Ce mercredi, la Cour suprême des Etats-Unis a rejeté le « Clean Air Act » de Barack Obama, l’un des piliers de la stratégie du président américain pour lutter contre le dérèglement climatique. Les 25 Etats américains qui avaient saisi la haute juridiction jubilent. Les bastions du charbon voient s’éloigner l’obligation pour leurs centrales de baisser leur niveau d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de 32% d’ici à 2030 par rapport à 2005. De nombreux Républicains crient victoire. La Maison-Blanche, convaincue de la solidité des « bases techniques et légales » de son plan, a fait appel. Quelle que soit l’issue, ce coup de théâtre retarde la mise en application du paquet règlementaire censé permette au deuxième émetteur mondial de GES de respecter ses engagements pris lors de la COP21. Selon l’ONG Environmental Defense Fund, à moins que les Etats avancent de leur plein gré, le plan pourrait même être mis en suspens jusqu’à l’automne prochain. A ce moment-là, tout engagé qu’il soit dans la lutte pour le climat, Barack Obama fera ses cartons. Charge à son successeur de faire baisser de 26% à 28% les émissions du pays d’ici à 2015. Mais tous les prétendants en ont-ils seulement l’intention ? Dans leurs rangs, se côtoient volontaristes et incorrigibles climatosceptiques. Candidat par candidat, passage en revue des positions.
Donald Trump : le changement climatique, ce « canular chinois »
En novembre 2012, il a suffi d’un tweet pour que Donald Trump montre l’ampleur de son scepticisme vis-à-vis du changement climatique.
The concept of global warming was created by and for the Chinese in order to make U.S. manufacturing non-competitive.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 6 Novembre 2012
Traduisez : « Le concept de réchauffement climatique a été créé par les Chinois et pour les Chinois afin de rendre l’industrie manufacturière américaine moins compétitive. » Depuis, ses opposants n’ont cessé de lui rappeler sa théorie. « J’aurais pensé que Trump aurait plutôt tendance à dire c’est un canular des Mexicains ou des musulmans », ironisait encore le mois dernier le prétendant à l’investiture démocrate Bernie Sanders. Face aux attaques du camp adverse, Trump a bien tenté un rétropédalage. « Evidemment, c’était une blague », a-t-il lâché le 18 janvier dernier, précisant tout de même le fond de sa pensée : « le changement climatiques est une forme de taxe très très chère. Et des gens gagnent beaucoup d’argent. » Et si les Chinois ne l’ont pas inventée, « ils en bénéficient ». A ses yeux, le changement climatique est bien un hoax, un canular, terme qu’il répète en boucle, selon le recensement de PolitiFact. Et pour le prouver, il use d’un « argument » classique du climatoscepticisme, confondant météo et climat. Puisque le 29 janvier 2014 il neigeait en Louisiane et au Texas, pourquoi se soucier de l’avis de 99% des scientifiques ?
Ted Cruz : le climat, cheval de Troie socialiste
Le discours climatosceptique est un caméléon qui prend les couleurs de celui qui le porte. Chez Ted Cruz, il a donc les accents du Tea party. « Si vous êtes un “Big Government” (Chez les républicains, ce terme péjoratif désigne les partisans d’un Etat fort, ndlr), si vous voulez plus de pouvoir, le changement climatique est la parfaite théorie pseudo-scientifique. » Pourquoi « pseudo-scientifique » ? Parce qu’« il y a de cela trente à quarante ans, tout un tas de politiciens de gauche, de scientifiques soutenaient que nous étions confrontés à un refroidissement du climat. Et leur solution, c’était un contrôle massif de l’économie, du secteur de l’énergie et de tous les aspects de nos vies ». Voilà pour les certitudes du sénateur texan. Dans les faits, à l’époque déjà, la littérature scientifique fait état de craintes quant à une hausse global du mercure, comme le souligne le site américain CBS News. Et puis, parce qu’on ne s’en lasse pas, sa rubrique de fact-cheking épingle les égarements de Ted Cruz, notamment autour de l’histoire d’un « bateau pris dans la glace » au pôle Sud, dont la mésaventure est censée démontrer que la calotte glacière n’a pas fondue comme prévu… au pôle Nord.
