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Vise le green

Par Benjamin Cliquet
4-04-2011

Le rôle des villes dans la hiérarchie mondiale

Le rôle des villes dans la hiérarchie mondiale
(Les Jeux Olympiques d'hiver 2010, une opportunité de développement et de communication pour Vancouver)
Par ce projet de "Ville la plus Verte", Vancouver a l'ambition de devenir une ville mondiale, si ce n'est pas déjà le cas. Et finalement, à peu près toutes les grandes villes y aspirent. Quel en est l'intérêt ? Qu'est-ce qu'une ville mondiale ? Eugene McCann, professeur de géographie à la Simon Fraser University de Vancouver, nous répond.

Je suis allé à la rencontre d’Eugene McCann, écossais comme son nom (et son accent) l’indique et professeur de géographie à la SFU, qui vient de publier un papier intitulé "Policy boosterism, policy mobilities and the extrospective city" (que je me garderai bien de traduire). De nombreuses analyses qu’il fait des villes mondiales s’appliquent tout particulièrement à Vancouver qu’il prend régulièrement en exemple. Pour vous introduire les notions que j’ai trouvées passionnantes, et pour rester dans l’analyse du projet de Vancouver Greenest City, voici un premier article sur un des principaux aspects qu’il traite dans ce papier : le rôle des villes mondiales.

Il est devenu très important de "se signaler sur une carte", d’avoir un profil mondial. D’un point de vue politico-économique, avoir un profil mondial permet aux villes :
- d’attirer de nouveaux investissements (entreprises et tourisme) ;
- d’être plus compétitives ;
- d’attirer et d’encourager les nouveaux habitants à rester qui sont aussi des nouvelles sources de revenus pour la ville par le biais des impôts ;
- d’agrandir le marché local potentiel.

Donc de ce point de vue, avoir un profil mondial est aujourd’hui vu comme "le principal moyen pour les villes de briller et d’être prospère". En effet, elles peuvent ainsi obtenir assez d’argent pour fournir les différents services et infrastructures dont les habitants ont besoin, tandis qu’avant les années 1970, la plupart des capitaux des gouvernements locaux venaient des impôts et des gouvernements provincial et fédéral. Mais ces sources tendent à se tarir donc les villes ont dû attirer davantage d’entrepreneurs et trouver de nouvelles sources de revenus. Et, une de ces nouvelles sources est d’avoir une image mondiale et d’être attractive sur le marché mondial.

Dans la littérature géographique, avec des écrivains comme John Friedman, il est dit que les villes qui s’identifient comme mondiales sont celles qui "ont des fortes concentrations de services haut de gamme spécifiques" réalisés par des entreprises fournissant des services de droit international, de publicité internationale, de comptabilité, etc. Au Canada, Toronto est la ville qui rassemble le plus de services comme ceux-ci. Vancouver ne peut pas rivaliser pour ce genre de services mais elle peut être compétitive en terme de réputation pour être verte et avoir une qualité de vie élevée. C’est ce que la ville essaie de faire. Il y a donc une compétition mondiale pour attirer les investissements mais aussi les habitants.

La question est ensuite de savoir si ces villes (et les acteurs urbains) peuvent avoir une influence, un rôle à jouer dans la hiérarchie mondiale. Selon Eugene, elles ont une influence et continuent à essayer d’accroître celle-ci. Mais bien entendu cela dépend des situations. Pour les Jeux Olympiques d’hiver 2010, par exemple, les entreprises locales et la ville de Vancouver sont parvenus à influencer le gouvernement fédéral pour être la ville du pays qui serait en liste pour devenir la ville choisie pour les Jeux, sachant que les Jeux Olympiques ne sont pas simplement deux semaines de compétition sportive : ils participent à un important développement de toute la région (infrastructure, bâtiments, installations sportives...).

L’origine de la publication d’Eugene était le cas des maires de Vancouver et Toronto qui essayaient d’influencer Stephen Harper, le Premier Ministre du Canada, en vue du Sommet de Copenhague et sur le dossier des sables bitumineux en Alberta. "Il n’est pas sûr qu’ils aient eu une véritable influence sur lui". La difficulté était que ces deux maires et le Premier Ministre venaient de milieux politiques très différents et que les partis politiques diffèrent entre le niveau local, le niveau provincial et le niveau fédéral.

