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7-10-2004
Mots clés
Social
Politique
France

Les 35 heures, à 2 vitesses

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Six ans après la mise en application de la loi sur les 35 heures, jamais celle-ci n'a été aussi discutée. Au-delà d'un débat très idéologique, quel bilan peut-on dresser de l'opération ? Eléments de réponse.
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Six ans après la mise en place des 35 heures, une première inégalité saute aux yeux : tout le monde ne les vit pas. Au dernier décompte, fourni par le ministère du Travail, seulement 9,9 millions de salariés français des secteurs privé et semi-public [1] "sont aux 35 heures". Ouvriers, cadres, salariés de petites entreprises... Qui en profite vraiment ?

Ouvriers flexibles, cadres en congés

"Il ressort des enquêtes d’opinion que les grands perdants sont les ouvriers", souligne Eric Heyer, directeur adjoint de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), réputé favorable aux 35 heures. Avant, les personnes à bas salaires faisaient des heures supplémentaires, pour arrondir les fins de mois. Depuis, au moins dans les grandes entreprises, "on leur a, en quelque sorte, supprimé l’accès aux heures supplémentaires", note Eric Heyer. Car la loi Aubry a ramené à 37,5 par personne et par an le quota maximal des heures supplémentaires. En outre, la durée du travail n’a pas réellement chuté de quatre heures, car dans la négociation, les entreprises en ont souvent exclu les pauses et le temps d’habillage...

Côté positif, le smic a sensiblement augmenté : payer 35 heures au prix de 39 revient mathématiquement à augmenter le salaire mensuel de 11,4%. "On peut dire que le Smic a augmenté deux fois plus vite que ce qu’il aurait augmenté si les 35 heures n’existaient pas", souligne Eric Heyer. Reste qu’un ouvrier payé au Smic est toujours au Smic... "Au final, il a certainement le sentiment que sa situation n’a pas changé. Et qu’une loi "sociale" a surtout profité aux cadres", observe Eric Heyer.

Grosso modo, le salaire des cadres n’a pas changé et ils ont obtenu dix à quinze jours de congés annuels supplémentaires, qu’ils n’ont pas l’intention de lâcher. "Ils disent aussi que leur rythme de travail s’est intensifié et qu’on leur demande de faire autant en moins de jours. Il y a plus de stress", souligne Eric Heyer.

Bilan mitigé pour l’emploi

Les 35 heures n’ont pas permis autant de créations d’emplois qu’annoncé. 350000 selon les chiffres de la Dares (ministère du Travail), notamment parce qu’en contrepartie des 35 heures, les entreprises ont obtenu des allègements de charges sur les salaires payés. "Ces chiffres, surévalués, sont de toute façon deux fois inférieurs aux prévisions", tranche Michel Martinez, responsable des études de Rexecode, un organisme proche du patronat. "Les 35 heures ne sont pas une arme anti-chômage, confirme Eric Heyer. Les créations de postes consécutives à leur instauration n’ont permis d’"absorber" que 210000 chômeurs". Il y en a aujourd’hui treize fois plus.

Gros sous et querelle de chapelles

Qu’ont coûté les 35 heures ? Attention, terrain miné. L’OFCE sort la calculette : d’un côté, les allègements de charges consentis aux entreprises, coûtent dix milliards d’euros par an ; de l’autre, les emplois créés génèrent cotisations, impôts, consommation, et permettent d’économiser des indemnités de chômage. Résultat : les 35 heures coûtent deux à trois milliards d’euros par an. Faux, rétorque Rexecode, pour qui les créations d’emplois auraient eu lieu sans les 35 heures. Qui coûtent donc cher et ne rapportent rien.

Les grandes entreprises s’y font

Elles ont obtenu des allègements de charges et l’annualisation du temps de travail. Edouard Michelin, patron du Bibendum, farouchement opposé à l’esprit des 35 heures, dit lui-même : "Cette loi nous a permis d’introduire un peu plus de souplesse, de flexibilité dans notre système de production" [2]. "On est sur un équilibre subtil. Les DRH ne ressentent pas le besoin de remettre en cause les 35 heures", confirme Paul Schiettecatte, directeur général d’Entreprise et personnel, association qui regroupe 160 entreprises grandes et moyennes.

Les petites entreprises et leurs salariés peinent

La plupart des entreprises de moins de vingt salariés ne sont pas passées aux 35 heures. La loi Fillon a porté le quota annuel d’heures supplémentaires à 180. Elles ont tapé dans cette réserve, quitte à payer un peu plus de charges, pour rester à 39 heures de travail hebdomadaire. A l’avenir, elles pourraient avoir du mal à recruter des salariés qui préfèrent le confort relatif d’un grand groupe et de ses 35 heures.

Les 35 heures sont-elles responsables des délocalisations ?

"Je pense qu’on s’est tiré une balle dans le pied. On va le payer en risques supplémentaires de délocalisations", lâche Michel Martinez. "Revenir sur les 35 heures ne résoudrait pas la question des délocalisations qui, dans certains secteurs, me semblent inéluctables", tempère Paul Schiettecatte. Qui croire ? Un élément de réponse est fourni par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Ces pays n’appliquent pas les 35 heures. Ils sont pourtant eux aussi frappés de plein fouet par les délocalisations.

[1] sur un total de 15 à 16 millions

[2] Figaro, 30 septembre 2004

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