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4-02-2016
Mots clés
Politique
Sécurité

V pour Vigilance : les citoyens contre l’état d’urgence

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V pour Vigilance : les citoyens contre l'état d'urgence
(Crédit photo : Amélie Mougey)
 
Ce jeudi, Amnesty International publie un rapport sur les vies bouleversées par la mesure… que Le Conseil des ministres veut prolonger. Les Conseils d'urgence citoyenne, eux, s'organisent pour reprendre la main. Reportage.
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En ces temps troublés, pensez-vous, comme le Premier ministre, Manuel Valls, que « la sécurité est la première des libertés ? ». Ou diriez-vous plutôt, comme le juriste Dominique Rousseau, que « la liberté est la première des sécurités » ? Vous avez trois heures. Le temps d’une réunion du Conseil d’urgence citoyenne, le collectif créé en réaction à la prolongation de l’état d’urgence. Mardi 2 février, une trentaine de personnes, juristes, artistes, universitaires, militants et simples citoyens se sont retrouvés à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) après leur journée de travail pour s’interroger sur ce que la décision du Premier ministre dit de l’état notre démocratie.

Sur le revers de leur veste, au dos de leur téléphone portable, quelques convives arborent déjà la lettre « V ». « “V” pour “Vérité” à l’heure des dénonciations mensongères, “V” pour “Volonté populaire” et surtout “V” pour “Vigilance” », explique Sophie Wahnich, historienne chargée de recherches au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et membre fondatrice de ce collectif.

Vigilante, cette spécialiste de la Révolution française l’est plus que jamais quelques jours avant l’ouverture des débats parlementaires, vendredi 5 février, sur l’inscription de cette mesure d’exception dans la Constitution. « La Constitution, c’est notre garde-fou contre les abus de pouvoir. En cas d’élection de personnes peu recommandables, ce texte fondamental protège le peuple. Ce dont il est question ici, c’est de faire sauter cette garantie », explique-t-elle. Autour d’elle, les tracts invitant à participer à une consultation citoyenne en ligne passent de main en main. « Je m’appuierai sur ces contributions dans l’hémicycle vendredi », explique Isabelle Attard, l’une des six députés à avoir voté contre la prolongation de l’état d’urgence en novembre dernier. Ce mercredi 3 janvier, chacun était invité à participer à la Grève citoyenne en portant un brassard estampillé du fameux « V » et « à multiplier les actions pour susciter la discussion et rendre visible la contestation », poursuit l’élue, sans étiquette, membre du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, qui porte l’un des badges qu’elle-même a fait fabriquer, « le brassard étant interdit au parlement ».

Symptôme d’un Etat post-démocratique

Après la manifestation du 30 janvier, ces actions symboliques et ces réunions en petits comités doivent poser les premiers jalons d’un mouvement de fond. « Face à un Patriot Act à la française, il fallait mettre en place un Citizen Act », explique Sophie Wahnich. Des associations comme la Ligue des droits de l’homme et Amnesty International demandent, témoignages d’abus à l’appui, au gouvernement de « renoncer à la prolongation ». Mais l’élan se cogne aux sondages. Selon le dernier réalisé par Ifop pour Atlantico, 79% des Français interrogés sont favorables à la prolongation de l’état d’urgence. « Nous sommes conscients de n’être pas assez nombreux pour des mouvements de masse, alors on essaie de diffuser par capillarité », explique l’avocat Jérôme Karsenti, membre de l’association Anticor, contre la corruption et pour l’éthique en politique. Ainsi depuis la mi-janvier, à Pau, Carpentras, Nice, Clermont-Ferrand ou Paris, 20 collectifs d’urgence citoyenne se sont constitués. « L’objectif, c’est d’ouvrir un débat, de s’interroger sur le chemin à suivre pour que chacun puisse de nouveau se penser comme un citoyen doté d’un pouvoir politique », reprend Sophie Wahnich.

Pour elle, l’état d’urgence n’est qu’un symptôme, celui d’un Etat « post-démocratique ». « Ça n’a pas commencé avec les attentats. On vient de vivre toute une série de processus autoritaires : le passage en force de la loi Macron avec l’article 49.3, la loi renseignement… Nous atteignons un maximum dans la négation de l’Etat de droit », constate-t-elle. Pour ceux que cette tendance inquiète, l’état d’urgence fournit « un point d’appui », qui pourrait devenir « le catalyseur d’une mobilisation ».

Née il y a quelques semaines et encore balbutiante, la dynamique des Conseils d’urgence citoyenne est placée sous le signe de la convergence. Autour de la table siègent un délégué CGT, des membres d’Anticor, du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), une militante écologiste gardée à vue en décembre, des jeunes artistes qui ont également créé leur propre collectif… « Encore une fois, nous sommes surtout entre blancs à Bac+5 », soupire l’un d’entre eux, Pablo Pillaud-Vivien, initiateur de Veille artistique et citoyenne. Lors de leur première réunion à l’Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), malgré une semaine de tractage, un seul habitant de la commune était présent. « Les autres venaient tous de Paris », regrette le jeune homme. « Toucher les masses, c’est là le vrai défi », reconnaît Jérôme Karsenti. Mais pour Sophie Wahnich, « avant de fédérer, il faut déjà que le quart des Français hostiles à l’état d’urgence parviennent à faire entendre leurs arguments ».

