publicité
haut
Accueil du site > Actu > L’économie expliquée à mon père > Ils travaillent moins, gagnent moins, mais s’enrichissent
17-01-2014
Mots clés
Consommation
France

Ils travaillent moins, gagnent moins, mais s’enrichissent

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Ils travaillent moins, gagnent moins, mais s'enrichissent
(Crédit photo : Images of money - flickr)
 
Au black chez les voisins, à mi-temps, en télétravail ou de nuit : ils expliquent ce qu’ils font de leur temps gagné ailleurs, et pourquoi ils ne le regrettent pas.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

Ils ont choisi de travailler moins... quitte à gagner moins. Pour s’occuper de leurs enfants, planter des fleurs, s’investir dans une association ou, comme Frédéric et Laure, profiter de la vie. Ce jeune couple, qui avait détaillé son porte-monnaie sur Rue89, expliquait avoir fait le « choix de vie » de travailler moins pour avoir plus de temps. Ils répètent d’ailleurs à l’envi le mot « temps ».

Laure est salariée à 80% dans la fonction publique et Frédéric, au chômage, ne cherche pas systématiquement des contrats mais s’occupe des enfants, retape la maison et jardine. Ils vivent « modestement » avec 2 320 euros par mois, sans chercher à « gagner plus ».

En France, les salariés bossent en moyenne 39 heures par semaine (Insee, 2012). Depuis 1950, la baisse de la durée du travail, observée dans tous les pays développés, s’accompagne de la hausse du travail à temps partiel (18,7% en France, en 2011). Qu’il soit voulu ou subi : un tiers des salariés à temps partiel déclarent n’avoir pas trouvé mieux.

Ceux qui ont répondu à l’appel à témoins de Rue89 ont un jour décidé de diminuer le nombre d’heures de travail pour faire autre chose.

La décision se prend souvent à deux car, comme dans le cas de Sylvain, elle a des conséquences sur le budget d’un couple. Est-elle pour autant tenable à plus long terme ? Témoignages.

- Charlie, 28 ans : « Les fins de mois sont délicates »

« A 20 ans, je suis parti en Angleterre où j’ai eu un coup de foudre pour une Polonaise. On a travaillé dans des palaces, de 21 à 25 ans – j’étais chef de rang et sommelier. On gagnait bien notre vie : on était logés et nourris, on voyageait beaucoup. Puis on est allés en Corse, pendant deux ans. On avait un peu d’économies et on a eu l’occasion d’acheter une ferme – une très belle affaire – à côté de Périgueux (Dordogne), d’où je suis originaire.

J’ai toujours été à fond dans la nature ; mes grands-parents étaient agriculteurs. Alors on a tout annulé et on s’est installés en Dordogne. On a rénové la ferme avec mon père et des copains pendant plus d’un an, avant d’emménager en février 2013.

Je ne touche plus le chômage depuis mars. Je bosse au “black” pour 300 euros, ma conjointe est à mi-temps dans le bar de mon frère pour 800 euros. Je taille les haies des voisins ou je trouve des petits boulots par copinage. Ma compagne est très écolo et végétarienne. On a des légumes, une dizaine de poules et, avec des copains maraîchers, on se débrouille pour faire des échanges... On cherche à être auto-suffisants. Avant, on ne regardait pas mais aujourd’hui, on fait parfois les fonds de tiroir : les fins de mois sont délicates. Au supermarché, on regarde toujours les prix au kilo.

Si nous avions conservé notre ancien mode de vie, notre fille aurait été nourrie avec Blédina et par une nounou... Nos légumes et fruits sont ultra-bio, elle est belle et jamais malade. »

- Xavier, 41 ans : « Je peux profiter de la vie »

« Au départ, c’était un concours de circonstances. Il y a deux ans, j’ai quitté un CDI à temps complet pour un nouveau travail, toujours dans l’informatique, où les salariés sont aux quatre cinquièmes. On pouvait choisir quelle journée on ne voulait pas travailler.

Je perdais environ 5 000 euros par an de salaire, sans compter l’essence – au lieu de me rendre au boulot en RER, j’utilisais ma voiture. Au début c’était bizarre mais ça m’a donné un grand bol d’air. J’étais usé par mes journées de douze heures. Avec ces quatre cinquièmes, j’avais un grand week-end toutes les semaines. Mais au bout de sept mois, ils ne m’ont pas gardé. J’ai retrouvé un travail dans la finance, comme administrateur réseau, et j’ai tout de suite proposé de travailler aux quatre cinquièmes. Ils ont accepté. J’ai encore gagné en qualité de vie : je suis deux jours en télétravail, deux jours dans l’entreprise.

