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Voyage au pays de l’éolien offshore : au pied des géantes (2/3)
jeudi, 3 juin 2010 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

Les éoliennes Horns Rev 2 se dévoilent enfin au large de la côte danoise, au terme d’un voyage mené par un ancien pêcheur. L’occasion rêvée de donner la parole à une profession clé pour la Compagnie du vent, qui veut construire un parc similaire au large de la Normandie.

Du gingembre et un comprimé de « Mer calme » avant d’aller côtoyer de près le parc éolien offshore Horns Rev 2. Le conseil de l’ambassade du Danemark n’était pas superflu, même s’il n’a pas évité à certains passagers quelques désagréments. 60 kilomètres aller-retour avec des pointes à 28 nœuds et par mer agitée, ça secoue… Très vite, les éoliennes terrestres et la plateforme pétrolière en rénovation du port d’Esbjerg sont hors de vue. Seuls quelques bateaux de pêche, suivis de leur cortège d’oiseaux, viennent fournir un point de repère. « C’est là qu’on se rend compte qu’il y a de la place dans la mer », souffle Paul Neau, ingénieur responsable des études d’impacts pour le projet de parc de la Compagnie du vent (LCV) au large des côtes normandes.

Les pêcheurs danois sont-ils aussi philosophes face aux éoliennes ? « C’est vrai qu’elles prennent un peu de place, mais il n’y a eu aucune disparition de poissons, ni de problème pour la navigation. La gêne intervient surtout pendant la construction », assure Jesper Juul Larsen, président de l’association des pêcheurs locale. Sur le gril des journalistes de la presse normande, rodés question poisson, ce pêcheur de crevettes parle chaluts – interdits pour le premier parc mais autorisés après négociations pour le second – mais aussi compensations : 135 000 euros pendant 25 ans pour Horns Rev 2. La réduction de moitié de la flotte locale ? Plutôt la faute aux quotas bruxellois.

Pêche en déclin

Dans la cabine du puissant bateau, se trouve justement un ancien pêcheur, Knud Erik Moller, aujourd’hui à la tête de KEM Offshore. Ses 7 bateaux de transports acheminent les techniciens vers les deux parcs Horns Rev 1 et 2 mais aussi en Allemagne. « Aujourd’hui, aucun ancien pêcheur n’est au chômage. Beaucoup ont été engagés par la compagnie (de sauvetage en mer, ndlr) Esvagt, d’autres travaillent au port d’Esbjerg à des métiers complètement différents. Il y a aussi eu un déclin naturel dû au vieillissement des pêcheurs », complète Jesper Juul Larsen.

De quoi apaiser les craintes des pêcheurs français ? Trois d’entre eux doivent faire le voyage la semaine prochaine, à l’invitation de la commission particulière du débat public, qui s’est déjà rendue sur place en avril. « C’est ce qu’on demande depuis dix ans., se réjouit Alexis Maheut, président du comité régional des pêches de Haute-Normandie. On veut savoir ce qu’ils pêchent, avec quel engin, s’ils continuent de travailler, s’il y a des zones de protection, quelles sont les mesures de sécurité, etc. »

Houleux débats franco-danois

« Les pêcheurs ne créent pas un brouhaha, ils sont dans une position de négociation », confirme Paul Neau. Alexis Maheut n’en pense pas autant de LCV : « Est-ce que le promoteur est prêt à changer ses choix ? Je n’en ai pas l’impression. Si c’est ça, ce n’est pas la peine de faire venir les gens ». D’ailleurs, la première rencontre franco-danoise a été houleuse. Venu témoigner au Tréport, le pêcheur danois Tony Davies – qui ne s’attendait pas à une réaction aussi virulente – a été accusé d’être vendu aux promoteurs…

Forêt géométrique

Reste un élément, qui ne ment pas : le parc en lui-même. Au bout de trois heures, les points apparaissent finalement, bien alignés sur la carte marine numérique. A travers la vitre battue par les embruns, l’impression est moins nette. Mais à chaque passage devant une rangée de machines, l’aspect géométrique ressurgit. Ni les pales culminant à 114 mètres, ni le poste de transformation couplé à un espace qui peut loger 24 personnes pendant plusieurs jours, ne semblent si imposants.

Voir l’objet du conflit en chair et en os, une stratégie pour dépassionner le débat ? Plutôt un joker éventé : les comités des pêches locaux de Dieppe et de Fécamp ont déjà visité deux parcs britanniques, sur invitation de la compagnie allemande WPD. A choisir, ils pencheraient d’ailleurs pour le projet de celle-ci, situé au large de Fécamp. LCV, comme le modèle danois, ont de la concurrence…


FRANCE-DANEMARK : COMPARAISON EST-ELLE RAISON ?

« C’est toujours difficile de comparer. Au Danemark, cela n’a pas l’air d’être une zone de pêche aussi fréquentée. Et les études d’impact ne sont pas harmonisées au niveau européen. Mais cela permet de se faire une idée », estime Philippe Marzolf, président de la Commission particulière du débat public. D’autant plus que les deux parcs offshore danois recoupent eux-mêmes des situations différentes. Lors de la venue au Tréport de Tony Davies, pêcheur danois, la question a été centrale. On a notamment discuté taille des bateaux – plus gros au Danemark – et type de pêche : les coquilles Saint-Jacques, spécialité du Tréport, nécessitent des dragues à coquilles, qui traînent sur le fond. Une pratique sensible à cause des câbles sous-marins. En France, LCV se dit prête à travailler avec les pêcheurs pour aménager des récifs artificiels.

Retrouvez le premier épisode du voyage de Terra eco au pays de l’éolien offshore ici


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