« Brecht, Marx et la déclaration des droits de l’homme et du citoyen »

Ce soir, Hafid Bouzidi, membre du CCIF est là pour ça. « Comme moi, vous avez lu les chiffres, depuis l’instauration de l’état d’urgence, il y a eu plus de 3 200 perquisitions, seules 200 ont donné lieu à des poursuites judiciaires et quatre procédures seraient en lien avec le terrorisme, rappelle-t-il. Par contre, l’état d’urgence a très bien fonctionné pour ancrer l’idée d’un ennemi de l’intérieur et les actes islamophobes ont augmenté. » Le rapport d’Amnesty international publié ce 4 février, confirme que « les mesures d’urgence sont mises en œuvre de manière discriminatoire, en ciblant spécifiquement les personnes musulmanes, souvent sur la base de leurs croyances ou de leurs pratiques religieuses, plutôt qu’en se fondant sur des preuves tangibles de comportements criminels ».

Dans la salle, un débat s’engage : est-on passé d’un Etat de droit à un Etat policier ? « Il faut être prudent avec les mots », nuance Dominique Rousseau, l’invité du soir, constitutionnaliste et auteur de Radicaliser la démocratie (Seuil, 2015). « L’état d’urgence, ce n’est ni plus ni moins que l’accroissement du pouvoir policier qui peut, en situation, inventer ses propres lois », décrypte Sophie Wahnich.

« Le fond du problème, c’est un divorce consommé entre le politique et le citoyen », souligne Jérôme Karsenti. Sur le banc voisin, Marie opine. « J’ai 30 ans, je suis fonctionnaire d’Etat et je suis inquiète. Pour la première fois de ma vie, j’ai lancé une pétition. En deux semaines, j’ai réalisé la prouesse de récolter… 60 signatures. Je suis venue ce soir pour me remonter le moral, lâche la jeune femme, une bonne dose de désarroi dans la voix. Pour moi, il n’y a pas seulement une défiance vis-à-vis des institutions, mais une défiance à l’égard même de la citoyenneté. » Touchée, l’assemblée embraie alors sur la démocratie directe, les carences de la représentation… Le tirage au sort est évoqué. Brecht, Marx et la déclaration universelle des droits de l’homme sont convoquées. Ici, chacun veut croire en l’opportunité de tout remettre à plat. Laurent, membre du collectif artistique et politique Le Jardin d’Alice de Montreuil (Seine-Saint-Denis) mise sur l’échelle locale, « l’exemplarité par les actes du quotidien ». Jérôme Karsenti donne le calendrier d’une refondation totale : en juillet des Etats généraux, en octobre une convention nationale et ensuite, lorsque des idées seront structurées, la présentation à la présidentielle de 2017 d’un candidat à mandat unique. Sa mission : faire émerger de nouvelles institutions et des mécanismes démocratiques capables de rendre sa citoyenneté au citoyen. Le remue-méninges ne fait que commencer.

A lire aussi sur Terraeco.net :
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  • À mon avis, le monde politique ne va pas cesser de nous surprendre d’ici peu. Avec la crise sanitaire qui ne semble pas se résoudre, personne ne saura encore ce qui va se passer. La population ne peut que subir les impositions provoquées par le nouvel état d’urgence.
    Jules Villeneuve de piscine.be

    13.12 à 19h06 - Répondre - Alerter
  • L’état d’urgence mis en place en 2015 est toujours partiellement en vigueur en 2020. On ne peut que constater qu’il est facile à mettre en place de mettre en place des mesures de privation de liberté mais qu’il est difficile pour les personnes au pouvoir de revenir dessus.

    En 2020, c’est encore cette solution qui a été mise en place pour lutter contre la propagation d’un virus. Et encore une fois c’est toujours des beaux mots mais la réponse n’est pas pertinente. Par définition, un état d’urgence ne peut pas être maintenu et pourtant dans 5 ans, je parie que certaines mesures mises en place seront toujours présentes car c’est plus confortable pour le gouvernement

    15.04 à 16h33 - Répondre - Alerter
  • file:///Users/gaelfoucre/Desktop/Ho...

    je ne sais pas si on voit le dessin.. ?
    Je pense que ces nouveaux gouvernants ne voient pas le sens de cette agitation car ils ne connaissent pas le sens d’adaptation au réel et leur peine est de trouver de véritables directions de vie et de fédérer. ce qui ne vient pas toujours quand on l’attend... !!

    11.02 à 17h12 - Répondre - Alerter
  • Le monde politique sentant monter la défiance des citoyens depuis un moment, il répond à l’indique face à ces derniers. Sachant qu’ils ont le privilège du pouvoir et de l’autorité en dernier ressort, ils avancent profitant d’une certaine atonie généralisée. On peut l’interpréter comme la manifestation d’une certaine faiblesse mais la question est de savoir ce que nous faisons de celle-ci. La question de l’état d’urgence n’en est qu’une parmi tant d’autres. La défiance vis à vis des institutions est très importante et on se demande jusqu’à quand cela pourra tenir. Les crises économique et environnementale ne sont pas traitées comme elles devraient l’être, il n’y a pas d’élan et pas de transition proposée. Il y a une besoin urgent de projet de société qui mobilise au delà du cercle militant et des convaincus. Le logiciel est à changer, et là il faut décréter l’état d’urgence !
    Fred

    6.02 à 19h25 - Répondre - Alerter
  • Est-ce que Charlie nous dessinerait une Marianne poignardée dans le dos par son propre état ?

    5.02 à 09h58 - Répondre - Alerter
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