Marco Rubio : les Etats-Unis ne sont pas une planète
Pas son affaire, ni celle de son pays. Voilà à grands traits la position de Marco Rubio, le sénateur de Floride, qui, du haut de ses 43 ans, entend ringardiser ses concurrents. Dans la lutte pour le climat, il est pourtant loin d’être à l’avant-garde.« L’Amérique est beaucoup de choses, elle est le plus grand pays au monde. Mais l’Amérique n’est pas une planète », s’est-il défendu en septembre dernier, devant un présentateur qui lui demandait s’il ne fallait tout de même pas agir au cas où le phénomène existerait. Non catégorique. Puisque « l’Amérique n’est même plus le premier émetteur mondial », hors de question pour le républicain de « faire des Etats-Unis un endroit où il serait plus difficile de créer des emplois dans le seul but de mettre en place des politiques qui n’auraient aucun impact sur le climat, le temps qu’il fait… ». Bingo ! Fidèle à la tradition de son parti, le plus jeune inscrit à la course pour la Maison-Blanche confond science climatique et bulletin météo.
Ben Carson, créationniste et climatosceptique
« Je ne crois pas en la théorie de l’évolution, je ne crois pas au changement climatique, je crois. » Pour Ben Carson, Darwin et les climatologues ne valent pas mieux l’un que les autres. Tout neurochirurgien qu’il soit, le conservateur novice en politique montre une profonde défiance vis-à-vis de la science et cumule créationnisme et climatoscepticisme. Que son électorat se rassure, « les températures montent et descendent. Bien sûr que ça arrive. Si ça arrêtait de se produire, on aurait un sérieux problème », assure ce fidèle de l’Eglise adventiste du septième jour.
Parmi les autres candidats républicains toujours en lice, Jim Gilmore, John Kasich et Jeb Bush reconnaissent tous à demi-mot la réalité du changement climatique. Mais tandis que le premier soutient que « les Américains ne doivent signer aucun traité », le second déclare « ne pas vouloir surréagir ». Quant à Jeb Bush, s’il se dit convaincu de la responsabilité humaine dans ce problème, il pense aussi que celui-ci peut se résoudre… de lui-même.
Hillary Clinton, le climat couci-couça
Elle est la plus mauvaise des bons élèves. Pour le site Slate, le météorologue Eric Holthaus a sorti la calculette : si le plan d’Hillary était appliqué, les émissions descendraient à un rythme plus rapide qu’avec le plan de Barack Obama, mais bien moindre qu’en cas de mise en œuvre des programmes des autres prétendants à l’investiture démocrate. Sa principale proposition : développer massivement les installations solaires en faisant bondir leur capacité de 700% en dix ans. C’est bien, mais insuffisant. Pour des groupes de défense de l’environnement, ce programme ne permet pas de rester sous la trajectoire d’une hausse des températures plafonné à 2°C et encore moins de 1,5 °C, objectif ultime de la COP21. Et pour cause, Hillary Clinton ne s’oppose pas frontalement aux énergies fossiles. L’origine de cette position timorée est-elle à chercher dans la liste des financeurs de sa campagne ? Le journaliste de Grist Ben Adler y a déniché la présence d’une dirigeante de la compagnie pétrolière ExxonMobil, des lobbyistes de Chevron et un ancien lobbyiste de la compagnie TransCanada, porteuse du projet Keystone XL sur lequel Hillary Clinton a gardé le silence pendant quatre ans, avant de se prononcer finalement contre.
Bernie Sanders, la guerre aux énergies fossiles
Le plus à gauche des candidats n’a aucun doute sur le bien-fondé du combat. « Le climat est la plus grande menace à laquelle notre planète est confrontée », répète-t-il en boucle, évoquant comme gage de sa sincérité le futur de ses quatre enfants et sept petits-enfants. Quand il ne raille pas le scepticisme de ses adversaires, le prétendant à l’investiture démocrate tacle le manque d’ambition des actions entreprises. Pour lui, l’accord de Paris signé en décembre dernier par 196 parties « est loin d’être suffisant ». S’il accédait à la Maison-Blanche, lui reconvoquerait un sommet international dans les 100 premiers jours de son mandat. Sur son site Internet, le « socialiste » présente tout un panel de pistes pour atteindre une réduction de 80% des émissions du pays à l’horizon 2050. Son plan d’attaque va de l’« interdiction du lobby des énergies fossiles auprès de la Maison-Blanche » à la « poursuite des climatosceptiques devant les tribunaux ». Un regard rapide sur le camp adverse suggère qu’il aurait du boulot.
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