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30-09-2013
Mots clés
Environnement
Emploi
Inde

Violation des droits en Inde : Michelin s’en sort

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Violation des droits en Inde : Michelin s'en sort
(Crédit photo : Google Earth)
 
Des Indiens privés de leur terre parce que le géant du pneu y implante une usine avaient saisi une instance de médiation de l'OCDE. Mais la conciliation est un échec et de nombreuses défaillances sont relevées.
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Les bourrelets de Bibendum, l’icône du groupe Michelin, ont des pouvoirs de séduction insoupçonnés. Manifestement, le Point de contact national (PCN) de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) n’a pas su y résister. Au grand dam de quelques ONG et de la CGT.

Cette instance tripartite coordonnée par la direction du Trésor de Bercy et qui rassemble des hauts fonctionnaires du ministère de l’Economie et des Finances, des représentants du Medef et des syndicats de salariés, a été saisie en juillet 2012 par le CCFD-Terre Solidaire, l’association Sherpa de lutte contre les crimes économiques, la CGT et deux organisations indiennes (Sangam, association de villageois, et la Fédération pour les droits de la terre au Tamil Nadu).

Le roi du pneumatique fait crisser les dents des Intouchables

Les plaignants soupçonnent la multinationale française d’avoir violé les droits fondamentaux de milliers d’Indiens de la caste des Intouchables, en installant sa plus grande usine de pneumatiques au cœur d’une forêt de l’Etat du Tamil Nadu, dans le sud-est de l’Inde.

La construction a démarré en 2010, après que l’entreprise a passé un accord avec le gouvernement local, pour une mise en service à la fin de l’année 2013. Mais les quelque 117 hectares de terre mis à la disposition de l’entreprise par les autorités locales, sans concerter la population avoisinante, sont situés au cœur d’une forêt collective qui abritait jusqu’ici des activités agricoles et pastorales, uniques moyens de subsistance des habitants du coin.

Le PCN a eu un an – à partir du moment où il a jugé la plainte recevable, en octobre 2012 – pour déterminer si le groupe de pneumatiques a respecté les principes directeurs de l’OCDE qui encouragent les multinationales des pays membres de l’OCDE à avoir, partout où elles exercent leurs activités, un comportement responsable.

Michelin s’en tire à bon compte

Mais les ONG ont obtenu mi-septembre une copie du projet de communiqué du PCN et ont retiré leur plainte mardi 24 septembre, estimant que le PCN a pris une position trop favorable au fleuron de l’industrie française. Vendredi 27, le PCN persistait et signait en publiant sur son site l’intégralité de son avis. Il y est écrit que « le groupe Michelin a respecté les recommandations de l’OCDE et [qu’]il n’a pas violé les droits de l’homme ».

« Le simple fait que le PCN se soit déclaré compétent pour gérer ce litige prouve normalement que, de facto, il reconnaissait a priori qu’il y a eu des violations. Et on n’en retrouve pas trace dans son avis », regrette Sophia Lakhdar, directrice de Sherpa. « Le contenu de l’avis dédouane entièrement Michelin, s’insurge Fabienne Cru-Montblanc, de la CGT. Pour nous, il est hors de question que le groupe reçoive un blanc-seing eu égard aux violations commises en Inde. » C’est bien « pour ne pas cautionner de tels dysfonctionnements » que les plaignants ont retiré leur plainte mardi.

La stratégie du grand écart

Les membres du PCN ont clairement joué les équilibristes. S’ils n’ont pas relevé d’atteintes aux droits de l’homme, ils notent tout de même une « insuffisante prise en compte de l’esprit général des principes directeurs qui encouragent les entreprises à veiller au respect des droits de l’homme ». De même, ils reconnaissent que « les transformations de l’environnement et des ressources nécessaires au mode de vie des populations locales semblent avoir eu des incidences fortes sur la vie des populations environnantes ». Toutefois, ils rejettent la faute sur les autorités du Tamil Nadu qui ont mis cette forêt à disposition des entreprises, et blanchissent Michelin à qui « il ne revient pas de parer aux incidences négatives causées par cette décision politique ».

