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18-06-2013
Mots clés
Finance
Climat
France

Floué, le Luxembourg s’attaque à Mittal. Et la France ?

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Floué, le Luxembourg s'attaque à Mittal. Et la France ?
(Crédit photo : FiveTimes5 - flickr)
 
Le Grand-duché exige qu'ArcelorMittal lui restitue des quotas d'émission de CO2 perçus pour un site de production que la multinationale venait de fermer. Pourquoi la France ne ferait-elle pas pareil pour Florange ?
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Le Luxembourg monte au front contre ArcelorMittal. Jeudi 13 juin, le ministre délégué au Développement durable du Grand-duché, Marc Spautz, a posé un ultimatum au groupe de sidérurgie : d’ici au 31 juillet, la multinationale devra avoir restitué à l’Etat luxembourgeois 80 922 quotas d’émission (tonnes équivalent CO2) de gaz à effet de serre. C’est la première fois qu’un Etat demande à récupérer les surplus de quotas qu’il a distribués.

Petit rappel. Les quotas d’émission sont des « permis de polluer » accordés aux quelque 10 000 sites industriels européens intégrés au système d’échange de quotas d’émissions de CO2 mis en place en 2005. Depuis le début de l’année 2013, la plupart de ces sites doivent désormais acheter aux enchères auprès des Etats ces droits à dégager des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, droits qui leur étaient auparavant gracieusement alloués par ces mêmes Etats.

Ce nouveau système ne concerne toutefois pas les industries les plus polluantes et soumises à une forte compétition internationale, dont les aciéries. A ces sites, notamment ceux d’ArcelorMittal, les gouvernements nationaux continuent de donner gratuitement des quotas annuels d’émission. Si, en fin d’année, l’industriel a dépassé son contingent, à lui d’acheter de nouveaux « droits à polluer » sur le marché carbone pour compenser ses émissions. A l’inverse, il peut accumuler ses permis d’émission pour les utiliser ultérieurement ou les revendre à des entreprises qui ont dépassé leurs propres quotas s’il n’utilise pas tous les siens.

La loi, rien que la loi

C’est justement le cas du site de Schifflange d’ArcelorMittal, au Luxembourg. Sur les 81 073 tonnes équivalent CO2 qui lui été allouées gratuitement pour l’année 2012, seules 151 tonnes ont été émises, en raison d’une cessation d’activité quasi totale sur le site depuis la fin de l’année 2011.

Alors, afin d’éviter que l’industriel milliardaire ne transforme ce surplus gratuit en monnaie sonnante et trébuchante en les revendant, un député luxembourgeois a rappelé au gouvernement ce point de droit : « Un Etat peut réclamer après coup le quota de CO2 attribué si le site a été arrêté pendant au moins une année », explique à Terra eco Camille Gira, député luxembourgeois du parti Déi gréng.

Sur la base de ce texte – simple transposition de la directive européenne réglementant le marché du carbone –, il a poussé le gouvernement du Grand-duché à réclamer son dû à ArcelorMittal. « On ne fait rien d’autre qu’appliquer la loi qu’on a votée. Ce n’est pas une décision politique mais juridique », précise l’élu vert. Vraiment ?

Récupérer les surplus pour payer les indemnités chômage

« Appliquer cette règle est déjà une décision politique. La preuve : c’est une première », juge Yannick Jadot. L’eurodéputé Europe Ecologie - Les Verts (EELV) aimerait que tous les pays (France en tête) où ArcelorMittal a ralenti, voire stoppé, son activité depuis un an au moins réclament à leur tour le rendu des surplus. Ce qui est bien prévu par la directive européenne. Mais n’est pas fait.

Prenons l’exemple de Florange, en Lorraine. Sur ce site, l’activité a commencé à ralentir nettement à partir d’avril 2011. La procédure d’arrêt des hauts-fourneaux s’est prolongée tout au long de 2012. Pourtant, le gouvernement français est resté constant dans sa générosité : il a alloué en 2012 4,8 millions de quotas pour ce seul site, soit autant que l’année précédente. Au final, en deux ans, la multinationale a capitalisé près de sept millions de tonnes de crédits carbone. Et l’Etat ne lui en a pas réclamé un seul. Comme nous le révélions en janvier dernier, Mittal est devenu avec Florange maître dans l’art de profiter des largesses du marché carbone.

Un beau cadeau, malgré la chute des prix de la tonne de carbone (qui s’échange entre 2 et 5 euros en ce moment). « Si le gouvernement français réclamait ces quotas pour les revendre sur le marché carbone, cela lui permettrait de financer des plans sociaux et des cellules de reclassement » pour les 1 500 licenciés du site, remarque Célia Gautier, chargée de mission Europe pour l’ONG Réseau Action Climat. L’ONG britannique Sandbag a en effet calculé que cela permettrait de dégager 50 000 euros par salarié licencié.

Pourquoi la France ne réclame-t-elle rien à Mittal ?

Alors qu’attendent le gouvernement et notre ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, qui a un temps menacé Mittal de nationalisation ? Sollicité, le ministère n’a pas répondu à nos questions au moment où nous publiions cet article.

Mais Yannick Jadot a son explication : « Mittal a dû négocier avec le gouvernement pour ne pas avoir à restituer ces quotas en trop, comme il a négocié sa dette fiscale... qui a disparu des placards de Bercy. En fait, la France cède à tout ce que lui demande Mittal. L’industriel a réussi à mettre les pays européens en compétition les uns contre les autres pour que chacun se batte pour conserver des éléments de production. » En maintenant les sites dans une situation de fragilité constante, c’est bien Mittal qui mène la danse, et continue à rafler des subventions publiques.

La preuve, toujours avec Florange. Les hauts-fourneaux sont fermés depuis mars 2013. Et pourtant... le gouvernement français a prévu d’allouer à titre gracieux et chaque année de 2013 à 2020 pas mois de 3,8 millions de tonnes équivalent CO2 de quotas ! Au cours du marché actuel de la tonne, c’est un cadeau d’une vingtaine de millions d’euros. « C’est une instrumentalisation du marché des quotas pour subventionner les industriels », s’insurge Yannick Jadot.

De nouvelles règles, pour éviter les abus

Oliver Sartor, chargé d’études Marchés du carbone et des énergies à la Caisse des dépôts Climat, ne s’alarme pas. Par mail, il explique que les nouvelles règles concernant les allocations et restitution des quotas vont permettre de mieux réglementer le secteur. « Par exemple, selon les nouvelles règles, des installations qui reçoivent des quotas gratuitement et qui ensuite produisent moins de 50% de leur production des années précédentes, verront leurs allocations baisser de 50% les années suivantes. De même, si l’installation réduit sa production de 75%, le montant de quotas alloués gratuitement sera réduit de 75%. Si l’activité est réduite de 90% ou plus, il y aura alors zéro quota alloué gratuitement. »

En somme, ArcelorMittal ne devrait normalement plus pouvoir compter sur les quotas pour Florange bien longtemps. C’est bien pour cette raison que l’entreprise s’est lancée dans un autre combat : faire un lobby intense auprès de la Commission européenne afin qu’elle relève le prix de la tonne de CO2 à 30 euros. Plus juteux à la revente...

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