publicité
haut
Accueil du site > Blogs > Les blogs > Vise le green > Vancouver côté jardins

Vise le green

Par Benjamin Cliquet
12-04-2011

Vancouver côté jardins

Vancouver côté jardins
(Maple Community Garden, Vancouver)
L'objectif n°10 du projet de « ville la plus verte » de Vancouver est probablement le plus populaire. Manger local et développer des moyens de production locaux : de nombreux habitants s'impliquent pour y parvenir.

« Vancouver a la vision d’être la Ville la plus Verte au monde d’ici 2020. Pour y parvenir, nous avons défini 10 objectifs de long-terme, chacun associé à une visée pour 2020. Après avoir parlé avec les citoyens et les actionnaires, nous avons créé un premier plan d’action pour atteindre les objectifs fixés. » C’est ainsi que commencent toutes les courtes vidéos réalisées par la ville de Vancouver pour présenter ses 10 objectifs de long-terme (voir les vidéos en anglais) qui sont :

1. Une économie verte

2. Être leader en matière de politique climatique

3. Bâtiments écologiques

4. Réseau de transport écologique

5. Zéro déchet

6. Accès à la nature

7. Empreinte écologique plus faible

8. Eau propre

9. Air propre

10. Nourriture locale

Pendant mon séjour à Vancouver, j’essaie de remettre ces objectifs dans leur contexte pour comprendre les problématiques de chacun d’entre eux. Si vous êtes impatients d’en savoir plus, je vous invite à visiter le site officiel du projet.

L’objectif n°10 du projet de « ville la plus verte » de Vancouver est probablement le plus populaire. Manger local et développer des moyens de production locaux, de nombreux Vancouverites y croient et s’impliquent pour y parvenir. André Larivière, franco-manitobain (le Manitoba est une province du centre du Canada), est directeur exécutif de Green Table, compagnie qui fournit des solutions durables aux restaurants (stratégies, conseil...). Il faisait partie du groupe de travail sur cet objectif de long-terme. Je l’ai rencontré pour comprendre les enjeux de cet objectif n°10. Il m’a parlé de système alimentaire local, de communautés, de mondialisation ou encore de San Francisco.

Pour devenir leader en terme de systèmes alimentaires urbains, Vancouver compte augmenter ses « atouts » alimentaires communautaires (soit au niveau des quartiers) et municipaux d’au moins 50% au-dessus du niveau de 2010. Oui, Vancouver innove au moins autant sur le terrain que dans le langage. Concrètement, les « atouts » alimentaires sont les potagers, qu’ils soient individuels ou communautaires. La ville a alloué des lieux pour ceux-ci, sur les grands boulevards par exemple. « C’est devenu un élément clé de l’urbanisme » de Vancouver, témoigne André. Mais les atouts s’expriment également en terme de disponibilité de la nourriture locale, grâce aux marchés fermiers par exemple, élément qui n’existe toujours pas à Vancouver et qui essaie donc de le développer.

Les systèmes alimentaires urbains reposent davantage sur l’agriculture urbaine et utilise les terres pour produire de la nourriture pour les communautés, en particulier les communautés mal desservies en termes alimentaires. C’est du jardinage au niveau communautaire. Cela a un intérêt majeur : plus les systèmes alimentaires sont urbains, plus on en apprend sur la façon dont notre nourriture est produite. Cela créé une culture alimentaire, au moment où les jeunes (dont je fais partie) ne cherchent même pas à savoir d’où vient leur nourriture. « C’est une amélioration, pas un remplacement des autres systèmes alimentaires. »

La ville vise en particulier les quartiers mal desservis comme l’est du centre-ville (Chinatown, quartiers les plus pauvres de la ville), où la nourriture fraîche à prix abordables est toujours une problématique, car la municipalité considère que c’est un élément de leur réintégration. L’équipe du projet Greenest City a, sur ce point, été inspiré par ce qui est fait aux Etats-Unis, comme à Chicago ou à Detroit, ou des potagers communautaires ont vu le jour sur des terrains abandonnés pour nourrir les familles locales (expérience mentionnée aussi dans ce récent article de Terra eco). En Californie, des quartiers entiers se retrouvent sans supermarché ou autres commerces alimentaires. « People’s grocery » est une association qui sévit à Oakland (banlieue de San Francisco) qui, avec un camion, livre de la nourriture fraîche provenant des fermes et potagers locaux. Même si la situation est différente (pour ne pas dire pire) aux Etats-Unis, Vancouver s’est inspiré des solutions mises en place là-bas. Et ils feraient bien de s’inspirer également de ce qui est fait à San Francisco ou Portland en terme de récupération des déchets alimentaires, un grand manque à Vancouver.

La production locale n’apporte pas seulement une réponse aux changements climatiques, elle apporte également de la valeur nutritionnelle (non négligeable) et économique. Il est prouvé que l’argent générée par cette production locale tend à rester dans les communautés. Cela soutient donc l’industrie alimentaire locale sur le long-terme, ainsi que l’agriculture durable et la transformation des aliments au niveau régional. Si l’on résume, les systèmes alimentaires locaux ont donc des impacts positifs sur les communautés en termes économiques, sociaux et culturels.

Le paradigme de la pomme de terre

Une des barrières les plus importantes au développement des systèmes alimentaires locaux est la perte de la transformation des aliments (passage du produit alimentaire de base au produit empaqueté en rayon). Cette étape de la chaîne de production a été très fortement centralisée, donc n’existe plus dans les petites communautés. Une anecdote typique qui s’est déroulée sur l’Ile de Vancouver en témoigne. Une ferme de pomme de terre était située juste à côté d’un « Safeway » (grande chaîne de supermarchés nord-américaine). Ce dernier décida d’acheter les pommes de terre du fermier. Safeway envoya la marchandise jusqu’à Calgary, où elle fut empaquetée, et la ramena sur l’île où les pommes de terre furent vendues à un prix très élevé à cause du coût du transport. Tel est le système logistique actuel. André se pose donc la question : « comment part-on d’un tel système pour arriver à un système alimentaire local, sans ajouter de coût supplémentaire ? » C’est un défi.

