

D.G.-M. : Il n’existe pas d’habitat durable « parfait » et surtout pas de « recettes » pour y arriver. Chaque projet doit être traité en fonction de son contexte spécifique en tenant compte des aspects écologiques, sociaux et culturels et bien sûr des potentiels du territoire au niveau des énergies renouvelables, des matières premières et des savoir-faire. C’est ce qu’ont fait sur le site de Boulogne-Billancourt les huit équipes européennes que nous avons invitées à participer à l’appel à idées pour un habitat éco-responsable densifié et flexible : Fabienne Bulle, Brochet-lajus-Pueyo, Mario Cucinella, Hérault-Arnod, Olavi Koponen, Lipsky-Rollet, Philippe Madec, Wolfgang Ritsch.

Les architectes, les économistes et les sociologues travaillent-ils déjà ensemble ? Est-ce qu’ils vous semblent prêts à travailler de façon transdisciplinaire, ce qui n’est pas une évidence dans la "tradition" universitaire française ?

D.G.-M. : Pour arriver à prendre en compte les multiples critères qui mènent à une architecture et un urbanisme éco-responsable, il est effectivement indispensable de former des équipes pluridisciplinaires comprenant architectes, ingénieurs, géographes, économistes, sociologues, philosophes, etc. Nous avons d’ailleurs invité des représentants de ces différentes disciplines à s’exprimer dans le cadre des « salons » de notre exposition. Leurs témoignages confirment que la tradition française est à la fois individualiste et analytique, mais les architectes ayant participé à notre appel à idées ont travaillé dès les premières esquisses selon un processus intégratif profitant de compétences multiples.

Dans plusieurs pays, les méthodes permettant de gérer la complexité commencent à s’imposer dans le secteur du bâtiment sous différents noms : « Integrale Planung » en Allemagne, « Integrated Design » aux Etats-Unis, « Processus de conception intégrée » au Québec. Je préfère parler d’approche « holistique », car ce terme souligne la nécessité de prendre du recul pour aller au-delà de la simple juxtaposition de réponses pertinentes à des contraintes dont on oublie trop souvent les interactions. Aristote disait déjà : « Le tout est plus que la somme des parties ». Une approche holistique est ainsi un processus ouvert qui tisse des liens entre les exigences et offre à la créativité de chaque acteur la possibilité de s’épanouir au service d’un objectif commun. Face aux enjeux actuels, apporter quelques modifications à nos modes de vie et à nos méthodes de travail est insuffisant. Je crois, comme Peter Senge, à une « nécessaire révolution » exigeant des individus, des entreprises et des institutions qu’ils travaillent ensemble à la construction d’un monde durable.

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Sources de cet article

- La présentation de l’expo Habiter écologique

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