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Vise le green

Par Benjamin Cliquet
20-12-2010

La gestion des déchets en Finlande

La gestion des déchets en Finlande
(Décharge publique à Lohja, encapsulée et enneigée, ce mercredi 15 décembre.)
Dix semaines passées en Finlande à la rencontre d'experts du développement durable, en priorité sur la gestion des déchets. Tel était mon projet ici à Helsinki. Mission accomplie : voici une courte étude sur la gestion des déchets en Finlande. Tri, traitements, collectes et recyclages des différents déchets... vous saurez (presque) tout.

Pfiou !... Il était moins une ! Enfin "moins un" (jour) plus précisément. C’est la veille de mon départ d’Helsinki et pour mon dernier article depuis la Finlande que je vous propose enfin d’en apprendre un peu plus sur mon sujet principal ici : la gestion des déchets. J’ai attendu longtemps, mais vous ne serez pas déçus. Cet article (livré pour la première fois avec un jour de retard, je m’excuse auprès de ceux qui l’auront noté) a été rédigé à partir des entretiens avec : Ari Ekroos, professeur de droit environnemental à l’université d’Helsinki ; Johanna Laaksonen et Maria Törn, chercheuses et professeures en technologie environnementale à l’université Aalto ; Stig Lönnqvist, directeur général de Rosk n Roll ; Eeva Luhtakallio, docteur en sociologie à l’université d’Helsinki ; Esko Meloni, membre de la Finnish Solid Waste Association ; Katja Moliis, conférencière, chercheuse et professeure en économie environnementale à l’université d’Helsinki. Vincent Joly, conseiller export à Ubifrance à Helsinki, m’a également fourni une aide précieuse. Merci à eux, kiitos.

Introduction

Rosk N Roll, que je prendrai régulièrement en exemple dans l’article, compagnie détenue par les municipalités environnant Lohja (à 50km au nord d’Helsinki), gère 9 communes pour 140 000 habitants. HSY, la compagnie de gestion des déchets de l’agglomération d’Helsinki, gère quant à elle 4 communes pour environ un million d’habitants. Il existe 35 compagnies régionales telles que celles-ci et aucune municipalité, responsables des déchets ménagers, ne travaille seule.

La gestion des déchets fonctionne selon les législations, à peu près les mêmes dans tout le pays. La densité la plus élevée de Finlande est à Helsinki (la collecte est donc bien plus facile que dans les autres régions), mais le pays est grand pour une petite population, alors pour atteindre les objectifs de recyclage, il doit y avoir tout de même des différences de gestion selon la densité des villes ou des régions (plus la densité est élevée, plus on collecte de types de déchets différents, de même que plus il y a d’appartements dans un même bâtiment, plus il y a de déchets différents collectés au pied de ce bâtiment). Il existe donc des différences sur les modes de tri : dans l’agglomération d’Helsinki, le biodégradable est collecté pour les installations de plus de 10 appartements (ce qui concerne 80% des habitants d’Helsinki) contre 5 dans la région de Lohja. Les différences de traitement influencent également les modes de tri : dans la région de Vaasa, à 400km d’Helsinki sur la côte ouest, le biodégradable est collecté séparément avec les déchets combustibles tels que le plastique car ils ont une machine qui trie ces deux types de déchets avant le traitement, tandis que la norme est plutôt de composter le biodégradable, donc de le traiter séparément.

Les principaux traitements

Les municipalités finlandaises doivent se conformer au nouveau Plan national de gestion des déchets que le gouvernement finlandais a validé en avril 2008. Celui-ci prévoit à l’horizon 2016 la revalorisation de 80% des déchets municipaux grâce au recyclage (50%) et à la valorisation énergétique. Sur 2,67 M de tonnes de déchets municipaux collectés en 2007, 953 274 tonnes (soit environ 35%) ont été recyclés, 235 901 (9%) revalorisés et 74 449 (3%) incinérés. Malheureusement, une grande quantité de déchets (53%) est déversée dans tri préalable dans les décharges publiques. Mais la quantité de déchets mis en décharge est progressivement réduite : en 2009, 46% des déchets des ménages étaient mis en décharge, 36% recyclés, et 18% brûlés avec récupération de l’énergie. Si l’on prend en compte la totalité des déchets (donc en rajoutant les déchets industriels), plus de 29 millions de tonnes sur 74 étaient, en 2007, recyclés ou récupérés sous forme d’énergie (soit 40% du total, contre 60% pour la mise en décharge. Les industries de la construction, de l’extraction et de l’exploitation minière étaient les secteurs qui produisaient le plus de déchets. Les déchets minéraux et forestiers et les fragments de métaux représentaient la majorité des déchets recyclés.

