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Goji : petit miracle et grandes arnaques

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Goji : petit miracle et grandes arnaques
(Antonio Tajuelo / Flickr)
 
Le goji, ce fruit rouge venu de Chine, aurait des vertus précieuses... Mais peut créer quelques désillusions si l'on dépasse le marketing particulièrement inspiré qui l'entoure. Décryptage.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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« Fruit du bonheur », « super-fruit », « secret de longévité »... Le goji est le fruit de tous les superlatifs, de toutes les promesses. Pêle-mêle, il serait « le plus antioxydant », « le plus vitaminé », « anti-cancer » et, suprême miracle, « anti-vieillissement ». La preuve : « Dans la province de Ningxia, là où pousse ce fruit, (…) il aurait été fréquent de rencontrer des gens qui ont vécu plus de 100, voire 200 ans ! », peut-on lire avec émerveillement sur un site commercial.

Vous avez sans doute déjà croisé ces baies rouge sang dans les magasins bio ou certains supermarchés, où ces fruits séchés sont vendus pour la modique somme de 40 à 60 euros le kilo. Ils viendraient des hautes vallées de l’Himalaya, ce qui ne manque pas de leur conférer une auréole d’exotisme assez séduisante. La médecine chinoise, qui n’a pas attendu la mode occidentale pour découvrir le goji, l’utilise depuis des lustres : stimulation du système immunitaire, de la vue, du foie, fertilité, anti-toux, anti-fatigue, anti-migraine... Un article d’Olivier Potterat et Matthias Hamburger, chercheurs à l’université de Bâle, indique que c’est dans la « médecine populaire » qu’apparaissent les références à des vertus dignes de la fontaine de jouvence : le goji retarderait l’apparition des cheveux blancs et permettrait de vivre plus longtemps.

C’est donc en Chine qu’on s’est intéressé le plus tôt au goji, et en chinois que sont écrites la plupart des études le concernant. Côté occidental, les informations sur cette baie proviennent, en immense majorité, de sources commerciales. Même quand le site se nomme, par exemple, Encyclogoji. Et même, semble-t-il, quand ces infos émanent d’éminents chercheurs comme le docteur canadien Earl Mindell, auteur de best-sellers dont Goji : the Himalayan health secret. Ce dernier est loin de faire l’unanimité dans la communauté scientifique, qui met en doute son indépendance par rapport aux vendeurs de goji. Bref, la confusion règne. Décryptage en trois questions :

Quelles sont les propriétés reconnues du goji ?

Selon le chercheur suisse Olivier Potterat, la science reconnaît au goji une forte concentration de polysaccharides et de caroténoïde (pigment rouge), qui lui confèrent bien des propriétés antioxydantes (qui protègent les cellules). Toutefois, rien d’exceptionnel : « Beaucoup d’autres fruits, comme la pomme ou la myrtille, possèdent des propriétés similaires », remarque le scientifique. De la même façon, l’apport en vitamine ne dépasserait pas celui d’une orange, et encore moins d’un argousier. Des fruits d’une affligeante banalité...

Le chercheur confirme, par ailleurs, la stimulation du système immunitaire, ainsi qu’une diminution des lipides dans le sang. En revanche, dans la littérature scientifique, il n’y aurait aucune preuve démontrant l’effet anti-cancer.

Même si son efficacité n’est pas prouvée, le goji ne peut pas faire de mal, se dit-on... Mais attention, prévient Olivier Potterat : les personnes qui effectuent une cure – à raison d’une quarantaine de fruits par jour si elles respectent certaines posologies fantasques – en parallèle d’un traitement médical feraient bien d’en avertir leur médecin, car ces fruits peuvent entrer en interaction avec, notamment, des anti-coagulants.

Plus généralement, Olivier Potterat reconnaît des propriétés « prometteuses » à ce fruit. Seul hic : le passage des études biologiques pharmacologiques (tests laboratoires in vitro ou sur animaux) aux résultats cliniques est un peu rapide. En d’autres termes, rien ne prouve les effets du goji sur la santé de l’homme. C’est d’ailleurs pour cette raison que le goji n’a pas droit au statut de médicament, mais de complément alimentaire.

