« Elles sont pas belles vos pommes ! Et le pain, il est pas comme à la maison ! » Le gestionnaire de cantine qui veut passer au bio doit savoir encaisser les remarques des élèves. Ce parcours du combattant, peu d’entre eux l’ont aujourd’hui entrepris : en 2007, sur 1,15 milliard de repas scolaires servis, seuls 5,7 millions comptaient au moins un ingrédient bio. Et pour mener à bien sa course d’obstacles, le gestionnaire ne dispose pas de recette miracle : en matière de bio, chaque cantoche fait sa tambouille.
Convaincre l’élu. Nombreux sont les décideurs qui s’en lavent les mains. Pourtant, c’est bien à eux qu’il revient de choisir le bio. Car la gestion des cantines en primaire dépend des mairies, en collège, des conseils généraux, et en lycée, des conseils régionaux. Les parents partisans du bio savent ainsi à quelle porte frapper (lire ci-contre).
Trouver les produits. « L’approvisionnement, c’est l’enfer ! », s’exclame Martine Bonnet, gestionnaire au lycée Émilie-de-Breteuil à Montigny-le-Bretonneux, (Yvelines). Cette militante du bien manger sert 700 plateaux par jour. Des crudités et du yaourt bio à chaque déjeuner. Mais le pain issu de l’agriculture biologique n’est disponible que deux fois par semaine, faute d’être livré quotidiennement à l’heure adéquate. C’est qu’avec à peine 2 de surface bio cultivée dans l’Hexagone, les produits ne sont pas légion. L’objectif des 20 d’aliments biologiques dans la restauration collective en 2012 fixé par le gouvernement risque fort de passer d’abord par des importations massives.
A Brest, la cuisine centrale, qui officie pour toutes les écoles primaires de la ville finistérienne, sert près d’un million de repas par an. En 2007, la mairie a inscrit 11 aliments bio dans le cahier des charges de son prestataire, la Sodexo. Faute de fournisseurs proches, les 17 tonnes de carottes annuelles sont donc venues d’Italie, les pommes de terre d’Espagne et des Pays-Bas. « Un comble dans un département maraîcher ! », relève Thierry Velly, responsable du service périscolaire de Brest. Cependant, l’an passé, deux producteurs du Nord-Finistère ont sauté le pas. Résultat : l’un cultive désormais 8 00 m2 de carottes bio et l’autre fournit les pommes de terre.
Rester dans ses frais. Tenir le budget alloué tient parfois du miracle. La traque au gaspillage ne suffit pas. « Dès qu’on essaye de convertir un repas conventionnel en bio, on double la facture », explique Eric Grunewald, responsable de la restauration collective à la Fédération nationale d’agriculture biologique. La solution : équilibrer différemment le menu en remplaçant, par exemple, une partie des protéines animales par des légumineuses. Un nouveau régime pas facile à avaler pour les parents.
Convertir son public. A Montigny-le-Bretonneux, Martine Bonnet parle « environnement » aux ados qui se fichent pas mal de leur santé. Chez les plus jeunes, c’est le goût qui reste déterminant. A Brest, les carottes bio ont finalement convaincu et la consommation de salade de ce type a doublé. En revanche, pas question de renoncer aux tomates conventionnelles, qui ont l’avantage d’atterrir sur les tables en toutes saisons. « Il y a ce qu’on sait être bon pour les gamins et ce qu’ils sont prêts à accepter ! », observe Thierry Velly. Bref, « ça va prendre du temps, prédit-il. Le goût, ça ne fonctionne pas par décret ! » Un chemin de croix, on vous dit.
Le forcing des mères
Un soir, après le conseil municipal, elles ont pris la parole pour réclamer du bio dans les deux cantines de la commune. Les élus de Gétigné, 3 00 habitants, à 20 km de Nantes (Loire-Atlantique), ont été décontenancés par ces huit mamans organisées en collectif et ultramotivées. Elles ont déjà convaincu le centre de loisirs de passer au bio pour les goûters et le maire a promis de les convier aux prochaines commissions de restauration. « On veut faire avec et pas contre la municipalité. ça va doucement, mais on avance », raconte Elizabeth Bourdin, l’une des fondatrices du collectif.
Ces militantes du quotidien tiennent le bon bout et surtout la bonne méthode. Car pour faire bouger les choses, il faut se faire entendre des édiles sans attendre le prochain appel d’offres qui scellera les menus des mouflets pour plusieurs années. La démarche de ce collectif pourrait bien trouver un large écho dans les rangs des mères. D’après le baromètre annuel de l’Agence BIO, 78 des parents des enfants privés de bio à la cantoche souhaiteraient que la tendance s’inverse. Ils sont même prêts à voir l’addition augmenter de 6 .
Suivez les guides
L’association Un Plus bio réunit des gestionnaires,des élus et des parents qui s’impliquent et innovent dans la restauration collective bio. Sur son site, des témoignages et des outils pour sauter le pas
– Des producteurs de la Fédération nationale d’agriculture biologique ont créé leur plateforme dédiée à la cuisine en collectivité. Au menu, des idées de repas alternatifs ou des explications sur le fonctionnement des marchés publics
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