En direct du 125e bouclage de Terra eco - Chapitre 2

- Précédemment dans Terra eco :

 Episode 1

Jour 2.

Ambiance lourde. Les débats nocturnes ont eu raison d’une daurade et d’une bouteille de lait pour la Une. Le photographe vient de recevoir son ordre de mission. Tout semble sous contrôle. Casting en cours et post-production bookée. Le magazine prend ses formes. Au mur, les premières pages et les premières critiques qui fusent déjà (non le dessin esquissé sur un coin de table graisseux ne sera pas la une définitive, c’est juste un crobard, une idée quoi) . Mais pas d’inquiétude. 124 bouclages au compteur : il en faut davantage à Terra pour plier devant l’adversité.

10h - On accueille une équipe vidéo de l’université de Nantes qui vient tourner le récit de l’incroyable ambition du projet Terra responsable. Lise Feuvrais, responsable du dossier RSE à Terra prend les choses en main. Mais paniquée par l’enjeu, elle file visionner l’enregistrement de la dernière émission de Julien Courbet, pour trouver l’inspiration et ne pas stresser en interview. Peine perdue. Il lui faut une petite dose de Mimie Mathy dans Joséphine Ange gardien (épisode 452) pour pouvoir lâcher les chevaux.

Il en faut plus pour déstabiliser Baptiste Brelet, recrue historique du pôle commercial. Baguettes en main, il attaque ce matin le pôle sud-est de l’Ile-de-France au téléphone. L’homme est serein. Aujourd’hui, c’est mardi, jour du Déjeuner chez Poule et Pates. Tout est sous contrôle.

10h01 : Je croise Denis - le directeur artistique - et Karen - la rédac-chef du mag - qui vont faire une pause.

11h04 : Karine Le Loët ouvre un œil.

15h : Denis termine sa pause

16h : La Une est reléguée aux oubliettes. Affaire classée. Tout se jouera au shooting dans la nuit de mercredi. Denis avale une tisane et prie pour que Polanski ne retourne pas en cage.

16h15 : Karen se calme. Elle profite d’une pause de 12 secondes pour manger son dessert. De la veille.

16h38 : Apparition numérique du directeur de la publication. Walter Bouvais en vadrouille à Paris se souvient qu’on est en bouclage. Il décide de revenir sur Nantes. Puis se ravise. Finalement il s’arrête à la station Bonne Nouvelle et étudie le modèle économique de Direct Soir.

17h : Hélène Duvigneau, notre correspondante à Pékin glisse un orteil sur le Web et lâche une chronique sur le gouvernement japonais en forme d’écrevisse.

17h02 : Angeline Montoya, notre correspondante à Buenos Aires se réveille et dans un pas de milonga m’adresse un bonjour dont elle a le secret.

18h : Cécile Cazenave - dite Lacaze - manque de se prendre une porte en rentrant déjeuner au Terrier (le repère de pigistes frères de sang). Elle murmure - comme elle sait si bien le faire - une injure à l’attention des multinationales du Cac40.

19h42 : Rouge vif, Denis tente de dézinguer une typo - de trop - dans le mag. Karen, douce et raisonnable retient sa main. On a presque failli avoir une page colorée.

(Maïté, et son casque design) - Crédit Afp/Reuters/AP

19h48 : Julien (du pôle abonnements) - l’homme au téléphone greffé sur l’oreille gauche - joue le tout pour le tout et tente d’abonner un abonné. Problème : cet abonné est précisément déjà abonné. Julien quitte la salle perplexe. Il ne reviendra plus ce soir.

19h51 : Karine Le Loët ouvre l’autre œil

20h00 : Denis quitte la scène. Il refuse la soirée pizza. Ecarte d’un revers la proposition sushis et s’engouffre dans la nuit. On se débrouillera seuls. Sympa.

20h12 : Maïté, l’éditrice ricane curieusement. Elle ôte son drôle de casque bleu (de chantier) et finit sa poire qu’elle mélange (eh oui les deux se ressemblent) avec un concombre.

(François/Pancho ricanant) Crédit : ABN

20h12 : François, le second secrétaire de rédaction placé sur une autre mission stratégique, fait semblant de s’émouvoir des consignes de sécurité et de la mise sur écoute de l’ensemble des salariés de Terra. Il reçoit un gage de cloche-pieds A/R dans l’escalier de nos locaux.

20h44 : Ma boîte-mails s’ouvre enfin. Et se referme. Je tente un pari risqué : télécharger la version 1.1 de The Bat. (Le dernier individu identifié à avoir tenté ce geste est un Burkinabé du pays Dogon en juin 1984.). Echec.

21h00 : Karen accuse réception du papier clé du mag. Elle coche "nuit sacrifiée" sur son agenda pour la nuit prochaine. Et la suivante. Philippine Arnal notre envoyée spéciale permanente pour longtemps en Vendée pousse un soupir de soulagement. Elle vient de comprendre qu’à J-presque rien, il était temps qu’elle s’arrête pour accoucher en paix.

(Karine, les deux yeux ouverts) - Crédit : Magnum

21h00 : J’appelle Philippine pour la tenir en alerte histoire qu’elle se tienne prête en cas de reportage imprévu. Une vieille astuce de management inspirée de la tradition hmong.

21h18 : Je constate que l’équipe parisienne de Terra a déserté. J’envoie un mail urgent à notre service des ressources humaines.

21h36 : François Prosper (Mister Infographies dans le mag / vous savez les schémas cools qui aident à comprendre les articles incompréhensibles et pénibles de tuuuut et de tuuuut) déserte. Il s’exile pour un obscur congrès à Pamplona. C’est cela. Curieux que ces congrès en pleine semaine n’aient jamais lieu à Gdansk, Guéret ou Kosice.

21h39 : La halle industrielle n°6 de l’Île de Nantes où est installée Terra est plongée dans le silence. Il est temps de plier bagages et de rentrer au bercail. C’est la partie intimiste du bouclage qui commence. Du face à face entre l’ordi et nos caboches. Mais à la maison...

22h04 : Karine Le Loët ferme un œil. Et ainsi de suite...

 Voir la suite