La mise en décharge reste donc la première destination des déchets. Depuis 2007, les décharges basiques sont interdites par l’UE (Rosk N Roll n’en a plus depuis 2000). Les décharges doivent désormais être équipées d’un système d’évacuation des eaux sales (dont une partie, 40% pour Rosk N Roll, peut être redirigée vers les centrales de traitement des eaux) et d’un système de récupération du méthane, gaz émis par les déchets en fermentation. Une partie, 60% pour Rosk N Roll, est toujours utilisée pour produire de l’électricité et de la chaleur mais l’efficacité est bien inférieure à celle des incinérateurs. Les 40% restants iront donc polluer l’atmosphère. La durée de vie d’une décharge est très variable, une vingtaine d’années à Lohja. Au bout de ces 20 ans, la décharge doit être "encapsulée", c’est-à-dire complètement recouverte. Différentes couches et différents matériaux sont utilisés pour cette capsule.

Il est cependant très cher de construire de telles décharges, et les taxes n’allègent pas la facture : 30€/tonne de déchets mis en décharge aujourd’hui, mais ce montant augmentera à 40€ en 2011 et 50€ en 2013. L’objectif est donc de réduire un maximum les quantités de déchets mis en décharge.

Décharge publique à Lohja.

Mais si le déchet a été, jusque là, plutôt mis en décharge en Finlande, c’est d’abord parce qu’il y a toujours eu beaucoup de place, contrairement à des pays comme le Japon qui à cause du manque de place ont dû développer des incinérateurs. En Finlande, il y a 3 incinérateurs : un à Turkku, un à Riihimäki, un à Kotka et 3 autres en construction : un à Vantaa, un à Vaasa et un dernier à Oulu. La part de déchets incinérés va donc largement augmenter dans les prochaines années. Certains incinérateurs sont uniquement pour les déchets combustibles créateurs d’énergie comme le plastique, et parfois le carton. En 2006, la législation pour les émissions de ces centrales est devenu tellement stricte que ça en a stoppé le développement, mais celui-ci a redémarré depuis. On ne brûle pas toujours les différents déchets séparément. Certains installations brûlent tout ensemble, d’autres séparément. Pour brûler ces déchets, un combustible est souvent utilisé (la tourbe, en Finlande, ou le bois). En Finlande, il n’y a quasiment pas d’incinérateurs de déchets qui ne récupère pas l’énergie dégagée : la chaleur (par la vapeur), et de l’électricité sont systématiquement produits. Du Refuse Derived Fuel (RDF) peut également être produit dans certaines régions à partir des déchets mixtes (ce qui n’est pas trié). Le RDF peut être utilisé pour produire de l’électricité .

La digestion anaérobique (=traitement à froid qui produit du biogaz, voir l’explication de l’ADEME pour en savoir plus http://www2.ademe.fr/servlet/KBaseS...) contient en fait les mêmes systèmes que les nouvelles décharges mais l’efficacité est largement supérieure. On obtient en un mois ce que l’on met un an à obtenir des décharges. Le biogaz est brûlé pour faire de la chaleur ou de l’électricité (en brûlant la chaleur). Les déchets agricoles sont souvent utilisés, et ce qui ne l’est pas est composté.

Mais les déchets ne sont pas forcément brûlés. Le recyclage de certains produits comme le papier mais surtout les bouteilles, pour lesquelles un système de consigne est en place depuis les années 1970, est une évidence. Le système de consigne a été instauré avant même que les idées écologistes ne se répandent, et cela a habitué les habitants depuis longtemps à agir ainsi, tout le système de recyclage a ensuite profité de ces bonnes habitudes. Ainsi, pour les bouteilles de boisson, le taux de retour est très élevé (plus de 90%). Cela fait de l’argent de poche pour les enfants, de l’argent pour les SDF... (ci-contre, machine dans lesquelles les gens peuvent ramener les bouteilles, contre 20 ou 30 centimes)

Le recyclage couvrirait aujourd’hui, en Finlande, environ 40% de la totalité des déchets (95% pour les déchets énergétiques comme le plastique). Les déchets mixtes représentent environ 50% et les 10% sont le biodégradable, mis en composte ou en digestion anaérobique.