La transformation manque mais également, plus simplement, les moyens de production. La demande de nourriture locale est bien plus élevée que la capacité d’offre. A court terme, il s’agit donc de construire de nouvelles capacités de production et de transformation. Et si le problème existe à court terme, il faut penser les solutions sur le long terme. Il faut apporter « plus de valeur à long terme dans les communautés » selon les termes d’André. Enfin, le troisième manque, et pas des moindres, ce sont les fermiers. Ils sont de moins en moins, en particulier parmi les jeunes générations.

Pourquoi la transformation (comme beaucoup d’autres activités) a été centralisée ? Pour répondre aux fortes exigences de rentabilité imposées par... la mondialisation, bien sûr. On ne peut pas parler de systèmes alimentaires locaux sans parler de son antonyme, la mondialisation. Utilisant mon exemple classique des bananes martiniquaises (emprunté à mon cher père), j’ai demandé à André comment il voyait le dilemme face à des produits locaux et des produits importés de communautés qui vivent de ces exportations. « Il ne s’agit pas de stopper la mondialisation alimentaire, surtout de certains produits comme les bananes, le sucre, le café ou le thé. » précise-t-il aussitôt. Ouf, je n’aurai plus de scrupule à manger mon fruit favori. André souligne pourtant que « d’un point de vue purement durable, c’est insensé d’acheminer jusqu’en Colombie-Britannique des tomates élevées sous serre en Floride, d’autant que ces tomates vont concurrencer les tomates locales. » Certains phénomènes comme celui-ci ne sont motivés que par le marché ou des raisons logistiques, cela doit changer. Les grandes compagnies alimentaires commencent à comprendre qu’ils ont besoin de développer des comportements plus responsables. « Même McDonald’s ! », s’exclame André.

Mais bien sûr, « les systèmes alimentaires locaux ne vont pas sauver le monde » rappelle André. Si les systèmes locaux sont très bons pour l’éducation et qu’ils poussent les gens à ouvrir les yeux, ce n’est pas un modèle économique, une communauté ne peut pas en vivre. Surtout pas à Winnipeg, d’où il est originaire et où « la période de pousse ne dépasse pas les 90 jours ». Nous devons simplement rationaliser les systèmes alimentaires locaux pour « repérer où sont les opportunités » et « engager les producteurs à fournir les communautés locales pour qu’ils ne soient pas toujours motivés par le marché d’exportation. »

Un élément pourrait progressivement pousser les producteurs à se tourner vers les marchés locaux : les prix plus élevés de la nourriture locale. Deux facteurs ont contribué à augmenter la valeur apparente de la nourriture locale :
- l’incertitude des systèmes alimentaires mondialisés ;
- la sécurité de la nourriture locale. On sait d’où elle vient et on fait confiance au producteur puisque l’on connait tout de ses produits.

Des prix plus élevés, c’est bon pour les producteurs. Seulement, mes très chers lecteurs, je sais très bien que vous êtes presque tous des consommateurs et non des producteurs. Je sais donc que vous vous dites « oui mais, et le consommateur ? » Et vous n’avez pas tort. « Maintenant, le défi c’est que les consommateurs soient prêts à payer un petit peu plus pour de la nourriture locale. Mais seulement un tout petit peu plus, donc on ne peut pas obtenir du consommateur tout l’argent nécessaire pour construire de nouvelles capacités de production » admet André. Pas simple. Mais Vancouver a décidé de relever le défi, notamment en cherchant « des nouveaux modèles économiques et comment stimuler les compagnies locales. »

A bientôt, Visez l’green, Ben

COMMENTAIRES ( 3 )
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • Juste un commentaire par rapport au dernier paragraphe : est-il vraiment sûr que la nourriture locale soit plus chère pour le consommateur ? Elle rapporte davantage au producteur car il n’y a souvent pas d’intermédiaire entre le producteur et le consommateur. L’intégralité du prix payé par le consommateur va donc au producteur. Par contre, cela ne signifie pas que le prix soit plus élevé pour le consommateur. A titre d’exemple, j’achète une partie de mes légumes à un agriculteur qui fait de la vente directe sur le marché de ma ville. Il vend ses pommes de terre BIO entre 0,80 et 1 euro... Je défie quiconque de trouver le même rapport qualité / prix en grande surface.

    19.04 à 09h34 - Répondre - Alerter
    • Benjamin Cliquet : Vancouver côté jardins

      J’avoue ne pas avoir l’expertise pour généraliser à la nourriture locale en générale. André Larivière travaille avec les restaurants, et il affirme que pour les restaurants (à Vancouver) s’approvisionner localement revient plus cher.
      La nourriture locale n’est jamais produit en quantité suffisante pour pouvoir faire des économies d’échelle, c’est pour cela que le prix peut être plus élevé. Alors à votre question "est-il sûr ?", je vous réponds que non, ce n’est pas sûr, mais il semble que ça soit encore le cas à Vancouver d’autant que la région manque complètement de moyens de production locale.

      19.04 à 12h51 - Répondre - Alerter
  • Voilà 1 bon usage des impots locaux...
    Si chaque ville en faisait autant ...
    On peux même envisager 1 production locale d’énergie ...
    Merci !

    18.04 à 16h13 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte
  • NEWSLETTERS
    Cochez les cases pour vous abonner à vos newsletters
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas