Vise le green |
Par Benjamin Cliquet |
20-07-2011
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Christiania vu par ses habitants |
Dans le quartier de Christianshavn à Copenhague, Christiania, autoproclamée "ville libre de Christiania", est complètement atypique puisque cette communauté est autogérée. Christiania a 40 ans cette année. Les bâtiments appartenaient à la marine danoise mais, suivant la vague de révolte sociale initiée en France en 1968 et passée par les Etats-Unis, la jeunesse de Copenhague s’est simplement emparée des lieux en les occupant.
L’idée est que les règles sont basées sur le consensus. "Nous avons une démocratie consensuelle. Donc nous nous parlons encore et encore jusqu’à ce que nous trouvions une solution. Ca ne vient pas du haut de la pyramide, ça vient du bas", explique Bjarne, artiste et habitant de Christiania quasiment depuis le début, soit presque 40 ans. "Nous avons juste des règles pour les choses élémentaires", poursuit Bjarne (interdit de tuer, de voler ou de porter un uniforme par exemple). Tous les habitants doivent également assister à des "réunions".
Mais ces règles n’interdisent pas la vente de drogue, c’est pourquoi la consommation s’y est largement développée. Des criminels sont également venus s’y cacher puis les conflits avec les forces de l’ordre se sont multipliés. La pression s’est faite de plus en plus forte sur Christiania ces dernières années, avec des restrictions sur la liberté de construire par exemple ou encore sur la consommation de drogue, toujours illégale au Danemark. Le mois dernier, le gouvernement est parvenu à un accord avec les habitants pour que ceux-ci se débarrassent des criminels et, mesure plus symbolique, paient un loyer pour leur logement, puisqu’ils s’étaient emparés des bâtiments sans jamais payer quoi que ce soit jusque-là.
Peinture à une des entrées de Christiania
"Christiania représente ce qui peut se produire si les gens ont davantage de liberté dans la société. [...] Pendant presque 30 ans, nous avons plus ou moins décidé de tout ce qui devrait se passer ici. Et ça a été un succès", explique Bjarne. Un succès, pourquoi ? "Parce que quand les gens ont davantage de liberté pour décider de leur propre vie, tout est plus calme, plus tranquille". Je suis également allé à la rencontre de Nina, Kia et Anna, qui prenaient leur collation dans leur jardin, sous le regard des touristes (quand je leur ai demandé leur autorisation pour leur poser quelques questions, elles m’ont répondu en souriant que j’étais "le troisième de la journée"...). "Christiania appartient à tout le monde" complètent-elles, c’est un "centre de création pour tout Copenhague".
J’étais curieux de savoir s’ils se considéraient comme des dissidents, s’ils protestaient contre quelque chose en particulier. "Il y a tellement de gens ici, nous protestons chacun contre des choses différentes", m’ont répondu les 3 filles. Bjarne fut plus précis : "Je proteste contre le fait que les gens ont trop peu de liberté. [...] La façon dont je vis est devenu une façon de protester car je vis ma vie comme je le veux". Et puis il n’a pas pu s’empêcher de finir en "crachant" sur le capitalisme : "Je ne suis pas un socialiste ou quoi que ce soit, mais ce capitalisme c’est vraiment de la merde" ("damned shit", si vous avez une meilleure traduction...).
Mais je ne veux pas donner d’eux l’image de simples rebelles, ce n’est pas l’impression que j’ai eue. Je pense que c’est une expérience qui, même si le résultat ne nous convaincra pas complètement d’appliquer ce système à plus grande échelle, n’est pas dénué de tout intérêt. C’est bien de trouver des lieux comme celui-ci en Europe qui nous rappelle au moins que nos systèmes politiques et économiques classiques ne sont pas des évidences. Et puis, pour retourner plus précisément à mes sujets de prédilection, les habitants de Christiania, venant de "partout dans le monde" selon Nina, essaient de développer un mode de vie écologique. Christiania "essaie de montrer que c’est possible de vivre d’une autre façon. Nous ne sommes pas les meilleurs mais nous essayons de développer des moyens alternatifs de chauffer l’eau ou produire de l’énergie". Les hippies des années 1970 sont probablement devenus, pour beaucoup, les écolos d’aujourd’hui.
Prochaine et dernière étape danoise : Kalundborg.
À bientôt, Visez l’green, Ben
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