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Vise le green

Par Benjamin Cliquet
21-07-2011

À Kalundborg, du Gunter Pauli avant Gunter Pauli

À Kalundborg, du Gunter Pauli avant Gunter Pauli
(Kalundborg, Danemark)
Ayant trouvé les idées de Gunter Pauli (entrepreneur belge) simplement géniales, voici, en guise de dernier article avant un bilan de blog très particulier, un résumé (une fiche de lecture pour les puristes) de "Croissance sans limites – Objectif zéro pollution" de Gunter Pauli que je couple à l'exemple de la symbiose industrielle de Kalundborg, au Danemark.

En février dernier, je découvrais Gunter Pauli avec cet article. Curieux, j’ai lu un de ses livres "Croissance sans limites – Objectif zéro pollution". Il m’a fait beaucoup réfléchir, non seulement parce que je n’avais jusque-là jamais entendu parler de ces idées très enthousiasmantes, mais également parce que je me suis senti directement concerné. Il propose une "révolution verte" non pas par le biais de la politique mais du secteur privé, par la création d’entreprises nouvelles et par l’apprentissage, notamment, de nouvelles méthodes de management. Il cite d’ailleurs explicitement les écoles de commerce pour que nous (je suis étudiant d’école de commerce) modifions nos cours de management.

"Tout homme politique, tout dirigeant d’entreprise, devrait savoir qu’il est possible d’améliorer la productivité d’une entreprise en créant plus d’emplois et en réduisant spectaculairement la pollution". C’est ainsi que débute le chapitre 1, et les 200 pages suivantes expliquent le comment. Prenant exemple sur la nature, l’idée est de réutiliser tous les déchets produits pour les rendre productifs. Ainsi, tout déchet est réinséré dans le système productif et devient une matière première valorisable. Il développe ainsi une approche Upsizing, par opposition au Downsizing, c’est-à-dire qu’en rendant valorisables des matières inutilisées, l’intérêt est de développer l’activité, le chiffre d’affaire et donc créer des emplois (le downsizing en anglais est d’abord la suppression d’emploi).

G. Pauli n’est pas un allumé qui avance des théories dans le vide, il sait de quoi il parle : en 1994, il a créé le Zero Emission Research and Initiatives (ZERI), organisme de recherche qui aide à mettre en place, notamment, des systèmes zéro pollution. Il s’appuie donc sur beaucoup d’exemples et de chiffres. "Avec en moyenne 95% de déchets, c’est moins de 5% de la production agro-forestière qui est réellement utilisé. Si nous adoptions un système économique qui utilise 95%, voire 100% de cette masse, nous pourrions satisfaire 20 fois plus de besoins matériels sans que la Terre ait à produire davantage." Un des problèmes qu’il cherche à résoudre est la crise alimentaire. Et comme il le dit, ce n’est pas en injectant des produits chimiques pour augmenter la productivité de la Terre que l’on s’en sortira mais en augmentant la productivité des matières premières, en faisant disparaitre la notion de déchet. Il parle alors de deuxième révolution verte, après la révolution alimentaire en Inde : "une révolution axée sur l’exploitation des déchets , qui corrige les inefficacités les plus criantes et créé une diversité".

Plutôt que chercher à faire une synthèse parfaite (impossible), voici quelques passages qui m’ont marqué :
- "Si l’humanité reste dans l’illusion que la planète produira toujours plus, elle va au devant de cruelles déceptions. Si, au contraire, elle apprend à mieux exploiter ce que la Terre produit déjà, alors, satisfaire la totalité de ses besoins en eau, nourriture, soins de santé, abri, énergie et emplois, deviendra de l’ordre du possible."

- Il utilise à de multiples reprises l’exemple de la brasserie qui pourrait produire des champignons, aliment apparemment très nourrissant : "lorsqu’une brasserie de bière souhaite transformer ses déchets de céréales en aliment pour le bétail, elle doit leur faire parcourir de longues distances, à un coût élevé. Or, si une boulangerie s’installait à côté de la brasserie, elle disposerait gratuitement de près de 50% des matières premières dont elle a besoin pour produire son pain ! Mieux encore : si une ferme à champignons s’établissait près de la brasserie – et nous savons que cela est possible car nous l’avons fait en Namibie et au Canada – cette ferme produirait une tonne de champignons pour quatre tonnes de déchets céréaliers."

- Enfin, le passage qui m’a le plus marqué. Si ce livre m’a rendu plus optimiste que je ne l’étais, il m’a aussi rendu songeur chaque fois que je me vide une bière : "Si les Chinois en viennent à consommer en moyenne une bière par jour, ils rattraperont les Japonais, les Allemands et la moitié des Américains, et ils accapareront alors le marché mondial de l’orge. Le prix de l’orge et du houblon sera multiplié de deux à cinq fois (deux fois seulement si les Chinois ne boivent qu’une bière de plus par semaine). Puisque quelques 300 millions de Chinois disposent déjà du revenu nécessaire pour dépenser 3$ par jour pour une bière, les classes moyennes émergentes sur la planète vont se trouver en concurrence pour la ressource. En effet, la totalité de la récolte mondiale d’orge suffira à peine à étancher la soif des Chinois." Il explique également, plus loin, que les brasseries gaspillent énormément d’eau. Pour l’instant, ce n’est pour moi qu’une anecdote que je raconte sourire aux lèvres. Pas simple, avec le réchauffement climatique, de se calmer sur la bière (en complément, cet article de Rue89)...

