Le titre de cet article plairait-il à Benoit Grunberg, le cartographe à l’origine du site Aménagements-cyclables.fr ? Sans doute pas, puisqu’il estime que « l’idée, ce n’est pas d’inciter les collectivités à se tirer la bourre sur le nombre de kilomètres de pistes cyclables ». Mais difficile de ne pas se livrer au petit jeu des comparaisons face à la carte qu’il a contribué à créer, émaillée de liserés et de taches vertes. Ainsi, en se laissant happer par la rubrique « Stats » – par ville, par département, par région –, on apprend qu’avec ses 313 kilomètres de voies vertes, bandes cyclables et doubles sens vélo, la ville de Nantes n’a rien à envier, en proportion, à Paris, forte de ses 448 kilomètres d’aménagements pour biclous. Toutes deux ridiculisent Marseille et ses malheureux 70 kilomètres sur lesquels il fait bon pédaler. En poussant plus loin l’esprit de compétition, on note que la cité phocéenne dispose de cinq fois moins de voies hospitalières aux cyclistes que la préfecture de Loire-Atlantique… pour une population pourtant trois fois plus importante.
« Parfois, un partage intelligent de la voirie vaut toutes les pistes cyclables », explique Benoit Grunberg. Sans compter que « pour une collectivité, rien ne sert de débourser des dizaines de milliers d’euros pour des aménagements dont les usagers ne connaissent pas l’existence », renchérit-il, cette fois sous la casquette de fondateur de Géovélo dont il fait au passage la promo. Créé en 2010, ce site est aux cyclistes ce que Mappy ou Google Map Itinéraire sont aux automobilistes, avec pour spécificité de proposer le parcours le plus sécurisé. Et comme personne n’est prêt à sortir sa carte bleue pour trouver un itinéraire, la start-up fonctionne comme prestataire des collectivités.
Essor « en taches de léopard »
Pour l’heure, huit villes et communautés urbaines françaises se sont dotées de l’outil. Couvrant une bonne partie du globe, le site cousin, Aménagements-cyclables, réalisé à partir de l’outil collaboratif OpenStreetMap, permet d’élargir la focale. « La carte est très fiable sur les zones couvertes par Géovélo. Pour les autres, nous disposons de moins de données, mais on obtient tout de même un reflet assez fidèle de la réalité », explique Benoit Grunberg. Depuis six ans qu’il recense pistes et voies cyclables, l’homme a vu l’aménagement vélo prendre un essor « en taches de léopard » dans l’Hexagone. En clair, « il n’y a rien de fulgurant, mais quand ça commence à bien marcher dans un coin, ça se répand ». Et ce, selon la bonne santé économique des territoires. « A Paris, il y a une belle dynamique sur le vélo : à l’origine, ça part d’un effet de mode mais ça va s’inscrire dans la durée, prédit le cartographe. Par contre, dans une zone comme Saint-Brieuc, malade d’un secteur agroalimentaire en crise, personne ne se fait chier à faire du vélo ! » Même constat dans le nord de la France, « de Valenciennes à Béthune, des coins où l’ascension sociale passait par la voiture, il n’y a pas beaucoup de vélos ». Le maillage est également fonction de la densité de population. « Les zones rurales et périurbaines sont très mal loties », reprend-t-il.
Car que l’on soit féru ou non de comparaisons, les disparités sautent aux yeux. Sur la carte d’aménagements cyclables, les noms Strasbourg et Toulouse disparaissent sous les entrelacs verts. « On a aussi noté de gros efforts sur les villes de l’Ouest, comme Nantes, Rennes ou Tours, explique le cartographe. Et puis, sur le chapelet d’agglomérations qui va de l’Atlantique à la Méditerranée. » Par contre, dès que l’on atteint la Côte d’Azur, le vert se carapate… Si Nice n’a aucune raison de pérorer, Marseille reste le gros point noir. « C’est la deuxième ville de France et il n’y a rien, c’est dramatique », déplore Benoit Grunberg, fustigeant au passage le manque de volonté politique. Parmi les signes de frémissement, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône vient d’annoncer son ambition de passer de 80 à 500 kilomètres de pistes cyclables en cinq ans selon le site Marsactu.
Mais un dézoom suggère que le mauvais élève serait plutôt la France entière. Mais pour Benoit Grunberg, hors de question de complexer devant les voisins du nord de l’Europe. Question de topographie, de culture aussi… « Les Pays-Bas, c’est très plat, le vélo s’implante très bien. » Et l’homme, c’est son métier, préfère s’intéresser au parcours plutôt qu’à la ligne d’arrivée. « Les Pays-Bas ont commencé il y a quarante ans ; en France, les collectivités ont surtout bougé ces dernières années, tient-il à rappeler. Dans toutes les municipalités, il y a des techniciens qui font du bon boulot, il ne manque pas grand-chose… »
Pour compléter ou affiner la carte, n’hésitez pas à contribuer via OpenStreetMap
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