Une fois n’est pas coutume. Les associations de protection de l’environnement ont globalement applaudi les décisions issues des tables rondes du Grenelle de la mer. "Ce discours, le premier du genre à ce niveau politique, peut (...) constituer un véritable changement de cap dans la politique maritime française, s’il est suivi d’effets tangibles", souligne France Nature Environnement. "Le bilan tiré aujourd’hui de ces 5 mois de travail est globalement positif avec des engagements structurants pour la protection de la mer et du littoral et l’intégration de critères écologiques et sociaux dans de nombreux domaines", écrivent pour leur part WWF et Greenpeace dans un communiqué commun. Petit tour des engagements majeurs pris à l’issue des tables rondes du Grenelle de la mer :
- La mer sous haute protection. 20% des eaux territoriales françaises seront converties en "Aires maritimes Protégées" d’ici à 2020 dont la moitié en réserve marines. Aujourd’hui, ces APM ne couvrent que 0,59% des 11 millions de km2 d’eaux françaises. "Un engagement historique", pour WWF et Greenpeace. Si elle est appliquée, la mesure ferait de la France "un leader mondial en termes de protection de la biodiversité et de gestion des pêches." Dans ces zones en effet, des mesures de gestion particulières sont mises en œuvre (limite de la pêche, respect des stocks) pour protéger le milieu marin.
- La faune plus respectée. Fini les tergiversations, la France promet désormais de soutenir l’inscription du thon rouge à la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES). Oui mais à condition qu’il soit inscrit à l’annexe 1 du texte réservée aux espèces les plus menacées, soulignent les associations. Une catégorisation qui interdira le commerce international de ce poisson voué à disparaître dès 2012. Ailleurs, le Grenelle s’engage aussi à bannir le finning, soit la découpe d’ailerons sur les squales vivants avant de les rejeter à la mer. Et à ne pas renouvellement les licences des bateaux qui pêchent le requin taupe. Mais ce non-renouvellement "ne s’effectuera qu’au moment du départ à la retraite des pêcheurs. Un délai qui conduira cette espèce à l’extinction !", s’alarme néanmoins la Fondation Nicolas Hulot.
- Haro sur la pollution. L’objectif est là encore de taille. Il s’agit pour le gouvernement d’atteindre "zéro rejet urbain non traité en mer" d’ici à 2030. En métropole, où les stations d’épuration fleurissent, la tâche paraît aisée, mais en outre-mer, 30% des eaux usées sont encore rejetées sans traitement vers la mer... Pour lutter contre les déchets flottants, le gouvernement a décidé de mettre les hommes de la mer... au boulot. Les marins seront érigés en Sentinelles de la mer. "L’idée est de s’appuyer sur eux comme sur un énorme réseau scientifique", a souligné le ministre de l’Environnement Jean-Louis Borloo. Grâce à leur aide, il s’agira de collecter 5 000 tonnes de déchets par an d’ici à 2012 (soit 5 fois plus qu’aujourd’hui). Le gouvernement promet enfin de réduire de 40% l’usage de phosphates et nitrates dans les zones les plus fragiles. "Cela ne permettra pas de venir à bout du déplaisant phénomène des ’algues vertes’ qui pèsent sur le milieu, le développement touristique, et les finances des collectivités territoriales", tempère néanmoins FNE.
- Coup de pouce pour les énergies marines. L’objectif du gouvernement est simple : la mer devra fournir 6 000 MW d’énergie en 2020. Au programme des chantiers donc : des hydrauliennes, des éoliennes flottantes ou encore deux projets houlomoteurs (générateurs captant l’énergie des vagues).
Reste quelques zones floues. Si le texte, prévoit de proposer "un objectif mondial de réduction des gaz à effet de serre du transport maritime", qui échappe encore aux limitations de pollution, il ne donne ni ordre d’idées, ni calendrier. Rien non plus sur "la maîtrise de la ’bétonnisation du littoral’" ou "le démantèlement des navires en fin de vie" regrette la FNE. Rien encore sur le chalutage profond, souligne la Fondation Nicolas Hulot. "Et ce bien que le Grenelle ait acté le caractère fondamentalement non-durable de cette pêche." Reste aussi à régler les modes de financement de ces ambitieuses mesures. Un groupe de réflexion devrait plancher sur le sujet à partir de septembre et ce, pendant six mois.
Alors en attendant, les associations, qui ont sans doute tiré les leçons du Grenelle de l’environnement après lequel elles avaient aussi affiché un satisfécit général, préfèrent rester prudentes. WWF et Greenpeace disent espérer "que cette volonté politique n’échouera pas sur les écueils de la haute administration des ministères concernés", tandis que FNE se dit "lucide sur le fait qu’il y a loin de la coupe aux lèvres". La Fondation Nicolas Hulot, elle, parle d’un "bel essai à transformer".
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