Financièrement, je gagne un peu moins qu’avant mais ce n’est pas grave. J’ai un petit prêt familial qui se termine bientôt et mon épouse, plus jeune que moi, travaille à temps complet. On s’y retrouve. Pendant ma journée libre, je fais du jardinage, du bricolage, je m’occupe de mon association... J’ai le temps de penser à ce que j’ai à faire. Le temps partiel, je ne peux pas m’en passer. Je pensais que j’allais m’ennuyer mais en fait, je peux m’occuper un peu de moi et profiter de la vie. »

- Sylvain Saïd, 47 ans : « Je voulais faire le vide »

« Aide-soignant à temps complet depuis près de vingt ans, je travaille à mi-temps depuis juin dernier. C’est en voyant passer une offre de poste de nuit dans une autre unité que je me suis décidé. J’ai eu envie de me consacrer davantage à ma vie privée, à des choses essentielles de la vie. Je voulais faire le vide de ce boulot qui est assez difficile – les conditions de travail ne s’étant pas améliorées ces dernières années.

Depuis juin, je travaille sept nuits par mois, de 20h15 à 6h15, et parfois quelques nuits supplémentaires pour remplacer des collègues malades. Mon salaire a été divisé par deux : je gagnais 1 500 euros net, je touche aujourd’hui un peu plus de 800 euros. Forcément, je fais un peu plus attention. Je paie les charges, le crédit de ma maison mais je vis quand même “aux crochets” de ma compagne, qui est prof et qui élève des vaches sur l’Aubrac.

Ma perte de revenus, si je n’avais pas eu en septembre de bugs de prélèvements qui ont entraîné des rejets bancaires et des frais exorbitants, est largement compensée par une vie emplie de joies du quotidien. Je fais de la musique, je compose, je m’occupe des vaches de ma compagne, j’écris... »

- Perrine, 28 ans : « Commencer une formation en menuiserie »

« J’ai choisi il y a un an de travailler moins (et de gagner moins) pour reprendre une formation en... menuiserie. J’ai travaillé pendant environ deux ans à temps plein dans une entreprise qui donne des cours du soir en information-communication. Le travail de bureau me pesait énormément et je ressentais le besoin de faire autre chose, de plus créatif, de plus manuel, plus technique... et surtout, plus utile ! J’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose.

Devant un reportage sur une fille menuisière, ça a été le déclic. J’ai hésité pendant des mois et mon compagnon m’a convaincue : en septembre 2012, j’ai commencé une formation en menuiserie. Je ne pouvais pas me permettre financièrement d’abandonner mon boulot : je suis donc passée aux quatre cinquièmes – je n’ai pas pris de gros risques. Un jour par semaine, je suis en stage non rémunéré chez un menuisier. J’ai aussi deux soirées de cours.

J’ai trouvé un meilleur équilibre. Je ne considère pas cette activité comme du travail : je le fais avec plus de plaisir que le bureau. Ça m’a donné un bol d’air. Au début, c’était une intuition, c’est devenu une passion. La différence de salaire entre un temps plein et les quatre cinquièmes n’est pas énorme. J’étais à 1 600-1 700 euros net, je suis passée à 1 400 euros. Je fais un peu plus attention : moins de restos, moins de sorties...

Et puis, en décembre dernier, j’ai perdu mon emploi. Paradoxalement ça a été un soulagement : enfin du temps pour faire d’autres choses, plus intéressantes ! Même si c’est difficile pour moi, le chômage. J’aimerais maintenant trouver une activité épanouissante qui pourrait me rapporter un revenu suffisant pour vivre. »

- Marie, 33 ans : « Le temps libre, une richesse quand on en profite »

« Je suis enseignante en maternelle. Quand j’ai eu mon premier garçon, à la fin de l’année 2010, j’ai repris à mi-temps pour une question d’organisation : je ne voulais pas qu’il rentre trop tôt en crèche. A la rentrée 2011, je suis passée à 75%, ce qui me permettait de mieux m’organiser avec ma classe.

Je m’y retrouve bien. Avec mon mari et mes enfants, on a beaucoup plus de temps pour passer des moments ensemble. Les parents n’ont pas toujours le choix mais en tant qu’enseignante, je vois des enfants qui enchaînent garderie et école et qui sont épuisés. Je ne voulais pas ça pour les miens. Je ne dis pas que je ne reprendrai pas un jour à temps plein mais pour l’instant, c’est un bon compromis.

Mon mari est indépendant mais il cherche un emploi de salarié, pas forcément à temps plein. A presque 50 ans, il a une expérience de vie très intense – il avait deux activités. Il dit qu’il n’était pas plus heureux avec plus d’argent. On se rend compte que passer du temps avec nos enfants, c’est bien pour eux et pour nous et on est aussi plus dans une optique de développement personnel. On gagne en qualité de vie.

