Et si... ? |
Par Penelope |
19-10-2012
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Un cri dans la nuit |
Ayant grandit en France, dans un pays dit "civilisé" - la Terre des Droits de l’Homme qui plus est -, dans une démocratie, dans un monde ou la guerre mondiale est enseignée dans les livres d’histoire et est censée appartenir au passé, un monde de "progrès" - technologiques, sociaux, génétiques... -, dans un "pays riche" ou chacun est censé avoir des droits, dans une société où "tous les hommes naissent libres et égaux"...
« donne un poisson à un homme il mangera une fois, apprends-lui à pêcher il mangera toute sa vie... »
C’est une belle parole mais comment la mettre en pratique quand on vit dans une capitale où les SDF se croisent parfois à chaque coin de rue ?
[...]En France, qu’englobe-t-on sous l’acronyme « SDF », qui renvoie pour la plupart d’entre nous au clochard de quartier ? SDF est synonyme de sans-abri, soit environ 30.000 personnes en France. A distinguer des mal-logés, 3 millions de personnes (sur)vivant dans des mobiles-homes, caravanes, tentes ou autres squats… [...] Etre exclu du logement signifie être exclu des statistiques officielles. [...]
Le paradoxe c’est que si la France est l’un des pays d’Europe à avoir l’une des définitions du sans-abrisme les mieux établies [...] elle est la plus mauvaise dans le traitement social des sans-abri. La France est « dans une situation désastreuse par rapport aux autres pays d’Europe » [...] [1]
Et le reste du temps pleurer, m’indigner, ne pas comprendre comment cela est possible dans un monde censé être "évolué", puis oublier pour continuer à vivre ma petite vie d’occidentale qui a bien de la chance d’être née dans la capitale d’un pays "développé" et dans une famille "privilégiée" (où la violence psychologique et physique existe pourtant aussi, même si c’est difficilement comparable à ce qui se vit chaque instant ailleurs).
Comment concilier l’inconciliable, ne pas devenir schizophrène en pensant au grand écart entre perception et action, entre indignation et choix de vie... Pour ne prendre qu’un exemple, j’ai eu l’occasion de prendre des repas au restaurant assez régulièrement. 12 euros par ci, 20 euros par là... On discute entre amis, on refait le monde, on parle politique, environnement, problèmes de coeurs ou de famille... On boit un peu, on mange bien, on va se coucher ensuite la peau du ventre bien tendue, en se remerciant mutuellement pour cette bonne soirée. Combien de repas pour parer à l’urgence, combien de cannes à pêche auraient pu être construites, distribuées et enseignées, pour reprendre la parabole du poisson, combien de familles sorties de la famine et accompagnées vers une nouvelle vie avec une infime part de ce budget ?
Bien que n’étant ni "riche", ni "pauvre", ayant eu des périodes assez difficiles et d’autres plus aisées, outre l’amour reçu de ma famille et le soutien de mes amis, j’ai globalement eu suffisamment de moyens pour...
Est-ce que tout mon être est en accord avec cet écart entre "eux" et moi" ? Entre la misère que je sais exister et le mode de vie auquel j’ai été habituée ? Entre les discours des organisations censées aider les plus démunis et ce qui est fait en réalité ?
NON. Bien sûr que non. D’autant que...
Ma liberté a paradoxalement été de manger. A force de me sentir impuissante j’en suis devenue boulimique. Pour étouffer cette souffrance. Celle de la petite fille qui a peur de son père autant que celle de la femme qui ne se sent pas conforme à l’image que la société véhicule de ce qu’elle serait censée être pour plaire. Celle de la fille qui veut que ses parents soient fiers d’elle autant que celle de la rêveuse qui pense être capable de déplacer des montagnes. Manger pour refermer les yeux, pour remplir ce vide intérieur que même la méditation, le développement personnel, l’épanouissement professionnel et les projets divers et variés et autres ne peuvent combler. Manger en cherchant toujours plus loin pourquoi je suis là, pourquoi nous en sommes là, et comment faire pour rendre tout cela plus "juste".
Nous sommes tous égaux sur le papier, mais tous mes sens me hurlent le contraire. Nous avons une conscience et la capacité d’aller explorer l’univers mais sommes collectivement incapables de tendre la main pour aider plus faible que nous à se remettre debout. Quel politicien pourra me regarder dans les yeux et m’expliquer cela ?
Je suis profondément en colère quand je réalise tout cela. Il n’est pas ici question de culpabilité car cela ne serait d’aucune utilité à tous ces gens qui meurent et souffrent, mais je cherche.
Je cherche comment changer enfin les choses concrètement, sans attendre que d’autres le fassent, d’autres qui "ont du pouvoir", que "ceux qui savent" trouvent enfin la solution miracle pour éradiquer la faim dans le monde, la violence, la guère, la souffrance, que ceux qui prient et/ou agissent soient assez nombreux pour que leur énergie cumulée nous fasse basculer vers une société meilleure, un autre niveau de conscience ou peu importe les mots que l’on peut y mettre.
