Francis Hallé : « Ce phénomène intéresse une centaine d’espèces dans le monde. Toutes ont pour point commun de pousser en hauteur. En France, on peut observer une timidité chez les pins parasol du cap d’Antibes ou les chênes verts du midi. Dans les tropiques, c’est un peu plus fréquent. La timidité la plus impressionnante, la plus tranchée, avec des formes extrêmement nettes, est celle du camphrier.
Ce sont les Australiens qui ont découvert ce phénomène dans les années 1960 et lui ont donné le nom de « crown shyness », littéralement « timidité de la couronne ». C’est un nom qui ne me plaît pas tant que ça. La timidité, c’est un sentiment humain. L’arbre, nous ne savons pas encore ce qui le pousse à laisser une distance entre lui et un autre individu de son espèce.
L’hypothèse des Australiens était celle d’une abrasion entre les branches causée par les frottements les jours de vent. Mais ce ne peut pas être l’explication. Sur les parties aériennes, on ne voit rien qui soit abîmé, il semble que simplement les arbres arrêtent de pousser.
Ce qui est certain, c’est que les arbres savent s’ils ont un voisin. Lorsqu’ils n’en ont pas, ils ont tendance à s’agrandir indéfiniment. Mais pourquoi s’arrêter 80 centimètres avant d’atteindre ce voisin ? Il y a sans doute des échanges gazeux qui entrent en jeu. Pour le comprendre, il nous faut placer des capteurs au bout des branches.
Les arbres ont certainement un avantage à ne pas se toucher. Peut-être limitent-ils ainsi la propagation des parasites, mais pour l’instant leurs raisons nous échappent.
Il existe aussi une timidité souterraine : les racines ne se touchent pas. Il y a des arbres très timides d’en haut mais pas d’en bas et vice versa. Pour les racines comme pour les cimes, nous n’avons pas d’explication. C’est l’une des innombrables questions que recèlent les forêts. D’ici à ce que l’on perce à jour ce mystère, ça ne devrait plus être très long. »
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« Les plantes bougent, sentent et réagissent mais nous ne sommes pas capables de le voir »
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