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Les pilules bleues
mercredi, 30 avril 2008 / Natacha Lorit , / Sipa

Au fond des mers reposent peut-être les futurs médicaments contre les maladies neurodégénératives, telles Alzheimer, ou le cancer.

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Dénicher au fond de l’océan les remèdes de demain. L’idée est séduisante, d’autant que la faune et la flore terrestres sont déjà largement passées sous la lentille du microscope. Laurent Meijer, chercheur au CNRS, s’intéresse, lui, à des molécules marines, notamment issues des éponges de mer. D’après ses travaux, récompensés par la Fondation de France, les propriétés de ces organismes pourraient s’avérer bénéfiques pour le traitement de certaines tumeurs, de maladies du rein et d’Alzheimer. Mais de l’éponge à la pilule miracle, le chemin est encore long. Malgré une biodiversité formidable, le milieu marin, qui occupe 70 % de la surface de la Terre, est celui que l’on connaît le moins. « L’océan est peu exploré parce que peu accessible », souligne Laurent Meijer.

Aujourd’hui, seul un antidouleur, fabriqué à partir du venin d’un coquillage, est vendu en pharmacie. Une dizaine de molécules provenant d’algues, de coraux ou de poissons devraient arriver prochainement sur le marché. « C’est assez difficile de produire à partir de la mer, explique Georges Massiot, du centre de recherches des laboratoires Pierre Fabre. Sauf à faire de gros investissements en matière de culture. Ce que personne ne peut ou ne veut faire. »

Les éponges lâchent leur venin

Compliquées à synthétiser chimiquement ou provenant d’organismes difficiles à cultiver en laboratoire, ces molécules coûtent cher à développer. Les délais de mise sur le marché – plus de dix ans – sont trop longs. Il faut tabler sur un milliard d’euros entre la découverte d’une molécule et sa mise sur le marché. « Les boîtes font leurs calculs, elles n’y vont pas », ajoute Georges Massiot. Mais les choses pourraient changer. Car, que ce soit en matière de cancérologie ou de maladies neurodégénératives, la demande de médicaments devrait quadrupler dans les prochaines décennies. S’il est difficile de déterminer la part qu’y représenteront les molécules venues de la mer, les chercheurs y voient un « espoir réel », notamment avec les bactéries marines. « On estime qu’on connaît seulement entre 0,1 % et 1 % de la biodiversité microbienne marine. Or, derrière ce monde inconnu se trouvent des choses très intéressantes », confirme Jean Guezennec, de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer).

Parmi les pistes prometteuses, les animaux fixés tels que les éponges. Celles-ci seraient devenues des proies rêvées si elles n’avaient développé des substances toxiques pour se défendre. Ces micro-organismes, « plus maîtrisables » que les « macros » selon Georges Massiot, devraient pouvoir être cultivés en laboratoire ou encore génétiquement modifiés. L’occasion finalement pour l’industrie pharmaceutique de s’offrir au passage une touche d’écologie, en donnant, selon les mots de Laurent Meijer, « un sens supplémentaire à la protection de la nature ».


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