Il y a déjà des concours du plus gros buveur de bière en Chine. Vous les remercierez quand vous paierez 5€ votre pression.

Pourquoi insérer cet article dans mon épisode danois ? Parce que j’ai découvert que plusieurs entreprises avaient appliqué les idées de G. Pauli avant G. Pauli, à Kalundborg, au Danemark. Peder Andersen, le seul professeur que j’ai pu rencontré là-bas, ne pouvait pas me renseigner sur le sujet. Alors voici simplement un condensé d’un document trouvé sur internet pour comprendre comment et pourquoi a été créée cette "symbiose industrielle", comme on l’appelle :

"Interview de Jorgen Christensen, Consultant pour l’Institut de la symbiose Kalundborg Danemark depuis 1990, réalisé par Jean-François Vallès Synopter dans le cadre du reportage "Des idées pour l’entreprise de demain" (2001).

C’est un réseau environnemental et de ressources qui a émergé ici à Kalundborg, entre quatre entreprises et une collectivité. L’idée était d’économiser des ressources et de créer un avantage au niveau de l’environnement. [...] La coopération n’a rien d’extraordinaire, c’est juste du bon sens. Quand deux entreprises ont commencé à penser que la réutilisation des déchets d’une entreprise serait une chose SMART [Spécifique, Mesurable, Atteignable, Raisonnable Temporellement défini].

Les partenaires sont : Asnaevaerket, une usine de production d’électricité au charbon, la plus grande du Danemark, la raffinerie Statoil, la plus grande aussi du Danemark, Gyproc qui fabrique du placoplâtre et d’autres matériaux de construction, Novo Nordisk qui est une société pharmaceutique, et la ville de Kalunborg comme prestataire de services et fournisseur d’électricité et d’eau. Récemment deux entreprises ont rejoint le réseau de symbiose.

Le réseau a commencé quand la raffinerie a été localisée ici au début des années soixante. Une raffinerie a besoin de grandes quantités d’eau pour le refroidissement. L’eau ne pouvait pas être prise dans le système classique. Il y a eu un accord entre Statoil et la collectivité pour la mise en place d’un système d’acheminement de l’eau d’un lac. Ses besoins ont augmenté et ils ont cherché alors de nouvelles sources d’approvisionnement. Elle a ainsi développé des échanges avec trois autres entreprises.

Un autre projet est apparu au début des années soixante-dix, Gyproc, l’usine qui fabrique du Placoplâtre, utilisait beaucoup d’énergie pour le chauffage du gypse et du plâtre. Ils se sont demandés s’ils ne pouvaient pas utiliser les excès de gaz de la raffinerie comme source d’énergie pour le processus de séchage. Cela n’avait jamais été fait [...].

Petit à petit les coopérations entre les entreprises se sont développées. En 1998, il y a eu un des plus grands projets : la fourniture de vapeur entre l’usine de production électrique et la raffinerie et Novo Nordisk. [...] La fourniture de vapeur a toujours été de bonne qualité. Elle est transportée par des pipelines de 3 kilomètres. Les travaux ont été faits en même temps que la collectivité qui agrandissait son réseau de chauffage central. La collectivité profita donc aussi de cette fourniture de chaleur. [...]

La symbiose s’est principalement intéressée à trois domaines : optimiser l’utilisation de l’eau, économiser de l’énergie et réutiliser les déchets. [...] Par exemple, quand la raffinerie utilisait de l’eau de refroidissement, de l’eau du lac, elle la rejetait après dans une rivière. L’usine de production d’électricité a émis l’idée de réutiliser cette eau de refroidissement. Même si elle était un peu chaude, ils pouvaient l’utiliser. Ils ont économisé de l’eau en mettant un pipeline entre l’usine de production d’électricité et la raffinerie. [...]

Vous entendez régulièrement les gens dire que l’environnement coûte de l’argent, mais pas ici. Tous les projets ont été réalisés dans une approche gagnante-gagnante dans le sens où ils n’ont pas dépensé d’argent mais au contraire en ont gagné ou économisé. [...] Les entreprises ont compris par elles-mêmes qu’elles avaient intérêt à coopérer."

On remarque de très nombreuses similitudes entre les idées introduites par G. Pauli et cette "symbiose industrielle" à Kalundborg alors qu’il n’y a pas de lien entre les deux. Je crois d’ailleurs que ZERI, l’organisme créé par G. Pauli, n’est pas encore parvenu à mettre en place un système "Zéro pollution" à une si grande échelle, avec des entreprises aussi importantes (ZERI s’applique plutôt à créer les entreprises, et presque toujours dans les pays en développement). Merci d’être arrivé au bout de cet article qui conclut mon épisode danois mais également ce blog. Enfin pas tout à fait, puisque je vais publier très prochainement un article-bilan un peu particulier (déjà écrit).

À très bientôt, Visez l’green, Ben

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