La gestion des déchets dans le secteur privé

La gestion des déchets est un poids pour les entreprises parce qu’elles doivent respecter les normes, ce qui créé des coûts supplémentaires. Les normes les plus contraignantes sont la réduction des déchets mis en décharge. Les déchets dangereux sont également très contraignants. Les compagnies finlandaises sont en revanche relativement performantes dans le recyclage, notamment les industries forestières qui utilisent bien les déchets de bois, elles parviennent bien à en tirer de l’argent. Finnforest est ici un exemple très intéressant puisque cette entreprise de l’industrie forestière finlandaise parvient à dégager plus d’énergie qu’ils n’en consomment grâce au brûlage des sciures. L’énergie est redirigée vers le réseau local. Les entreprises ont d’ailleurs souvent plus d’intérêt à recycler. Mais il n’est pas toujours rentable de recycler en fonction de la demande sur le marché (la demande est élevée pour les déchets forestiers). D’ailleurs, et notamment dans l’industrie du papier, il y a même une certaine pression du marché qui incite à utiliser des matériaux recyclés. Ainsi, les fabricants de papier ont tout intérêt à utiliser du papier recyclé. Ils n’ont en fait pas assez de matières recyclées à utiliser car ils exportent énormément, les matières recyclées restent donc à l’étranger. Il n’est par ailleurs pas rentable du tout d’importer des matières recyclées. C’est pourquoi certaines entreprises finlandaises s’implantent à l’étranger pour pouvoir réutiliser le papier recyclé local. Le marché des matériaux recyclés est très fluctuant, il dépend de l’économie : par exemple, si le prix du pétrole est élevé, alors le prix du plastique l’est et celui du plastique recyclé l’est également (et inversement, quand le prix du pétrole est bas, on n’obtient pas grand chose du plastique recyclé).

Bois enneigé, à Helsinki. Les arbres ne sont pas précieux seulement pour la nature mais aussi pour les industries forestières.

Quelques idées importantes sur les législations

- La plus grande partie des législations dans la gestion des déchets viennent de l’UE. Pour les déchets solides municipaux, voici l’ordre des priorités de destination, selon l’UE : 1. Prévention 2. Réutilisation 3. Recyclage 4. Brûlage 5. Décharge

- Toutes les lois sur la gestion des déchets en Finlande sont régies dans le "Waste Act".

- Il y a, dans cet acte, des objectifs de réduction des déchets des entreprises. Mais ceux-ci sont abstraits et surtout, il n’y a aucune d’obligation.

- Les municipalités ont un droit sur les déchets ménagers, et il faut bien les différencier des déchets industriels. Les administrations comme les municipalités sont responsables de leurs déchets.

- Pour incinérer ses déchets, il faut un permis très dur à obtenir à cause des très faibles émissions exigées.

- Sur le système de consignes, si une compagnie décide, ce qui est très rare, de ne pas en faire partie, elle paiera des taxes supplémentaires sur les emballages. La plupart des grandes compagnies y participent.

- Le concept de déchets est très délicat. Un même matériau peut être déchet ou non. Si il y a une demande pour celui-ci, ça peut être un produit. Pour l’industrie du métal, il y a des déchets qu’ils ont en grande quantités et qui peuvent être revendus.

Les différents matériaux triés

Le papier et le carton

Le papier et le carton ont de la valeur car on peut utiliser plusieurs fois les mêmes fibres. Le carton est parfois brûlé car a une forte valeur énergétique. Dans l’agglomération d’Helsinki, ils sont recyclés par des entreprises privées (collecte en collaboration avec HSY). La collecte volontaire du papier est très efficace car c’est "très naturel" pour eux, le papier est collecté depuis plusieurs dizaines d’années.

Le verre

Le verre est recyclable et réutilisable. Quand la plupart des bouteilles étaient encore en verre, elles étaient lavées et réutilisées, mais le fardeau environnemental venait de toute l’eau utilisée (et du transport).. Le taux de collecte des bouteilles en verre était très élevé mais les bouteilles sont désormais le plus souvent en plastique, notamment pour homogénéiser l’ensemble des bouteilles dans l’UE. Maintenant, le verre est plutôt fondu pour être recyclé. Le verre peut également être récupéré et réutilisé comme isolant pour les maisons (laine de verre). A Helsinki, le verre est, comme le carton et le papier, recyclé par des entreprises privées (collecte en collaboration avec HSY)

Le métal

Les métaux ont beaucoup de valeur (et plus ils sont propres, plus ils en ont). Mais il faut trier au maximum ces métaux avant l’incinération car non seulement l’incinération coûte mais en plus elle dégrade la qualité de ces fragments. L’assemblage de différents métaux est plus difficilement valorisable. Le cuivre des câbles, l’or et l’argent de l’électronique sont des exemples de métaux recherchés sur les marchés, que ce soient des marchés légaux ou illégaux (marché illégal des matériaux recyclables assez développé, jusqu’en Afrique où des gens séparent les différents métaux en les faisant chauffer à la poêle, ce qui est bien sûr très dangereux vu les gaz dégagés). recyclé par des entreprises privées (collecte en collaboration avec HSY)

Le plastique

Le plastique est un "déchet énergétique" car il peut être brûlé et a une forte valeur énergétique. Il est surtout très valorisable en tant que combustible pour la production de chaleur. Le plastique est souvent brûlé avec les déchets mixtes (collecté séparément à certains endroits). Il est moins rentable depuis 2006 de brûler le plastique car la législation a changé et les critères pour le contrôle des émissions se sont renforcées. Plusieurs compagnies qui incinéraient n’ont pas voulu investir pour se procurer les équipements requis pour traiter davantage les émissions, donc ce traitement du plastique est devenu plus cher pour eux (ils payent pour polluer).

