Bourse : quand les entreprises coupent le cordon (suite)

...Alors pourquoi la Bourse ? D’abord, s’introduire en Bourse est pour une entreprise une façon de lever de l’argent en échange du partage de son capital. Mais au-delà de cette culbute financière - objectif évident qui doit permettre de financer un plan de développement - c’est bien la notoriété que vise l’entreprise. "C’est un moyen d’avoir pignon sur rue et donc, à terme d’attirer de nouveaux marchés ou de nouveaux clients", explique-t-on chez Staci, une entreprise de commerce électronique implantée à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), et anciennement cotée sur le Nouveau marché de Paris.

Problème malgré tout : cette vitrine se paie au prix fort. "Plus de 150.000 euros par an", affirme Marie-Josée Lambla. Prenons la calculette : la rémunération de l’agence de communication financière, l’information aux actionnaires et les petits fours qui vont avec... Le budget est lourd pour une entreprise moyenne. "C’est autant d’argent que l’on ne dégage pas pour l’investissement de l’entreprise", concède Alain Gazard, qui confirme au passage le montant dépensé. "Mais ce n’est pas tout, il faut aussi se plier aux réglementations très lourdes des autorités de marché. Mettre les comptes aux normes. C’est très difficile".

Nokia prend la porte

Chez Euronext, on reconnaît que l’entreprise cotée "doit être structurée en conséquence afin de faire face aux réglementations qui se renforcent et aux directives européennes". Une façon de dire à demi-mot que "la place se mérite et n’est pas offerte à tout le monde". Nokia, le géant finlandais de la téléphonie mobile, a pour sa part fait ses comptes. Pas assez de volumes d’échanges (de titres), des conditions sur les marchés d’Euronext trop contraignantes... La multinationale fera ses valises à la fin du mois d’octobre.

Est-ce à dire que la Bourse est désertée ? "Pas du tout", rectifie-t-on chez Euronext. Une soixantaine d’entreprises quittent chaque année les marchés financiers pour les raisons évoquées précédemment. "C’est vrai que ces deux dernières années, les introductions ont connu un coup d’arrêt très brusque, admet Sébastien Korchia (il n’y a eu aucune introduction en Bourse en 2003 à Paris, ndlr). C’est d’ailleurs ce qui a provoqué ce coup de projecteur sur les retraits." En 2004, le mouvement a repris, conduisant vers la cote de gros poissons comme l’entreprise d’aéronautique Snecma ou bien encore Pages Jaunes, la filiale de France Telecom. Mais la température de l’eau est encore fraîche.

Finance et développement : l’impossible ménage ?

Que reste-t-il aujourd’hui, dans la tête des décideurs d’entreprises, de ces années de cotation en Bourse ? "Beaucoup de stress et ce sentiment de très forte responsabilité envers les actionnaires qui nous avaient fait confiance", lâche d’emblée Marie-Josée Lambla. "Ce paradoxe, aussi, qui nous amenait à animer artificiellement le cours de notre entreprise en raison de la trop grande faiblesse des échanges sur le titre", ajoute-t-elle, un peu gênée. Alain Gazard ironise sur "cette impuissance face au cours qui chute alors que l’entreprise va mieux de jour en jour et gagne même de l’argent, en regrettant une fois de plus cette "déconnexion entre finance et business".

Michel Jestin, quant à lui, regrette l’intransigeance d’une communauté financière qui se détourne de son secteur économique. "Même les banques ne nous accordent plus leur confiance. Nous sommes livrés à nous-mêmes." Les trois dirigeants n’expriment pourtant aucun regret. La Bourse, ils y retourneraient même volontiers. "Car lorsqu’on en sort, plus personne ne s’intéresse à vous", se désespère Marie-Josée Lambla. Les financiers ne s’intéresseraient-ils donc qu’à l’argent ?

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