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Pesticides : quand les agriculteurs sortent du rang
mercredi, 3 mars 2010
/ Julien Vinzent / Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco. |
En plein Salon de l’agriculture, le tout jeune réseau Victimes Pesticides diffuse des témoignages d"agriculteurs ou d’horticulteurs exposés aux produits phytosanitaires et atteints de maladies graves.
Qu’un seul tienne et les autres suivront. Le Mouvement pour le respect et le droit des générations futures (MDRGF) essaie de fédérer un réseau de victimes des pesticides derrière le combat de Paul François. Intoxiqué par le Lasso de Monsanto, cet agriculteur charentais a enchaîné plusieurs comas et des mois d’hospitalisation. Un marathon médical doublé d’un parcours du combattant juridique pour faire reconnaître son cas en accident du travail. Après avoir obtenu ce sésame rare l’année dernière, il a attaqué la multinationale pour manquement à l’information et à la sécurité.
"Un certain nombre d’agriculteurs comprennent l’intérêt de sortir de l’omerta. Même si cela ne règle pas leur problème, cela peut éviter à d’autres de connaître ces mésaventures", commente François Veillerette, président du MRDGF. En janvier, des membres de Victimes Pesticides se sont réunis à Ruffec, sur les terres de Paul François pour partager leur expérience. Certains ont même accepté de la raconter face caméra.
On y voit Jean-Marc Boni, qui a développé un polype cancéreux puis un lymphome non-hodgkinien, et espère que son cas "pourra faire jurisprudence" pour ses nombreux collègues et aînés de la coopérative agricole où il a travaillé pendant 35 ans. Ou encore Patrick, qui "traitait en short et t-shirt", et qui souffre de la maladie de Parkinson. "Je comprends très bien que le gars qui était en pleine forme et tombe d’un coup malade se dise, « c’est ça », et incrimine les pesticides. Mais il est quasiment impossible de faire la part des choses entre les différents facteurs. Sur un cas particulier, on ne peut rien dire, il faut travailler au niveau statistique", nuance Gérard Bernadac, médecin à la MSA - la Sécu des agriculteurs - et viticulteur dans l’Hérault.
Selon ce médecin, on manque d’informations, même si "nous avons des tendances pour les cancers de la prostate, certaines tumeurs cérébrales, leucémies et Parkinson". Car l’artillerie lourde n’est pas encore sortie : l’étude Agrican de la MSA sur les cancers - qui porte sur 600 000 personnes - joue l’Arlésienne et l’Institut national de veille sanitaire vient juste de lancer une étude épidémiologique à grande échelle. "Comment se fait-il, alors que nous avons 40 ans de recul, que nous n’ayons pas d’information suffisante sur leur impact sur la profession agricole ? Mon père est passé par deux cancers, d’où ils viennent ? J’aimerais bien des réponses", lâche Raoul Leturcq, agriculteur en Picardie.
La prise de conscience semble pourtant loin d’être générale. "Ceux qui s’exposent ne voient pas le danger. Maintenant avec les cabines de tracteur climatisées ils se pensent à l’abri. Il y a une certaine inconscience", commente Michel Apostolo, éleveur bio et membre de la Confédération paysanne Paca. Idem pour les personnels de gestion des espaces verts, qui manipulent ces produits au quotidien. "On en parle, mais les gens n’agissent pas. L’autre jour je voyais un collègue pulvériser en plein mistral alors que des enfants étaient sur une aire de jeu à 10 mètres. Il m’a répondu qu’il ne faisait que ce qu’on lui disait de faire", se désole David Escalier, un horticulteur marseillais qui ruse avec son employeur pour éviter d’utiliser des pesticides.
Mais "ne jetons pas la pierre aux agriculteurs", demande Gérard Bernadac, qui s’indigne qu’on leur demande de réduire de 50% l’utilisation des pesticides sans les accompagner. "Il faut des aides et du matériel pour cela. C’est facile de dire « démerde to i » !" Michel Apostolo confirme : "les agriculteurs sont débordés par le travail, donc ils cherchent des pratiques qui leur permettent de gagner du temps. Comme la profession est en difficulté économique, ils vont aussi vers ce qui coûte le moins cher à court terme". Avis aux responsables politiques en visite au Salon...
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