Parmi les matériaux recyclés, le plastique n’est pas le plus valorisable car il est souvent sale et il y a trop de types de plastique différents. L’idéal, c’est quand les matériaux retournent directement dans l’entreprise d’origine car elles savent ce que contiennent leur plastique donc peuvent les traiter de façon adéquate.

Le biodégradable

Le biodégradable est soit composté soit traité en Digestion Anaérobique. Soit pas trié du tout. Si le composte reste le principal traitement, il existe tout de même quelques centrales de Digestion Anaérobique. Il arrive également que le biodégradable et les boues d’eaux usées soient traités ensemble. A Helsinki, une partie du biodégradable est composté dans une centrale (utilisé pour les jardins publics mais également revendu par une compagnie privée) et une autre partie est traité en Digestion Anaérobique (du biogaz y est donc produit). Le biogaz est utilisé localement, transformé en chaleur et en électricité.

Composte municipal, à Lohja.

Les déchets mixtes

Très souvent, les déchets non triés vont en décharge. Mais il y a tout de même 3 incinérateurs pour déchets mixtes en Finlande et 3 autres en construction, comme je l’ai signalé plus haut. Ces incinérateurs récupèrent l’énergie mais les émissions sont contrôlées plus strictement (que pour des installations qui brûlent des déchets triés) et même les poussières (ce qui reste après le brûlage) sont bien traitées. Pour l’instant, HSY met en décharge les déchets mixtes mais la centrale de brûlage avec récupération de l’énergie sera prête dans environ 2 ans (celle de Vantaa, banlieue d’Helsinki).

Autres déchets

Les déchets industriels sont, comme je l’ai signalé, triés séparément. Ils sont produits tous les jours, en grande quantité et dépendent complètement de l’industrie mais c’est malgré tout plus facile à traiter car on connait très bien les substances qui les composent, les déchets sont plus homogènes.

HSY collecte les déchets dangereux aux points de collecte. Dans la région de Lohja, le bois (triant le propre, le peint, le sale...), les déchets électroniques et les déchets dangereux (toxiques) doivent être apportés dans des centres de déchets (neuf dans la région). Les déchets toxiques peuvent également être déposés dans des centres spécifiques, 30 dans la région, souvent situés à côté des pompes à essence. Le béton, les briques et le bois sont réutilisés par des entreprises de bâtiment. Les déchets industriels sont pris en charge par d’autres compagnies privées.

A Riihimaki se trouve la plus grosse usine de brûlage des déchets dangereux en Finlande. Le bilan environnemental n’est pas catastrophique, même si cela se fait contre la législation européenne. Cette usine serait une des plus vertes au monde. Elle est très bien contrôlée et les riverains ne se plaignent pas.

Réfrigérateurs déposés au centre de collecte de Rosk N Roll, à Lohja.

Je vous propose de laisser Mme Pia Vilenius conclure ce sujet. Voici sa réponse à la question "Quelles sont les forces de la Finlande par rapport aux autres pays d’Europe dans la gestion des déchets ?" Elle évoque en priorité l’innovation. Beaucoup de petites entreprises travaillent beaucoup sur les innovations. Elles ont par exemple développé des robots "intelligents" pour trier les déchets. Ces petites compagnies ont beaucoup d’idées, elles ne partent de rien, juste d’une idée, et finissent par s’imposer sur le marché mondial. Le problème est que les ingénieurs ne sont pas des grands connaisseurs des marchés, comment commercialiser leurs produits. La deuxième force de la Finlande dans ce domaine, argument qui m’a personnellement plus convaincu, est la très proche coopération entre les autorités et le secteur privé.

Si la dinde et la bûche m’en laissent le courage, je vous donne rendez-vous entre Noël et Nouvel An pour une mise au point, depuis la France, sur un sujet dont je n’ai que scandaleusement peu parlé : les énergies renouvelables et nucléaire. D’ici là, je vous souhaite un joyeux et vert Noël. "Hyvää Joulua !" semblent dirent les autochtones.

A bientôt, Visez l’green, Ben

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