D’un point de vue financier, la différence entre un mi-temps et un 75% n’est pas énorme : je touche 1 350 euros, contre 1 750 euros à temps plein. On a fait des concessions pour réduire notre train de vie : on est moins partis en vacances, on a réduit les loisirs... pour au final passer plus de temps ensemble. Comme j’ai un enfant en bas âge, je reste souvent à la maison, le vendredi : je fais du ménage, je bouquine... Ça me permet de m’avancer pour me libérer complètement le week-end. Je pense que le temps libre, c’est une richesse qui s’apprécie quand on en profite. Pas pour faire des choses en plus, mais plutôt pour ne pas courir tout le temps. »

Cet article d’Emilie Brouze a été initialement publié par Rue89 le 17 janvier 2014

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter
3 commentaires
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • bonjour,
    J’ai moi aussi un jour démissionné de mon boulot quand j’en ai eu marre de ne voir mon fils que rapidement le matin avant de l’emmener chez la Nounou et aussi rapidement le soir entre le moment où je rentrais du boulot, rarement avant 19h, et celui où il se couchait et où je pouvais faire la vaisselle, le repas du lendemain.... Il m’arrivait aussi de travailler les soirs (réunions) et de ne pas le voir, et aussi parfois le samedi, voire le week-end entier. Je gagnais bien ma vie, enfin, car je sortais d’une période de 10 ans de boulots précaires. Mais une vie de fou que j’ai menée 2 ans ! Non, je n’étais pas grand cadre dans une multinationale, ni médecin, mais juste directrice d’un modeste centre social. Après la naissance de ma fille, j’ai pris un congé parental, puis j’ai essayé de reprendre à temps partiel en proposant une réorganisation que je pensais viable et qui permettait à certains de mes collègues qui avaient des temps partiels d’avoir un peu plus d’heures. Les responsables du centre social en ont préféré une autre que je n’approuvais pas et en laquelle je ne croyais pas. On est parti pour un essai d’1 an où je partageais mon poste avec celle qui mavait remplacée pendant mon congé parental et avec qui je ne m’entendais pas et qui faisait tout pour me mettre des bâtons dans les roues. Sur un plan personnel, j’avais plus de temps avec mes enfants, ce qui était bien, mais au point de vu du travail, je ne maîtrisais plus grand chose, étant absente la moitié du temps et ma "collègue" ni mettant pas du sien. De plus mon conjoint a eu des ennuis de santé et je me suis mise à re-courrir entre mon boulot, la nounou pour ma fille, l’école pour mon fils et les hôpitaux. Une fois remis, mon conjoint s’est mis.... à ne plus rien faire. Quand les responsables du centre social m’ont demandé de reprendre à temps plein ou de partir, j’ai longtemps hésité car c’était mon 1er CDI, mais je suis partie. Depuis, j’ai eu énormément de temps avec mes enfants, ce qui est bien je le répète, et pour faire d’autres choses, dans la limite de mes moyens car je vis sans argent propre, ou si peu, au crochet des autres, ce que je vis très mal, et notamment de mon conjoint qui lui, a pu conserver son travail, obtenir un mi-temps thérapeutique... et continuer à ne rien faire. Et moi, je me suis usée à rechercher un travail, à temps partiel ce qui est peu courant dans ma profession, en me demandant à chaque entretien avec un employeur potentiel (pour un temps plein en désespoir de cause) qui me demandait si j’étais suffisamment disponible comment j’allais faire et au final passer à côté de l’entretien pour lequel je n’étais pas déjà disponible mentalement. Puis mes enfants ayant grandi, j’ai cessé de me demander comment pour me demander pourquoi je n’y arrivais pas. Cela fait 20 ans. Avec quelques pauses de quelques mois pour des CDD à temps très plein, mais maintenant je suis plutôt pour, ou des essais d’autres boulots qui ont été éphémères. Et aujourd’hui, d’indisponible je suis passée à trop âgée (54 ans).
    Mon but n’était pas de gagner de l’argent à tout va, mais d’en gagner suffisamment pour vivre, ce qui est râté ad vitam, puisque je n’aurai plus jamais de quoi vivre de façon autonome. Oui, je me suis enrichie personnellement, mais ça ne remplit pas les assiettes et j’y ai perdu en dignité.
    Je souhaite à ceux qui ont fait ce choix de réussir leur vie, mais réfléchissez-y bien avant.
    CF

    21.01 à 11h49 - Répondre - Alerter
  • J’ai tenté une année à mi-temps dans mon lycée, l’an passé, résultat, j’ai compris qu’on peut survivre avec 900 € par mois, qu’on est moins stressé, et moins malade.. mais j’ai subi une telle pression de mon proviseur adjoint que j’ai fini par reprendre à plein temps cette année, et avec un nouveau chef compétent, je reprends le goût de mon métier. l’expérience du mi-temps m’a au moins obligée à survivre en vendant pleins de trucs inutiles, en me consacrant à mon association qui permettra peut-être une reconversion, car je ne me sens pas de finir ma carrière dans l’EN où les conditions de travail sont de plus en plus dégradées. On est tellement marginalisés lorsqu’on décide de vivre autrement (sans faire de black et en restant dans les cadres) qu’on doit vraiment peser le pour et le contre. Et encore faut-il ne pas vivre seul (e), avoir des crédits, ou peu d’autres cordes à son arc.. Se mettre à mi-temps ne crée pas pour autant d’emploi, faut se le dire.. car alors chez nous, on fait appel à des contractuels sous-payés, mal considérés, et jetés à la fin de leur contrat précaire.. donc aucun impact pour les demandeurs d’emploi.. ça n’a d’effet positif que sur soi.

    17.01 à 18h48 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas