Autant en emporte le vent

Réflexions pour un monde vivable, sous la direction de Jacques Testart, éditions des Mille et une nuits, 2003.

D’emblée, l’avertissement plante le décor. "Cet ouvrage correspond au souhait des auteurs de présenter leurs travaux au moment où le ministère de l’Ecologie et du Développement durable en élimine toute trace sur Internet, poursuivant la censure qui justifia la démission du président et de la plupart des membres de la Commission française du développement durable (CFDD, ndlr) en mai 2003." Réflexions pour un monde vivable est un recueil des 11 avis émis par feu la CFDD de mars 2000 à mai 2003, sous la présidence de Jacques Testart, biologiste de la procréation, directeur de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

Coup d’épée dans l’eau

Faute de pouvoir continuer à travailler "en toute indépendance", cet organisme chargé de conseiller le gouvernement en matière de développement durable a préféré se saborder. Tout en faisant le choix de livrer après coup au public le fruit de ses réflexions. Organismes génétiquement modifiés, aides à l’agriculture, énergie et changements climatiques, brevetabilité du vivant, principe de précaution, autant de recommandations restées lettre morte...

Le droit à être consulté

Outre ce catalogue de propositions, la grande originalité de la commission réside dans la méthode préconisée pour rendre la planète moins invivable. Fustigeant la prétention des spécialistes à détenir le monopole de la vérité, les coauteurs - parmi lesquels on trouve des experts scientifiques - réclament que les citoyens soient régulièrement consultés sur les grands thèmes liés au développement durable. D’autant que les premières expériences en ce sens ont produit des résultats plus qu’encourageants.

Attitude responsable

Ainsi, début 2002, la CFDD organisait avec la Cité des sciences de la Villette à Paris, une conférence de citoyens sur les changements climatiques et la citoyenneté. Ces conférences "visent à faire émerger des avis citoyens, formulés par des personnes n’ayant pas d’expertise particulière sur les questions posées, mais ayant accepté de mûrir leur réflexion sur la base d’un approfondissement préalable des dossiers leur permettant d’adopter une attitude responsable sur les sujets traités".

Conclusions poil-à-gratter

Concrètement, un panel de 16 citoyens présentant des profils variés est sélectionné par l’institut de sondages Ifop. Ces Français lambdas suivent ensuite, au cours de deux week-ends, une formation auprès des meilleurs spécialistes français des changements climatiques. Avant de rédiger dans la foulée un rapport faisant état d’un certain nombre de recommandations, présenté à la presse le 11 février 2002. Parmi les avis, celui-ci : "Nous recommandons de prévoir un plan de sortie du nucléaire sur le long terme, le nucléaire n’étant qu’une transition vers de nouvelles sources d’énergies non émettrices de gaz à effet de serre." De quoi, probablement, irriter quelques industriels.