© Daveeza / Flickr

Le goji bio est-il vraiment bio ?

Premier critère d’évaluation : le goji qui se dit bio sans être estampillé du label AB est louche. Deux médias, le magazine Que choisir et la télévision suisse TSR, ont effectué des tests indépendants sur ces produits présentés comme naturels, « sans pesticides », et vendus en magasins bio. Les résultats sont probants. La chaîne suisse a trouvé, sur les onze échantillons de fruits séchés examinés, un seul produit sans pesticides. Les autres mélangeaient allègrement tous types de substances chimiques, ou accumulaient jusqu’à 17 fois la norme autorisée d’acétamipride (un insecticide anti-pucerons).

Finalement, ces pesticides clandestins ont poussé la FDA, l’autorité sanitaire américaine, à publier, en septembre 2009, une import alert (alerte à l’importation) contre les goji. Un mois plus tard, la Commission européenne suspendait à son tour les importations. Le Ministère de l’agriculture français lui a emboîté le pas, veillant, en plus, à ce que tous les gojis et ses produits dérivés déjà présents sur le marché français ne puissent plus faire référence à l’agriculture biologique. En mars 2010, les petits fruits ont eu de nouveau droit de circuler sur le marché européen. Mais ils subissent désormais des contrôles particulièrement stricts.

Domaine public

D’où viennent vraiment nos gojis ?

Première réponse : de Chine. En effet, les affichages « Tibet » ou « Mongolie intérieure » renvoient tous deux à des provinces chinoises, administrativement parlant. D’ailleurs, les distributeurs ne se privent pas d’invoquer les images fantasmatiques du Tibet pour élaborer leur marketing : photos de moines bouddhistes à la robe pourpre, référence au « secret de la santé et de la jeunesse des Tibétains ». Pourtant, selon un article sur le site de l’ONG TibetInfoNet, il n’y a aucune trace de culture ou d’usage commercial du goji au Tibet.

C’est en fait surtout dans le Ningxia, région autonome au Nord du pays, que le fruit rouge s’épanouit. La moitié des gojis de Chine y pousseraient. Or la région est bien loin des sommets himalayens : « C’est un peu comme si on plaçait Paris au pied des Pyrénées », raille Jean-Michel Thiphonet, directeur de l’importateur de goji Jolivia. Avant d’ajouter : « Le goji sauvage, ça n’existe pas. »Envolés, donc, les rêves de baies sauvages cueillies dans les hauteurs secrètes du Tibet. Le goji pousse en buisson bien alignés, dans des champs de culture intensive chinoise, dont les traces de pesticides susmentionnées laissent entrevoir les méthodes.

Mais d’où vient vraiment le goji ? En fait, « la plante est probablement originaire du bassin méditerranéen », souligne Olivier Potterat. Elle appartient à une famille bien connue de nos cuisines – les solanaceae – dont font partie également les tomates ou les pommes de terre. L’arbustre pousse très bien en France, au point d’être considéré comme une espèce invasive dans certaines régions. Reste à savoir si ses propriétés sont les mêmes lorsqu’il pousse en Europe, où ses fruits sont traditionnellement peu utilisés.

On allait oublier un détail : on n’ose calculer le bilan carbone de ce goji importé de Chine bien que foisonnant en France.

© Telabotanica

Enfin, au-delà de l’effet de mode, le goji a peut-être un bel avenir en Occident. Ainsi, Nestlé, l’une des premières firmes mondiales de l’industrie agro-alimentaire, s’est récemment emparé de la question et a conduit une étude clinique sur les effets du goji contre la dégénérescence de la rétine liée à l’âge. Une recherche prometteuse, qui montre un effet protecteur du goji sur l’oeil après 90 jours de consommation assidue. Le directeur général de Nestlé, Patrice Bula, cité par Les Echos, explique que « l’idée est un peu de se repencher sur les recettes de grands-mères locales et d’identifier scientifiquement les vertus de certains ingrédients naturellement plébiscités par les consommateurs ». Pas de doute, donc : le fruit de la longévité a une longue vie devant lui.

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