Depuis quelques temps je vois les initiatives se multiplier, et j’ai vu que tout ce que je croyais être impossible pouvait se faire. Cela a démarré en en découvrant l’histoire d’Hannah Taylor au Canada [2], puis ça s’est amplifié en voyant agir une association [3] à laquelle je m’intéresse depuis quelques temps car elle me semblait ne pas avoir le fonctionnement habituel des ONG avec leurs lenteurs et leurs dérives.
« Les ONG, disposant souvent de budgets conséquents, vont de Médecins Sans Frontières à Reporters Sans Frontières (et tous les autres phénomènes "Sans Frontières") en passant par la Croix Rouge ou Caritas. Quant aux OG, elles tirent leur budget et leurs directives d’états (comme la France ou les Etats-Unis) ou d’organisations internationales (ONU, Union Européenne, etc...). Ces associations, ONG et OG interviennent dans les domaines les plus divers : la santé évidemment, mais également le social, le scolaire, le culturel, le sportif, etc.... Tout d’abord, n’en déplaise à beaucoup de gens, et sans dévaloriser leur action, emmener des livres ou des vêtements au Faso ce n’est pas faire de "l’humanitaire". Pas plus que vacciner 500 gosses ou sensibiliser un village sur les dangers du paludisme ! C’est, tout au plus, du social ou du caritatif. Quand on donne deux paquets riz aux Restau du Coeur ce n’est pas de l’humanitaire à ce qu’on sache ? Bon, hé bien en Afrique c’est pareil. L’humanitaire, c’est la Croix Rouge qui monte des tentes et soigne 500 000 hutus réfugiés au Zaïre et mourant par milliers du choléra. L’humanitaire, c’est MSF qui tente de sauver de la mort imminente un million de réfugiés au Darfour. Cette petite mise au point faite, on peut préciser que les "petites" initiatives associatives, quand elles durent, sont souvent plus efficaces que les projets coûteux et inutiles des structures gouvernementales onusiennes ou de coopération internationale. » [4]
Est-ce une exception ? Dans ce que je connais oui, même si j’ose espérer et croire que ce n’est pas le cas et qu’une multitude d’actions sont en cours partout sur cette voie.
D’où mon cri dans la nuit pour exprimer mon admiration autant que mes peurs (lâcher les croyances sur lesquelles je me suis construite pendant 32 ans demande beaucoup de travail et pas mal d’aide).
Si vous connaissez (réellement, pas de bouche à oreilles ou de suppositions !) d’autres associations, organismes, structures, personnes qui ont forcé votre admiration par leur fonctionnement et leur efficacité dans les actions entreprises et dans la durée n’hésitez pas à commenter ce texte, cela illuminera encore plus cette nuit.
Je ne sais pas encore quelle forme prendra ma vie future, ni jusqu’où je transformerai moi-même mes propres démons. Mais j’aurais en tous cas partagé cet espoir, et j’espère que beaucoup d’autres personnes se diront comme moi "oui on peut faire quelque chose", et repousseront cette idée d’inéluctabilité de l’inhumanité de ce monde dans lequel nous vivons et que nous tentons souvent d’oublier en nous divertissant ou en compensant autrement.
Même si tout ce que j’ai fait pendant des années pour grandir, progresser, m’améliorer, me sentir de plus en plus en accord avec moi-même, prendre confiance en moi, etc. me permet par exemple d’écrire ce texte aujourd’hui, le vide a persisté longtemps. Car ce vide c’est celui de l’impuissance à changer ce qui ne devrait pas exister. Il nait de la conscience d’être liée à toutes ces personnes qui souffrent, au-delà même du fait que cela pourrait être moi, et est entretenu par la peur. Finalement ce vide tend à se combler par l’amour que je commence à me porter, par un meilleur alignement de ma vie (sous tous ses aspects) avec mon ressenti, par un chemin vers la simplicité volontaire, réduisant de fait cet écart qui me choquait tant même si ce n’était pas le but au départ. Et ainsi par une plus grande place laissée à la lumière, l’amour, la joie, le partage, l’échange... Puisque l’ombre n’est qu’une absence de lumière, je prends peu à peu ma place parmi les lampadaires ! ;)
Et si vous êtes encore là, puis-je vous demander un service ?
Au choix :
[1] http://www.slate.fr/story/42591/fra...
[2] http://www.nfb.ca/film/histoire_dhannah / http://www.ladybugfoundation.ca/who...
[3] www.voixlibres.org / http://fr.wikipedia.org/wiki/Voix_Libres
[4] Source : http://www.planete-burkina.com/asso...
En plein apprentissage d’un "autre monde" possible depuis 2010... A chaque nouvelle découverte, info, rencontre, je teste, j’expérimente, je m’approprie de nouveaux savoirs et mode de vie, et réalise à quel point j’ai vécu "conditionnée" sans remettre "mes bases" en question pendant 30 ans. Ces bases étaient pourtant si faussées, et les conséquences si peu en accord avec mes croyances profondes... De prises de conscience en expériences, peu à peu j’ai lâché plein de peurs inutiles et me sens ainsi de plus en plus vivante et cohérente, consciente de chaque pas sur ce chemin. Et reconnaissante de toutes les rencontres et expériences qu’il m’apporte ! |
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