La "mobilité politique"

Malgré tout, ce qui est intéressant de noter c’est qu’à Copenhague, par exemple, il y avait un sommet pour les maires du monde entier juste avant le sommet international pour les gouvernements nationaux. Au Canada, il existe une fédération national des villes qui essaie d’influencer les gouvernements. Et au niveau international, il y a un organisme similaire : ICLEI. Donc plutôt que des politiques de ville isolées essayant d’avoir une certaine influence, les villes s’associent et sont désormais des acteurs capables de jouer un rôle au niveau international. Certaines villes doivent même être mises en avant et protégées pour la réputation et l’économie d’un pays. New York et le New York Stock Exchange (NYSE, bourse de Wall Street) en sont les meilleurs exemples.

Mais l’influence d’une ville peut être moins politique. La "mobilité politique", selon les termes d’Eugene, est une "expression qui évoque la production sociale et la circulation du savoir sur les meilleures façons de concevoir et gouverner les lieux". C’est ce que tente de faire Vancouver, avec une communication omniprésente en espérant que les autres villes du monde puissent s’inspirer de leur démarche. On a en effet déjà vu des villes s’inspirer de certaines autres en terme d’urbanisme par exemple. Vancouver est bien placée pour en témoigner puisque ce sont des promoteurs venant de Hong Kong qui ont bâti une partie de Vancouver, les parties où ont immigré de nombreux habitants de Hong Kong après la crise asiatique de 1997. On peut ainsi trouver des similarités dans l’urbanisme de Hong Kong et Vancouver, sans trouver de réplique exacte puisque les promoteurs ont bien sûr dû adapter l’urbanisme au contexte local.

(Le tramway "à l’européenne" à Vancouver)

Le tramway de Bruxelles

Pendant des années, les gouvernements nord-américains ont voyagé en Europe et en ont ramené des rapports, des photos et même des experts qui venaient pour dire ce qui allait et n’allait pas dans les villes américaines. Mais "ça n’a jamais semblé mené quelque part". Pendant les Jeux Olympiques, Vancouver a fait venir des tramways de Bruxelles. "Les citoyens pourraient alors vivre l’expérience du tramway "à l’Européenne"". Même s’il reconnait que les tramways européens sont excellents, Eugene considère que les habitants de Vancouver y sont encore réticents, ce qui est fréquent en Amérique du Nord. Les habitants ont peur :
- que les tramways renversent les enfants ;
- que les magasins le long des voies de tramway perdent des clients ;
- que cela favorise les embouteillages.

Au début, les gens trouvaient l’idée de ramener ces tramways d’Europe ridicule, "du gaspillage d’argent", me confiait Amanda Mitchell, analyste en urbanisme pour le projet Vancouver Greenest City. Mais finalement, "c’était la solution la plus brillante qui soit pour apporter les tramways à Vancouver". Les gens avaient des préjugés sur les tramways, ils pensaient que c’était "bruyant, dépassé, dangereux". Mais après cette expérience, les gens les trouvent "sexys, confortables, modernes, fantastiques...", selon Amanda. Finalement, même si les avis divergent sur le bien-fondé de l’expérience, la Translink (Autorité des Transports du Grand Vancouver) est en train de préparer la venue du tramway à Vancouver.

Vancouver essaie donc de partager son expérience, sa démarche, ses solutions... "Ils pensent réellement qu’ils ont fait des bonnes choses, et c’est le cas, et ils ont le sentiment qu’ils peuvent aider d’autres villes en racontant leur histoire. C’est une démarche valide mais par moments on a l’impression qu’ils sont davantage en train de vendre leur projet qu’en train de sincèrement conseiller certaines pratiques." Cette conclusion nous vient des Highlands, d’Eugene McCann, que l’on retrouvera au prochain article où il nous expliquera plus longuement cette critique du projet de ville la plus verte de Vancouver.

A bientôt, Visez l’green, Ben

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