Une nouvelle force me tire vers le haut. En un instant, j’ai grandi de quelques mètres. Je me suis immobilisée et j’ai senti des branches me pousser du torse, du ventre, du dos, de la tête. Du bout de mes doigts les feuilles frissonnent et dansent sous le vent. Vert, jaune, brun… impressions fugaces d’un jour de printemps. Mes doigts de pieds ont pris du volume, ils creusent la terre et commencent à me nourrir de terreau. Bientôt, ils formeront une grille souterraine qui ne laissera rien passer qui puisse aider à mon développement. Ils s’allongent toujours plus pour rejoindre cet élément impalpable et fluide si essentiel à ma survie en cette saison sèche. Mes feuilles ont commencé à vieillir. Elles jaunissent puis rougissent et finissent par me larguer formant un tapis bruissant sous les pattes des petits animaux à la recherche de réserves pour la saison morte qui approche. Je tremble sous les tempêtes. Une de mes branches-bras s’est brisée sous les assauts impétueux de la tourmente. Elle repose maintenant à mes anciens pieds et entame une décomposition lente pour venir à nouveau se fondre dans la terre nourricière. Je me réveille soudain de mon sommeil hivernal. Les griffes d’un animal se plantent dans ma chair-écorce… écorché vif par… par qui ? Par quoi ? Les serres se transforment en objets pointus, tranchants, vrillant, vibrants, se frayent un chemin jusqu’à mon cœur. Je vacille, mon torse se sépare de mes bras. Ma canopée vient heurter mes voisins avant de s’abattre sur cet humus qui m’a tant donné et qui m’a construit, que j’ai aimé et qui me l’a rendu. Je respire encore, on me soulève, on m’emporte après m’avoir fait perdre la tête. Humain qui sur cette table en bois écrit, pense à moi, pense à cet organisme un jour vivant, le lendemain en planche transformé.