Au final, « le groupe a respecté le droit des populations indigènes », même si sa rapidité d’installation « ne lui a pas permis de prendre en compte tous les besoins de la population ». Michelin n’a pas mené d’étude d’impact sérieuse et valable de son activité sur la population et l’environnement, étape préalable essentielle avant d’obtenir l’autorisation de construire ? Certes, mais cela ne constitue pas une violation des principes directeurs de l’OCDE, estime le PCN, qui se félicite de l’intention de Michelin de lancer prochainement une étude d’impact.

Une instance sous pression ?

Une stratégie du grand écart que Fabienne Cru-Montblanc explique ainsi : « Les intérêts économiques ont primé face aux enjeux sociaux et environnementaux. Le PCN est sous la tutelle de Bercy, il ne peut pas avoir les coudées franches. » En somme, « à travers le PCN, c’est l’Etat français qui donne sa bénédiction à Michelin pour son implantation au Tamil Nadu », regrette Antonio Manganella, du CCFD-Solidaire. Cette procédure représentait selon lui « le dernier espoir pour les populations qui ont épuisé tous les recours en Inde ».

Il ne reste donc plus qu’une seule chose à faire : « Reprendre contact avec l’entreprise, sans médiateur », explique le chargé de plaidoyer Responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE) du CCFD. Le PCN aurait normalement dû tenir ce rôle, et permettre aux deux parties de renouer le dialogue afin de trouver un accord. Elles devront faire sans. Mais voilà, l’usine est déjà construite, et sur le point d’entrer en fonctionnement. Pour les locaux, le mal est fait : les moyens de subsistance ont largement disparu, l’eau est déjà asséchée ou polluée. « La seule voie de sortie est de négocier avec Michelin un programme de réinstallation, à condition que les villageois renoncent définitivement à un territoire où ils sont installés depuis des siècles », poursuit l’homme du CCFD.

Le dialogue, seule voie de sortie

Antonio Manganella pense que Michelin va accepter le dialogue car « au final, le groupe ne sort pas vraiment renforcé. Le PCN, s’il refuse de parler de violation, emploie souvent le terme "insuffisances". Si la direction de Michelin est intelligente, elle fera en sorte d’y remédier ». « Le dialogue n’a jamais été rompu, rétorque le groupe. Nous continuons à travailler avec les ONG et les populations environnantes, sur les questions environnementales notamment. » Dans un communiqué publié vendredi 27, la multinationale se dit « satisfaite des conclusions » du PCN. « Pour autant, [Michelin] accorde la plus grande importance aux recommandations formulées par le PCN afin d’améliorer les pratiques dans le domaine de la consultation et de l’information des parties prenantes. »

Quant au PCN, il est grand temps de le réformer, affirment les ONG qui viennent de formuler des propositions en ce sens. « Il faut se demander à qui il doit être rattaché. Pas à l’Economie, car vu le contexte économique, le ministère a montré qu’il soutient l’implantation des entreprises dans de nouveaux marchés, même si elles ne respectent pas leurs engagements de RSE. Les ministères de l’Environnement ou du Développement semblent plus pertinents », estime Sophia Lakhdar.


Hasard de calendrier ?

Les ex-plaignants relèvent que l’usine Michelin de pneumatiques va s’ouvrir en Inde quelques mois avant les 726 suppressions d’emploi de l’usine de Joué-les-Tours. L’usine du Tamil Nadu va produire le même type de pneus poids lourds et dans la même quantité que ce que produisait l’usine d’Indre-et-Loire...

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  • Sur la forme, les Intouchables n’appartiennent à aucune caste puisque, précisément, ce sont des sans-caste.
    Donc parler de la caste des Intouchables ne veut rien dire.
    Sur le fond, qu’est-ce que la CGT va faire dans cette galère, ne connaissant aucunement le contexte et ne raisonnant probablement que sur des a priori (bon sauvage pauvre accablé par méchant industriel occidental).
    A noter : les bons sauvages seraient-ils donc capables de produire (pour un coût ridicule parce qu’ils sont exploités par le méchant industriel) les mêmes pneus que ceux que fabriquent nos ouvriers ultra bosseurs et bien formés ????

    1er.10 à 18h00 - Répondre - Alerter
    • Effectivement les intouchables sont bien des sans-castes et la région du Tamil Nadu est depuis longtemps industrialisée et je n’ai pas entendu la CGT protester contre la centrale nucléaire de Madras ou les tanneries de Vellore aux conditions de travail atroces...

      2.10 à 23h12 - Répondre - Alerter
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